Dans son immense appétit, l'humour juif américain avait jusqu'ici laissé de côté un morceau de choix : Israël. C'est Adam Sandler, certainement pas le plus raffiné des représentants de son école, qui se l'offre le premier avec cette farce joyeusement obscène, qui met aux prises un agent des services israéliens doué de caractéristiques surhumaines et son désir de devenir coiffeur pour dames.
Zohan Zvir (Adam Sandler) partage sa vie entre les stations estivales israéliennes où il fait fructifier ses dons pour les jeux de plage et le barbecue, et les opérations secrètes pendant lesquelles sa capacité à surmonter les lois de la gravité et de la balistique lui est fort utile. Mais son immense popularité de défenseur d'Israël l'empêche de réaliser son rêve, conçu à la lecture d'un catalogue de coiffure new-yorkaise des années 1970.
Car le début de Rien que pour vos cheveux imagine un Israël coincé dans une période comprise entre la sortie du premier album d'Abba et l'élection de Ronald Reagan. La ringardise du lieu convient bien au style du film, qui n'évite jamais de souligner les gags déjà appuyés du scénario. Mais leur poids n'enlève rien à leur efficacité, que ce soit l'invention d'un faux argot d'inspiration yiddish ou les allusions aux attributs hors normes de Zohan - convaincu que ce journal tombe parfois entre des mains innocentes, on passera sur les pires (et par conséquent souvent les meilleurs) de ces outrages.
Mobilisé en plein barbecue pour enlever The Phantom (John Turturro), un dirigeant palestinien installé au Liban, Zohan en profite pour disparaître et prendre l'avion (en soute, dans un container abritant déjà une paire de chiens de compagnie) pour les Etats-Unis.
RIRE, RIGOLER ET RICANER
Là, il échoue dans un ghetto binational de Manhattan, rassemblant des vendeurs israéliens et palestiniens de matériel hi-fi de provenance douteuse. Zohan trouve un emploi de balayeur dans un salon de coiffure dirigé par une belle Palestinienne, et bientôt son enthousiasme et sa volonté de faire plaisir conquièrent la clientèle des ménagères de plus de 50 ans. La réapparition du Phantom et une série d'incendies criminels obligent bientôt le praticien capillaire néophyte à renouer avec sa vocation première.
Ces dernières péripéties n'ajoutent pas grand-chose à la force comique du film. Mais elles donnent une cohérence à son discours : comme dans les westerns où des pionniers de toutes obédiences se forgeaient une identité commune face à la menace (nature impitoyable ou Indiens), les Israéliens et les Palestiniens de Manhattan sont forcés de défaire les allégeances forgées dans le Vieux Monde pour affronter un ennemi commun venu du Sud (des Etats-Unis). Une réflexion qui permettra aux spectateurs de garder un peu de dignité après avoir ri, rigolé et ricané comme des préadolescents pendant une heure et demie.
Rien que pour vos cheveux, de Dennis Dugan. Film américain. Avec Adam Sandler, John Turturro, Emmanuelle Chriqui. (1 h 53.)
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