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Les écrivains arabes choqués et divisés

Israël est l'invité d'honneur du Salon du livre de Paris.

Par Christine Rousseau et Catherine Simon

Publié le 06 mars 2008 à 16h54, modifié le 06 mars 2008 à 16h54

Temps de Lecture 3 min.

L'appel au boycottage du Salon du livre de Paris (14-19 mars) sera-t-il entendu et, surtout, massivement suivi par les auteurs du monde arabe ? Le choix d'Israël comme invité d'honneur, en cette année anniversaire de la création de l'Etat hébreu (1948), a provoqué la colère dans les pays du Proche-Orient et du Maghreb, où certains déplorent qu'une telle faveur soit accordé au "bourreau" des Palestiniens, selon le mot du président de l'Union des écrivains palestiniens, Taha al-Moutawakel.

"Il n'est pas digne de la France, pays de la Révolution et des droits de l'homme" d'accueillir un pays "occupant" et "raciste", a-t-il estimé, à Ramallah (Cisjordanie). Ce choix est "inacceptable" au moment où Israël se livre "comme jamais" aux "violations des droits de l'homme", a renchéri, au Caire, l'Union des écrivains égyptiens, allusion à la dernière opération de l'armée israélienne à Gaza. A Rabat (Maroc), l'Organisation islamique de l'éducation, des sciences et de la culture a demandé à ses cinquante pays membres de ne pas faire le voyage de Paris, pour éviter des "effets négatifs" sur les relations "entre la France et les pays musulmans".Le Liban, place forte de l'édition au Proche-Orient, s'est également rallié à ce mot d'ordre de boycottage.

"A ce jour, quatre stands collectifs, ceux de la Tunisie, de l'Algérie, du Maroc et du Liban" resteront vides, a précisé au Monde,mercredi 5 mars, la déléguée générale du Syndicat national de l'édition (SNE), Christine de Mazières. Ce qui n'empêchera pas la venue, "à titre individuel",de professionnels du livre du monde arabe, a-t-elle ajouté. Du côté des écrivains de ces pays, les positions sont plus contrastées. Pour tous, le Salon représente une "vitrine indispensable", pour faire connaître - et vendre - leurs livres, souligne Mme de Mazières. Mais la "pression morale" est lourde, souligne-t-elle. Surtout pour ceux qui vivent dans leur pays d'origine.

En Algérie, où le Syndicat national des éditeurs a rallié le mot d'ordre de boycottage - comme l'a fait le directeur du centre culturel algérien à Paris, le romancier Yasmina Khadra -, des écrivains connus, tels Boualem Sansal ou Maïssa Bey, seront pourtant au Salon du livre. De même, les Marocains Fouad Laroui ou Youssef Jebri. "Je viendrai au Salon, non pas comme citoyenne algérienne, mais comme écrivain",a expliqué au Monde Maïssa Bey, jointe par téléphone.

"IL FAUT LES ÉCOUTER"

"Si le choix d'Israël n'avait pas coïncidé avec l'anniversaire de la création de cet Etat, y aurait-il eu appel au boycottage ?",s'interroge la romancière, qui vit à Sidi Bel Abbès. "Si tous les auteurs israéliens représentaient la ligne du gouvernement, sans doute ce boycottage aurait été justifié. Or ce n'est pas le cas. Nombre d'entre eux ne sont pas d'accord avec la politique menée par Israël ; il faut donc les écouter. Ce sont des écrivains, il faut les prendre ainsi. Je regrette que l'on confonde écrivain et citoyen",conclut l'auteur de Bleu, blanc, vert (L'Aube).

"Tout boycottage de la littérature est, non seulement inutile, mais stupide. Je ne vais pas boycotter la littérature hébraïque !",réagit, de son côté, la romancière libanaise Hoda Barakat, citant ses auteurs israéliens préférés, Amos Oz, David Grossman et Itamar Levy. Néanmoins, Hoda Barakat n'ira pas au Salon du livre. "Qu'Israël célèbre l'anniversaire de sa création, je m'en fiche. Mais le Salon du livre n'est pas le lieu pour ça, explique-t-elle. Je déplore, comme mes amis juifs, la politique menée par le gouvernement israélien, qui les expose une nouvelle fois à la haine." En écho, la romancière israélienne Michal Govrin regrette "l'amalgame fait entre politique et littérature".Plus inattendu : l'historien israélien Ilan Pappe a annoncé qu'il ne viendra pas à Paris. Il se sent "dans l'impossibilité morale de prendre part à un Salon dont le thème principal est le soixantième anniversaire de l'Etat d'Israël".

Au Proche-Orient comme au Maghreb, les intellectuels sont divisés, voire déchirés. En Egypte, selon l'AFP, Gamal Ghitani a qualifié d'"infantilisme politique" l'appel au boycottage. Au Liban, Charif Majdalani estime que participer ou pas au Salon du livre n'est pas l'essentiel. Ce boycottage, explique-t-il dans L'Orient-Le Jour,montre bien que les pays arabes n'ont "toujours pas compris qu'Israël se nourrit largement de nos démissions et de notre inexistence culturelle sur la scène internationale".

Quel que soit le résultat de cet appel, le SNE, qui prend "très au sérieux" les questions de sécurité, a prévu de "renforcer" le dispositif policier.

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