Le "putois" testé sur des manifestants
Niline et Biline sont les deux villages palestiniens qui symbolisent depuis plus de trois ans la lutte contre le "mur". Au moins une fois par semaine, des activistes israéliens et internationaux se joignent aux habitants de Niline et Biline pour manifester contre l'armée et la police israéliennes.
- Publié le 20-08-2008 à 00h00

Niline et Biline sont les deux villages palestiniens qui symbolisent depuis plus de trois ans la lutte contre le "mur". Ce mur que l'armée israélienne continue à ériger comme barrière de sécurité entre la Cisjordanie et Israël, coupant de nombreux villageois cisjordaniens de leurs terres. Au moins une fois par semaine, des activistes israéliens et internationaux se joignent aux habitants de Niline et Biline pour manifester contre l'armée et la police israéliennes. Et ces manifestations se transforment régulièrement en heurts violents, avec blessés de part et d'autre.
La police a donc ajouté à son arsenal anti-émeute une arme jugée plus "efficace" et moins "nocive". Ses gardes-frontières ont récemment commencé à disperser les manifestants en les aspergeant d'un liquide nauséabond, putride, baptisé "putois". La police dit avoir le feu vert des instances médicales et juridiques pour ce produit. Elle refuse d'en révéler la nature, mais souligne qu'il n'est pas chimique et ne fait aucun tort. Les manifestants affirment toutefois qu'ils ne se laisseront pas rebuter.
Le "putois" est incommodant, mais plus supportable que le gaz lacrymogène et les grenades étourdissantes, et moins létal que les balles de caoutchouc qui ont déjà fait des blessés et des morts.
Il y a trois semaines, à Niline, les balles de caoutchouc ont tué un garçonnet de 10 ans et un adolescent de 17 ans. Ces deux morts sont passées quasi inaperçues en Israël, tout comme l'introduction du "putois". Car axés sur leur propre sécurité, la plupart des Israéliens se formalisent peu des récriminations contre le mur et des remous hebdomadaires à Biline-Niline. Ils se sont pourtant scandalisés en juillet dernier, lorsqu'ils ont vu à leurs journaux télévisés une vidéo de Niline, montrant un soldat tirant une balle de caoutchouc de sang-froid et à bout portant dans le pied d'un manifestant palestinien, Achraf Abou Rahma, alors que celui-ci avait les yeux bandés, les mains ligotées, et était tenu fermement par un officier.
Selon le soldat, c'est cet officier qui l'aurait encouragé à tirer. L'officier affirme qu'il s'agissait d'un "malentendu". Ajoutant au scandale, le procureur général de l'armée a décidé d'accuser les deux militaires uniquement de "conduite inappropriée", ce qui leur évitera le casier judiciaire. Ce mardi, la Cour Suprême à Jérusalem a ordonné à l'armée de s'expliquer endéans trois semaines sur ce chef d'accusation indulgent. La Cour répondait ainsi à un appel introduit auprès d'elle par Achraf Abou Rahma et diverses organisations israéliennes qui s'insurgent contre le laxisme du procureur militaire.
La vidéo avait été filmée par une adolescente de Niline et transmise aux chaînes de télévision par les activistes israéliens. Peu après, le père de la jeune fille a été arrêté par l'armée pour "perturbation de la sécurité locale". Il a été relâché dimanche dernier, sur ordre du tribunal militaire qui a jugé sa mise en accusation infondée.