Entre deux haies de combattants hezbollahis en treillis qui lui ont rendu les honneurs, Nassim Nisr est monté, peu après midi, dimanche 1er juin, à la tribune d'honneur dressée par le Hezbollah, sous une pluie de pétales de roses, de cotillons multicolores, de ballons jaunes (la couleur du parti) accompagnée d'un lâcher de colombes blanches. Quelques instants plus tôt, ce Libanais prisonnier en Israël pour collaboration avec le "Parti de Dieu" avait été remis à une délégation représentant les autorités libanaises, le Hezbollah et sa famille, via les équipes du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en Israël et au Liban.
La libération de Nassim Nisr et son retour au Liban, au terme d'une peine de six ans qu'il a purgée dans l'Etat juif, s'est faite à Ras Naqoura, à la pointe ouest de la "ligne bleue" qui tient lieu de frontière provisoire entre le Liban et Israël. C'est seulement après l'arrivée de Nassim Nisr parmi les siens que le Hezbollah a créé la surprise : il a confié au CICR, pour transfert aux autorités israéliennes, un coffre contenant "certains des restes" de soldats israéliens tués au Liban lors de la guerre de l'été 2006.
SECRET TOTAL
De l'aveu de Christian Caron, porte-parole du CICR à Beyrouth, ce dernier n'avait pas été averti de ce troc. Il avait seulement été prié, quelques jours plus tôt, de jouer les intermédiaires pour le retour de Nassim Nisr. Dans la soirée, le Hezbollah a précisé que ce troc était un prélude à un échange plus important de prisonniers et de corps avec l'Etat juif. Deux militaires israéliens, Eldad Regev et Ehoud Goldwasser, enlevés le 12 juillet 2006 par le Hezbollah, et trois Libanais détenus par l'Etat juif, dont Samir Kantar, qui purge en Israël depuis 1980 une peine de cinq cent quarante-deux ans de prison pour assassinat d'Israéliens, devraient faire partie du prochain échange.
Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, a récemment affirmé qu'un tel échange devrait avoir lieu "très bientôt". Le secret total entoure les négociations à ce sujet, qui ont lieu par le biais d'un émissaire de l'ONU de nationalité allemande. Depuis 2006, le CICR a sans cesse rappelé au Hezbollah ses obligations morales et humanitaires en lui demandant l'autorisation de rendre visite aux deux soldats israéliens, ou pour le moins d'avoir un "signe de vie" de leur part. En vain, précise M. Caron.
Sur un terrain vague transformé en scène de festivités en plein air, à un jet de pierre du quartier général de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul) et de barrages de l'armée libanaise, le Hezbollah a accueilli Nassim Nisr en quasi-héros. En présence de Naïm Qaouq, responsable du parti pour le Liban sud, la chorale a fait patienter la foule au rythme d'hymnes à la gloire du Hezbollah et de son secrétaire général. Les calicots à la gloire du Guide de la république islamique d'Iran, l'ayatollah Ali Khamenei, des combattants et de la "résistance" (le Hezbollah) en côtoyaient d'autres à la mémoire de chefs historiques hezbollahis assassinés.
Le parcours de Nassim Nisr est pour le moins compliqué. Il s'était rendu en 1982 en Israël où il avait obtenu la nationalité israélienne en se prévalant de la religion de sa mère, Valentine Sabbagh. Cette dernière, de nationalité libanaise, était juive, mais elle s'était convertie à l'islam il y a plus de cinquante ans pour épouser son père. En Israël, Nassim Nisr a épousé une Israélienne, dont il a eu deux fillettes et dont il s'est séparé après sa condamnation, en 2002, à la prison. Avant sa libération, il a renoncé à la nationalité israélienne.
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