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Agression d'un jeune juif à Paris : l'enquête s'oriente vers les "bandes communautaires"

Passé à tabac non loin des Buttes-Chaumont, samedi, le jeune homme est sorti du coma articifiel dans lequel il était plongé. Les services de l'hôpital Cochin, où la victime est hospitalisée, estime qu'il est trop tôt "pour statuer sur d'éventuelles séquelles".

Par Isabelle Mandraud

Publié le 23 juin 2008 à 11h01, modifié le 23 juin 2008 à 17h02

Temps de Lecture 4 min.

Le jeune Rudy H., 17 ans, portait un jean, un tee-shirt et une kippa. Il était seul lorsqu'il a été violemment agressé, samedi 21 juin, aux alentours de 19 heures, rue Petit, dans le 19e arrondissement de Paris, en se rendant à la synagogue. Les témoins n'ont rien entendu, rien compris. Ils ont juste vu une quinzaine de jeunes hommes d'origine africaine et nord-africaine s'acharner sur le jeune homme et le rouer de coups de pieds, de poings, avec une béquille. L'un de ces témoins a décrit un agresseur sautant à pieds joints sur la victime. Depuis, Rudy H. est plongé dans un coma artificiel.

Une heure plus tard, la police a placé en garde à vue cinq jeunes résidents du quartier. Ils n'ont pas été reconnus par les témoins, mais leur garde à vue a été prolongée de 24 heures. Selon le parquet de Paris, saisi de l'affaire, ces cinq jeunes n'ont pas participé au tabassage de Rudy H. mais ils étaient présents sur les lieux. L'enquête a été confiée à la deuxième division de la police judiciaire (DPJ) de Paris. Une information judiciaire devrait être ouverte sous peu par le parquet de Paris.

Un peu plus tôt, à 13 h 30, le même jour, une bagarre avait éclaté à proximité de la mairie du 19e arrondissement, entre des jeunes noirs et des jeunes juifs. A 16 h 30, dans le même quartier, un homme juif de 20 ans a également été agressé alors qu'il se rendait chez des amis. Arguant que c'était shabbat, il n'aurait cependant pas porté plainte. De source judiciaire, on privilégie désormais la piste d'affrontements entre bandes.

"Les tensions communautaires, je ne sais pas comment les qualifier, ont augmenté ces dernières semaines", admet Roger Madec, le maire socialiste du 19e arrondissement, qui fait état "d'échanges verbaux à caractère racistes, de frictions", intervenues l'après-midi même et dix jours auparavant. A l'époque, les services de la mairie avaient dû aller récupérer des éléments d'un échafaudage démonté et stocké comme munitions par des jeunes. L'origine, selon l'élu, aurait trait à un vol de scooter, dérobé à un jeune juif, aux abords de la rue Petit et qui aurait motivé, par la suite, une expédition punitive.

"Il y a, en ce moment, une tension interbandes, à caractère confessionnelle ou ethnique très forte", affirme de son côté Jean-Christophe Cambadélis, député socialiste de l'arrondissement, qui en appelle à "tous les responsables associatifs, communautaires, aux familles et aux pouvoirs publics" pour "faire retomber la pression et mettre fin ce climat de racisme antijuif, antibeur ou antinoir". Dimanche soir, un rassemblement tendu était organisé sur les lieux du drame.

"IL Y A DES ACTES ANTISÉMITES, IL Y A AUSSI DES BANDES ORGANISÉES"

Interrogé lundi matin sur RTL, le nouveau Grand rabbin de France, Gilles Bernheim, tout juste élu dimanche, s'est montré prudent en avançant le caractère antisémite "probable, mais pas certain" de l'agression du jeune Rudy H. "Il y a des actes antisémites (…) il y a aussi des bandes organisées dont l'objet est de vendre de la drogue, ou autre chose et qui, sans doute mal intentionnées, provoquent ou profitent de l'affrontement", a-t-il déclaré en réponse à des questions sur les tensions dans cet arrondissement de l'est parisien.

En raison du port de sa kippa, bien visible, l'agression du jeune Rudy a aussitôt été dénoncée comme un acte antisémite et a soulevé une vive émotion. "Il n'y aucun doute qu'il s'agit d'un acte antisémite", a déclaré, dès dimanche matin, Ariel Goldmann, vice-président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF). Nicolas Sarkozy, qui entamait, dimanche, une visite de trois jours en Israël, a exprimé sa "profonde indignation", en soulignant sa "totale détermination à combattre toutes les formes de racisme et d'antisémitisme".

Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, a pour sa part réaffirmé sa "détermination à lutter sans relâche contre toutes les manifestations de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie qui bafouent les valeurs de la République" et a assuré que "tout serait mis en œuvre pour élucider les circonstances" de ce drame.

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La garde des sceaux, Rachida Dati, a condamné "avec la plus grande fermeté la violente agression", en demandant au procureur de la République "de donner des instructions pour que les auteurs de cet acte inqualifiable [soient] poursuivis avec la plus grande rigueur".

Des "intimidations, des menaces" à l'égard des juifs, "pèsent dans certains quartiers de Paris ou de la région parisienne depuis assez longtemps, c'est-à-dire depuis la deuxième Intifada, au début des années 2000", a observé le Grand rabbin de France, Gilles Bernheim. "Il y a des périodes avec des pics et des périodes avec des agressions moins graves auxquelles on s'habitue, a-t-il poursuivi, des expressions prononcées qui deviennent fréquentes et parce qu'elles deviennent fréquentes on apprend à vivre avec".

Le maire du 19e arrondissement, où vivent d'importantes communautés juives et africaines, redoute plus que tout ce scénario : "Je ne voudrais pas que les événements du Proche-Orient déteignent", confie-t-il.

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