Berlin, Duisbourg, Cologne, Nuremberg, Ratisbonne, Gelsenkirchen... Huit villes allemandes portent l'empreinte de l'artiste israélien Dani Karavan. En créant des oeuvres en plein air qui s'inspirent de la mémoire d'un lieu, ce sculpteur né à Tel-Aviv en 1930 a rencontré un grand succès outre-Rhin. Jusqu'au 1er juin, une rétrospective organisée par le Musée berlinois Martin-Gropius-Bau, dans le cadre des manifestations du 60e anniversaire de la création de l'Etat d'Israël, illustre cette approche particulière.
Devant l'entrée du musée, l'artiste a fait spécialement construire un mur en bois, intitulé No More, pour mettre l'accent sur la dimension historique de ce lieu. En effet, l'édifice se trouve dans l'ancien quartier général de l'appareil de sécurité du IIIe Reich et à proximité immédiate de l'ancien tracé du mur de Berlin. Dans le grand escalier du musée, où sont présentées les photos de ses principales oeuvres, il a par ailleurs fait installer deux miroirs de chaque côté, avec l'inscription "est" et "ouest", à la fois pour rappeler l'histoire douloureuse de la capitale allemande et souligner l'absurdité de tels repères. Son oeuvre se distingue par un contraste répété entre des figures géométriques et des éléments issus de la nature. En témoigne L'Hommage à Walter Benjamin, un monument construit à Port-Bou, à la frontière franco-espagnole, où le philosophe allemand juif s'est suicidé le 27 septembre 1940 en fuyant les nazis. Les visiteurs marchent le long d'un étroit corridor construit dans la falaise qui descend à pic vers la mer.
Karavan s'est fait connaître en participant à la Documenta de Kassel en 1977. Rapidement, les commandes ont afflué. La première oeuvre, Ma'alot - "escalier" en hébreu ancien -, a été réalisée à Cologne entre 1979 et 1986 pour le compte du Musée Ludwig dédié à l'art du XXe siècle. L'installation, qui s'étend de la cathédrale aux berges du Rhin, est composée d'une structure en fer et granit sur 10 mètres de hauteur et d'un rail au sol.
Parmi les monuments les plus marquants de Karavan en Allemagne, la rue des Droits-de-l'Homme à Nuremberg, construite entre 1989 et 1993. A l'endroit même où les premières lois racistes ont été proclamées en 1935 et où les grands procès d'après-guerre contre les dignitaires nazis se sont tenus, il a fait édifier 27 colonnes blanches dont chacune porte l'inscription d'un article de la Déclaration des droits de l'homme en allemand et dans une autre langue.
A Berlin, il a créé en 2002 le monument Loi fondamentale 49 le long des bureaux du Bundestag. Entre ces bâtiments, symboles de la capitale réunifiée, et la promenade le long du fleuve de la Spree, 19 stèles en verre ont été érigées, sur lesquelles sont inscrites au laser les articles de la Constitution allemande.
Preuve supplémentaire de sa renommée, le gouvernement allemand lui a confié en 2000 la réalisation à Berlin d'un monument qui commémore le massacre des Tziganes par les nazis. "C'est la chose la plus délicate qu'on m'ait jamais demandé de faire", a-t-il confié lors de l'ouverture de sa rétrospective au Martin-Gropius Bau.
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