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Pour Ehoud Olmert, l'offensive israélienne à Gaza n'était pas "une frappe ponctuelle"

L'offensive de Tsahal a pris fin, lundi 3 mars, dans la bande de Gaza. Cent-dix Palestiniens et trois Israéliens ont été tués.

Par Michel Bôle-Richard

Publié le 03 mars 2008 à 10h57, modifié le 03 mars 2008 à 16h01

Temps de Lecture 5 min.

Dans le cimetière de Jabaliya, le plus grand camp de réfugiés de Gaza, une foule immense est venue rendre hommage aux victimes. Nizar Rayan, l'un des plus radicaux parmi les leaders islamistes du Hamas, a perdu trois des siens.

D'habitude le verbe haut et la formule assassine, il ne parvient pas cette fois à trouver les mots face à la "tuerie", qui, en quelques jours, a dépassé toutes les autres depuis le début de la deuxième Intifada, en septembre 2000. Des prières s'élèvent alors que l'on recouvre les corps du sable dont est fait le cimetière.

Sous la pression des Etats-Unis, Tsahal s'est résignée à retirer ses troupes de la bande de Gaza, lundi 3 mars. "La violence doit cesser et les discussions doivent reprendre", a fait savoir la Maison Blanche. Plus de 110 Palestiniens et 3 Israéliens ont été tués ces derniers jours.

La secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice, doit effectuer, en début de semaine, une nouvelle tournée au Moyen-Orient. Elle devait se rendre mardi à Jérusalem et dans les territoires occupés, afin de relancer les négociations de paix qui, depuis le sommet d'Annapolis (Maryland) du 27 novembre 2007, sont au point mort. Dimanche, Mahmoud Abbas, président de l'Autorité palestinienne, a annoncé "la suspension des contacts à tous les niveaux avec Israël, car ils n'ont aucun sens en raison de l'agression israélienne".

L'opération "Hiver chaud", lancée samedi 1er mars par l'armée israélienne pour tenter de faire cesser les tirs de roquettes palestiniennes, a donc pris fin même si, dimanche encore, Ehoud Barak, ministre de la défense, assurait : "Nous devons nous préparer à une escalade." De son côté, le premier ministre, Ehoud Olmert, indiquait qu'Israël "n'avait aucune intention de cesser les combats contre les organisations terroristes".

Plus de 70 Palestiniens ont péri au cours des deux derniers jours lors de cette incursion de près de 2 000 soldats appuyés par des chars et des hélicoptères d'assaut. Plus de la moitié des 110 victimes palestiniennes des opérations répétées de Tsahal, depuis le 27 février, date à laquelle a commencé cette escalade, sont des civils, dont de nombreux enfants. Ces opérations ont également coûté la vie à deux soldats et un civil israéliens tués par une roquette Qassam. La mort de ce civil a déclenché les représailles israéliennes qui n'ont pourtant pas mis fin aux tirs sur Sdérot et Ashkelon, les deux villes israéliennes les plus proches de la frontière.

"LE MONDE ENTIER S'EN MOQUE"

Le bilan est lourd. Dès l'annonce du retrait, le Hamas a crié victoire. Mais Jabaliya continue d'enterrer et de pleurer ses morts. A côté de la mosquée, dimanche, un homme n'arrive pas à tarir ses larmes. Il a perdu trois membres de sa famille. Trois des six corps qui sont portés sur les épaules, dont une fillette de deux ans.

L'un de ses voisins, qui refuse de donner son nom, ne cache pas sa colère : "Nous n'avons pas invité les juifs à venir chez nous. On nous les a imposés. Il est normal de les combattre car c'est notre pays et ils violent nos droits. Les roquettes, c'est une réponse naturelle. Et même lorsqu'il n'y avait pas de Qassam, ils nous tuaient quand même. A Jénine et à Hébron, en Cisjordanie, il n'y a pas de roquettes et ils tuent des Palestiniens. Le monde entier s'en moque. La communauté internationale ne se préoccupe de la situation que lorsqu'il y a des morts israéliens".

Etudiant en Allemagne, il n'a pu quitter la bande de Gaza pour finir ses études. Comme beaucoup d'autres depuis que le Hamas a pris le pouvoir par la force sur ce territoire le 15 juin 2007, il se sent séquestré. "Les Israéliens veulent nous liquider, mais nous ne nous laisserons pas faire."

Assis en tailleur dans le cimetière, un jeune garçon de 19 ans lance des poignées de sable sur la tombe d'un cousin tué par un missile tiré par un drone. Un disparu qui hante sa mémoire. Il aspire lui aussi à devenir "un martyr". Le bruit strident d'un départ de Qassam rompt le silence. "Cela me fait du bien. C'est la seule bonne chose que l'on ait", soupire-t-il. Du haut du cimetière, on domine une partie de la ville. Au loin, on entend les tirs des mitrailleuses lourdes de Tsahal. Les chars Merkava sont postés à trois kilomètres sur une colline en bordure de Jabaliya.

De temps à autre, le bruit sourd d'un obus retentit, soulevant un nuage de fumée. Un hélicoptère Apache tournoie dans le ciel, lâchant à intervalles réguliers des leurres comme si son équipage craignait les départs de missiles sol-air. Mais, ce ne sont que des roquettes qui partent au milieu des maisons. Un expert prétend distinguer facilement le bruit des Qassam de celui des Katiouchas appelés aussi Grad, un modèle de plus longue portée qui peut désormais atteindre les faubourgs d'Ashkelon, à une quinzaine de kilomètres au nord de Gaza.

Comment empêcher ces départs de roquettes au beau milieu des habitations ? La tâche pour l'armée israélienne paraît totalement impossible à moins de prendre le contrôle du camp aux rues étroites et tortueuses. Une tâche périlleuse pour Tsahal. C'est pourquoi les chars et les troupes se cantonnent dans les faubourgs.

Au coin des rues, les combattants palestiniens sont là, tout de noir vêtu, le visage camouflé par des passe-montagnes. Ils sont prêts a tout. "La mort ne nous fait pas peur. Nous nous battons pour Dieu et pour notre pays. Ils peuvent venir. Nous les attendons. Ils vont avoir des surprises." A peine camouflées, des mines artisanales sont reliées à des fils électriques. Ces combattants des Brigades Ezzedine Al-Qassam sont bien équipés : grenades, RPG (lance-roquettes), talkies-walkies.

Les Israéliens sont à 400 mètres. Des tirs résonnent dans les rues presque vides où des pneus sont brûlés pour contrarier la visibilité des assaillants. Cette journée de dimanche est beaucoup plus calme que la veille. Et soudain, le bruit assourdissant d'un départ de roquettes Qassam fait se coucher tout le monde sur le sol. Les mitrailleuses israéliennes répondent par des rafales à cette provocation.

A l'hôpital Kamel Adwan, les médecins n'arrivent plus à faire face. Depuis le début des combats, il y a eu au moins 300 blessés. Les plus graves sont expédiés vers la ville de Gaza, car les équipements sont insuffisants et les médicaments manquent. Les familles vont reconnaître les corps à la morgue et ressortent en pleurant. Des rafales de kalachnikov saluent le départ des morts.

A l'hôpital Shifa de Gaza, les salles d'urgence sont pleines. La plupart des alités ont été blessés par des missiles. Les plus gravement atteints sont envoyés en Egypte pour être soignés. Les familles bloquent les ambulances pour un dernier adieu. D'autres patientent dans les couloirs pour tenter de voir un proche hospitalisé.

Gaza est meurtrie. Les magasins et les écoles fermés. Le siège du gouvernement du Hamas a été sérieusement endommagé par deux missiles au cours de la nuit. Plus loin, dans les faubourgs, une maison a été réduite en un tas de décombres par deux missiles tirés par un chasseur F-16. Six personnes ont péri : les parents, deux filles et deux garçons. Des traces de sang sont encore visibles sur un mur.

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