Moshe Giat n'en revient pas : "Ici, c'est comme Israël il y a cinquante ans ! Les enfants connaissent des prières et des chants religieux que seuls nos parents sont encore capables de réciter ! C'est incroyable !" Tout en posant des questions - en hébreu - à la cinquantaine de gamins qui le suivent, ce chanteur israélien parcourt les rues de Hara Kbira (le "grand quartier"), situé dans la banlieue d'Houmt Souk, la principale localité de l'île. Moshe Giat a été invité à Djerba - comme une autre vedette israélienne de la chanson, Youval Taieb - pour se produire devant un auditoire enthousiaste de pèlerins. Ce séjour l'enchante : il découvre les juifs de Djerba.
"On ne comptait plus que 750 juifs tunisiens en 1988. Ils sont aujourd'hui 1 050. Djerba est la seule communauté juive en terre d'islam dont le nombre augmente, or tous ont des passeports et sont libres de s'en aller vivre ailleurs", souligne Gabriel Kabla, médecin parisien, originaire de Djerba et président de l'Association des juifs de Tunisie. Presque la moitié de ces 1 050 juifs tunisiens ont moins de 20 ans. Hors de Djerba, ils ne sont pas 500, le plus souvent âgés.
Dans les rues de Hara Kbira, des enfants jouent, la kippa sur la tête et le cartable dans le dos, ou circulent à Mobylette, leur petit bonnet en crochet vissé sur le crâne. "Shalom !", lance un adolescent.
A Djerba, où la coexistence des communautés est ancienne, les choses se passent bien. "J'habite dans leur quartier, à Hara Kbira. Moi, le musulman, je vais avec eux manger les meilleurs bricks de Djerba, chez Ytshack ! J'ai de bons copains juifs. Le samedi, on va au café. Comme c'est shabbat, ils ne peuvent pas payer. Je le fais, et ils me remboursent le lendemain", raconte Ahmed, serveur dans un hôtel.
Hocine, lui, avoue qu'il n'a " pas de problèmes" avec ses compatriotes juifs, mais qu'il ne les considère "tout de même pas comme des frères !". Ce jeune bijoutier d'Houmt Souk fait une différence entre "les juifs de Djerba qu'on connaît bien et qui s'y sentent chez eux" et les pèlerins qui viennent chaque année pour la Ghriba. "Les pèlerins, on les sent méfiants. Ils sont tout le temps en alerte, et puis, ils marchandent trop !", s'agace-t-il avant de demander : "Si les juifs ne sont pas aimés partout dans le monde, c'est bien qu'il y a une raison, non ?"
Hors de Djerba, l'antisémitisme n'est pas rare malgré la tolérance manifestée par les autorités tunisiennes. Ainsi, Evelyne, une juive tunisoise mariée à un musulman, se dit malheureuse. "J'ai eu quatre enfants avec cet homme. Au début, tout allait bien. Maintenant, à chaque événement grave en Palestine, mon mari et mes fils me le reprochent et me punissent", raconte-t-elle, démoralisée.
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