"Un seul coup de feu et je m'enfuis... Jusqu'au Sri Lanka s'il le faut !", s'exclame Lina, pour bien signifier sa détermination à s'exiler le plus loin possible de ce Liban sud, théâtre privilégié de conflits armés depuis les années 1970. "Après ce que nous avons vécu lors de la guerre de juillet 2006 [qui pendant 33 jours a opposé le Hezbollah libanais à l'armée israélienne], on ne nous y reprendra plus", renchérit son époux, Elias Rizk.
Terrés chez eux pendant plusieurs jours, dans la petite localité de Qolayaa, sous les bombardements de l'armée israélienne, les Rizk ont à nouveau vécu l'épreuve des tirs israéliens contre le convoi dans lequel ils étaient évacués, pourtant avec le feu vert d'Israël. La voix tremblante, ils en parlaient, vendredi 4 avril, comme si c'était hier. On est ici dans la partie est du Liban sud, à la quasi-limite de la frontière avec Israël. Qolayaa est à écrasante majorité chrétienne.
Ce qui ronge Lina, mais aussi ses voisines Nalida et Rania, ce sont ces nouvelles inquiétantes en provenance de l'Etat juif. L'armée israélienne doit effectuer, dimanche 6 avril, des manoeuvres militaires qualifiées de "générales et sans précédent par leur nature et leur ampleur". Elles ont été annoncées dans la foulée d'autres informations peu rassurantes, telle l'annulation d'une visite en Allemagne du ministre israélien de la défense Ehoud Barak qui était prévue dans quelques jours, ou encore la décision de distribuer à la population dans les prochains mois des masques contre une attaque chimique - mesure justifiée, d'après la presse israélienne, par la crainte de tirs de missiles iraniens ou syriens.
Israël a également laissé entendre qu'il redoutait un acte de vengeance anti-israélien imminent du Hezbollah après l'assassinat, en février, de son principal responsable militaire et du renseignement, Imad Moghniyeh. Tout en jurant vengeance, Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a déclaré dans son dernier discours que son parti n'avait pas l'intention de déclencher un conflit armé à partir du Liban sud.
La Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), qui avec l'armée libanaise est chargée d'empêcher toute présence armée au sud du fleuve Litani, n'a relevé aucun mouvement suspect du Hezbollah. Les habitants du Liban sud ne sont pas rassurés pour autant, même si, dans plusieurs localités, la construction ou la reconstruction des habitations détruites ou endommagées par la guerre continue, signe d'attachement profond à la terre.
A la différence de Lina, Nalida et Rania ont l'intention, elles, de rester chez elles, quoi qu'il arrive. Elles se demandent toutefois si la Finul, dont la présence est encore rassurante, ne pliera pas bagage en cas de conflit armé, les abandonnant à leur triste sort.
Elles ont "ouï dire", disent-elles, que des familles de localités voisines ont loué des pied-à-terre au nord du fleuve Litani pour le cas où... et que la demande de tels lieux de repli excède déjà l'offre à Saïda, chef-lieu du Liban sud.
A Kfarkela, à un jet de pierre d'un mirador israélien qui se dresse de l'autre côté de la frontière, le marchand de prêt-à-porter reste placide. "Certains ont peur, d'autres pas, dit-il. Quelques-uns commencent à préparer les abris." "Les abris ? Plutôt des tombes rudimentaires qui s'effondreront sur les têtes au premier obus !", s'indigne un restaurateur.
Le premier ministre libanais, Fouad Siniora, a demandé, vendredi, à la Finul de s'assurer qu'Israël ne saisira pas l'occasion des manoeuvres militaires pour se livrer à "de nouvelles violations de l'espace aérien libanais ou à des actes qui accroîtraient la tension à la frontière". Il a donné instruction à l'armée libanaise d'observer une "extrême vigilance", de "protéger la population" et de "s'opposer à toute violation israélienne".
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