Faire ou ne pas faire l'armée en Israël : telle est la question que posent deux clips concurrents, postés sur Internet. Bâtis sur la même trame mais portés par deux discours radicalement opposés, ils illustrent le désenchantement de la jeunesse israélienne vis-à-vis de Tsahal, le traditionnel creuset de l'Etat juif, fissuré par sept années de répression du soulèvement palestinien et une guerre ratée au sud du Liban.
La scène se passe dans un café baba cool, avec guitariste en arrière-plan, jeu de jacquet sur la table et un groupe de jeunes massés autour de verres de thé. A leur accent et à l'atmosphère exotique, on devine qu'il s'agit de touristes israéliens en Inde, le terrain de décompression du conscrit après deux ans (pour les filles) ou trois ans (pour les garçons) de service militaire. La discussion, aiguillonnée par la curiosité d'une jolie Européenne, tourne autour de cette expérience. A partir de là, les deux vidéos divergent.
Dans la première, intitulée "Un vrai Israélien ne déserte pas l'armée", les ex-soldats déclinent avec fierté leur affectation - l'armée de l'air pour l'un, l'unité d'élite Golani pour l'autre -, jusqu'à ce que l'un d'eux, interrogé à son tour, détourne le regard, signe qu'il a court-circuité l'armée.
Inversement, dans le second film, les jeunes Israéliens racontent pourquoi ils ont interrompu leur service ou bien refusé de s'enrôler : les exactions des soldats à Hébron, en Cisjordanie ; le suicide de membres de leur unité ; le désintérêt de l'Etat vis-à-vis des minorités ethniques. Le clip se termine sur le visage embarrassé du dernier de la bande qui, lui, a rempli ses obligations militaires. Avec, en guise de contre-slogan : "Un vrai Israélien ne déserte pas la vérité".
La vidéo originelle n'est pas le produit d'une commande de l'Etat ou de l'armée. L'initiative en revient à deux des patrons les plus en vue de la publicité en Israël, Rami Yeoshuah et Zvi Vilder, choqués par des statistiques publiées en novembre 2007 selon lesquelles près de 28 % des jeunes Israéliens échappaient à la conscription. Un chiffre qui englobe les ultraorthodoxes, dispensés de service et aussi les exemptions pour "motifs psychologiques", la combine des jeunes allergiques au kaki.
"Dans un pays comme Israël, qui est entouré d'ennemis, il n'y a pas de choix possible. L'armée est une obligation morale", tranche Zvi Vilder, directeur de l'agence VPR. Financée par des fonds privés, cette campagne a été déclinée à la télévision israélienne et dans la presse, sur les bus et sous forme de tracts dans les boîtes aux lettres.
Ce matraquage a incité un groupe d'amis issus de la mouvance refuzniks - ceux qui refusent le service pour des raisons politiques - à répliquer du tac au tac. "L'argument des guerres imposées ne tient plus la route depuis l'invasion du Liban par Israël en 1982, explique Guy Davidi, un jeune vidéo-activiste. Et puis, franchement, qui peut encore croire que l'armée est un argument de drague efficace auprès des jeunes Européennes ?" Réalisée dans le même café de Tel-Aviv que l'originale, la contre-vidéo circule depuis une dizaine de jours sur Internet. Avec un taux de visionnage très élevé.
Un vrai Israélien ne déserte pas l'armée :
www.youtube.com/watch?v=gXUqq_BOeDY
Un vrai Israélien ne déserte pas la vérité :
www.youtube.com/watch?v=lsBUFHudpY4
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