Les oubliés de l'adhésion européenne
Ils sont citoyens de la Moldavie. Certains ont obtenu un passeport roumain. Et, pourtant, l'Union européenne (UE) les a inclus en 2004 dans sa "politique de voisinage", avec des pays comme Israël, la Libye ou l'Algérie, et ne les considère pas, pour le moment, comme des candidats à l'adhésion.
- Publié le 20-10-2008 à 00h00

envoyé spécial à chisinau Ils sont citoyens de la Moldavie. Certains ont obtenu un passeport roumain. Et, pourtant, l'Union européenne (UE) les a inclus en 2004 dans sa "politique de voisinage", avec des pays comme Israël, la Libye ou l'Algérie, et ne les considère pas, pour le moment, comme des candidats à l'adhésion. Pourtant, tranche sans hésiter Cesare de Montis, le chef de la délégation de la Commission européenne en Moldavie, "nous sommes ici en Europe... les Moldaves sont définitivement en Europe".
Les maisons basses du centre de Chisinau, qui abritait jusqu'au XXe siècle une importante communauté juive, rappellent bien des villes d'Europe centrale. Historiquement, les Moldaves sont les fondateurs de la Roumanie puisqu'en 1859, les principautés de Moldavie et de Valachie s'unissaient pour fonder la Roumanie.
Le drame est qu'ils sont passés sous le contrôle de l'armée rouge en 1918, qu'ils n'ont été réunis à la Roumanie que sous la férule du dictateur Ion Antonescu, allié à Hitler, et qu'après la Seconde Guerre mondiale, l'URSS récupéra la Moldavie et entreprit une importante colonisation slave.
"Nous sommes la partie ouest de la Communauté des Etats indépendants [NdlR : fondée par d'anciens pays de l'URSS] . En même temps, nous sommes l'est de l'Union européenne. Nous ne savons pas où nous sommes", se désole Veascelav Untila, député de l'opposition dans ce pays où un parti communiste de façade a remporté les dernières élections.
Cesare de Montis explique la situation particulière de la Moldavie par le fait que ce petit pays de moins de cinq millions d'habitants n'a jamais vraiment bénéficié à Bruxelles d'un lobby efficace. Malgré le fait qu'un million de Moldaves vivent à l'étranger, la diaspora est concentrée en Russie, en Italie, en Espagne et au Portugal. "Le pays est perçu négativement", souligne M. de Montis . "Il doit entreprendre un effort majeur pour se donner une meilleure image."
Interrogez les Belges à ce propos. Quand on leur dit Moldavie, ils pensent "filière de la prostitution", les filles moldaves et ukrainiennes étant les premières victimes de la traite des femmes à destination de nos pays. Ou ils pensent "criminalité".
Arrestations à Namur
Une généralisation basée sur des faits réels : début octobre, le parquet namurois a décerné quinze mandats d'arrêt contre une bande de voleurs moldaves qui écumaient le pays à partir de Bruxelles. Venus d'une région pauvre du sud de la Moldavie, les voleurs prenaient tout ce qu'ils trouvaient avec eux, y compris de la nourriture, et repartaient en minibus vers la Moldavie pour les revendre. Plusieurs disposaient de fausses cartes d'identité roumaines pour pouvoir circuler librement dans l'UE.
Un partenariat oriental
Comme de nombreux pays sortis de la zone d'influence soviétique, la Moldavie souffre de maux classiques : la corruption, une lourdeur bureaucratique, la multiplication des petits partis ou le harcèlement de la presse indépendante. Mais de plus, souligne Andrei Popov, de la Foreign Policy Association de Chisinau, "nous nous concentrons sur des choses que nous ne pouvons pas contrôler, comme le statut de la (région séparatiste) Transnistrie. Et nous oublions de travailler sur l'essentiel".
Ces lenteurs, mais aussi la fatigue de l'élargissement dans les pays membres de l'UE, expliquent pourquoi le Conseil européen ne promet toujours pas à la Moldavie une adhésion. Lors de leur sommet de Bruxelles, la semaine dernière, les dirigeants européens ont appelé la Moldavie et la Géorgie à poursuivre leurs efforts de modernisation économique et de démocratisation. Et ils promettent à ces pays un "partenariat oriental" alors que la Turquie, pont entre l'Occident et l'Orient, négocie son adhésion à l'UE.