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Le 19e : radiographie d'un arrondissement parisien en proie à des tensions multiples

Les violences se sont succédé depuis plusieurs semaines dans les quartiers du nord-est de Paris. Sans pour autant avoir de liens entre elles.

Par Yves Bordenave et Luc Bronner

Publié le 19 septembre 2008 à 13h36, modifié le 19 septembre 2008 à 20h52

Temps de Lecture 4 min.

Le Bronx au nord de Paris ? Depuis le début de l'été, les violences se succèdent dans le 19e arrondissement de Paris, donnant l'image d'un territoire en proie à une guerre des gangs, sur fond de conflits entre communautés religieuses et ethniques. La série, commencée avec l'agression antisémite de Rudy Haddad, le 21 juin, grièvement blessé par une dizaine de jeunes, a semblé s'accélérer depuis le début septembre : rixe impliquant trois jeunes juifs le 6 septembre ; assassinat par balles d'un jeune homme de 23 ans, Djamel, dans la nuit du 7 au 8 septembre ; blessure par balles de Moussa le 10 septembre ; coups de couteau contre deux jeunes gens le 15 septembre... Radiographie d'un arrondissement que les statistiques désignent comme le plus criminogène de Paris.

Affrontements entre quartiers rivaux.

Dans les quartiers Curial et Riquet, réputés pour être sensibles, les incidents de ces derniers jours ont impliqué des adolescents et des jeunes adultes. Elus du quartier comme responsables policiers estiment que l'assassinat de Djamel, les tirs contre Moussa, suivis des coups de couteau contre deux jeunes, relèvent d'une forme de délinquance "classique" et récurrente. Depuis des décennies, une forte rivalité, dont l'origine reste inconnue, oppose une partie des jeunes de Curial et de Riquet. Des bandes se battent régulièrement pour défendre leur territoire. Ainsi, quelques jours avant le meurtre, une bataille opposant une dizaine de jeunes de chaque côté aurait provoqué plusieurs blessés. Sans que cela ne fasse l'objet de plaintes. Les coups de couteau portés contre deux jeunes, le 15 septembre, pourraient également relever de cette catégorie. Deux mineurs, âgés de 15 et 17 ans, ont été placés en garde à vue jeudi 18 septembre.

Les raisons de ces violences restent souvent mystérieuses. "Histoires de filles, querelles sur fond de trafic ? C'est toujours difficile à établir", explique le commissaire Jérôme Foucaud qui dirige la police dans l'arrondissement. Les enquêteurs se heurtent au silence des intéressés ou de leurs proches. "On est dans l'omerta. Personne ne parle alors que tout le monde sait ce qui s'est passé. Mais les jeunes font le choix de la justice privée : ils veulent régler leurs comptes eux même", explique un proche de l'enquête. En 2000 déjà, des affrontements similaires avaient entraîné la mort d'un jeune tué par une balle dans l'oeil.

Le poids de la criminalité organisée.

Dans ces deux cités, des jeunes se livrent à des activités criminelles : vols, recels et trafic de stupéfiants, principalement du cannabis. Ces activités, source de rivalité entre groupes, génèrent parfois des tensions. Ainsi, l'assassinat de Djamel, initialement présenté comme la conséquence d'un simple conflit de territoire, pourrait en réalité relever d'un règlement de comptes. Plusieurs éléments intriguent en effet les enquêteurs. D'abord la découverte, dans sa voiture, d'une vingtaine de barrettes de cannabis qui jette un trouble sur ses activités. Ensuite le fait qu'il ait été exécuté par un individu, probablement embarqué sur un scooter, qui a tiré à sept reprises avec un pistolet 9 millimètres - un mode opératoire proche de celui des malfrats.

De très jeunes adolescents, parfois âgés d'une dizaine d'années, participent à ces trafics. Certains d'entre eux sont chargés de surveiller les mouvements des forces de l'ordre et d'assurer le contact avec les acheteurs. "On est passé à un mode de délinquance organisée autour de la drogue, note Jean-Claude Marin, procureur de la République de Paris. Pour lutter contre ce phénomène, j'ai décidé de mettre en place un groupe local de traitement de la délinquance." Ce dispositif, déjà en place dans le 18e arrondissement, doit permettre d'obtenir une meilleure coordination entre police, justice et éducation nationale, notamment.

Les risques du repli communautaire.

A l'autre extrémité de l'arrondissement, autour de la rue Petit et du parc des Buttes-Chaumont, les bagarres entre des groupes de jeunes de confession juive d'un côté, noirs et d'origine maghrebine de l'autre, s'inscrivent dans une tout autre problématique. Dans cet arrondissement, qui regroupe la plus grande communauté juive de Paris, avec 29 synagogues et 9 écoles confessionnelle, des représentants d'associations, ainsi que des habitants, dénoncent une recrudescence des actes antisémites de toutes natures (insultes, agressions, etc.). Un sentiment que ne partage pas Mao Péninou, maire adjoint (PS) chargé de la sécurité dans l'arrondissement, qui ne croit pas au phénomène d'agression antisémite. "Je parlerais plutôt d'une forme de repli communautaire et de craintes réciproques", dit-il.

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L'épisode le plus grave est celui du 21 juin : Rudy Haddad a été roué de coups. L'agression avait été précédée, dans la même journée, par plusieurs échauffourées entre bandes de jeunes. "La plupart du temps, il est impossible de dire qui a provoqué qui", assure le commissaire Foucaud. Police et justice s'accordent pour souligner la difficulté à qualifier ces bagarres. Les violences du 6 septembre ont ainsi été présentées, dans un premier temps, comme un acte antisémite dans la mesure où les trois victimes portaient des kippas. L'enquête a montré qu'il n'en était rien. Signe de la complexité de la situation, un des cinq agresseurs mis en examen pour violences volontaires est de confession juive.

Les statistiques ne traduisent pas d'évolution significative depuis le début de l'année. Le commissariat a enregistré dix-sept incidents qualifiés d'antisémites : deux pour des agressions physiques et quinze pour des dégradations ou des tags. "Pas plus que les années précédentes", note M. Foucaud, en reconnaissant néanmoins que tous les actes ne sont pas signalés.

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