Oubliez les kamikazes qui se font sauter dans les autobus et les roquettes qui pleuvent aux abords de la bande de Gaza. La plus grande menace pour l'existence d'Israël en tant qu'État juif se trouve ailleurs. Elle gazouille dans les berceaux des Palestiniens.

En 10 ans, la population arabe a augmenté de 30%, pour atteindre 3,5 millions d'habitants en Cisjordanie et à Gaza. Ajoutez à cela les 1,5 million de Palestiniens qui vivent en Israël, et vous obtenez environ 5 millions d'Arabes - contre 5,5 millions de Juifs - entre la Méditerranée et le Jourdain.

 

D'ici à 2015, la population juive sera minoritaire, prévoit le démographe Sergio Della Pergola, une autorité en la matière. «Aujourd'hui, il y a 53% de Juifs et 47% d'Arabes sur tout le territoire mais, dans un avenir très proche, les Arabes seront en majorité puisque leur taux de croissance est le double de celui des Juifs.»

Ces projections soulèvent des angoisses existentielles en Israël, qui craint de devenir une sorte d'Afrique du Sud au temps de l'apartheid, quand une minorité gouvernait la majorité. «Il est évident que, pour demeurer un État juif, Israël ne peut pas maintenir le contrôle de la population palestinienne, dit M. Della Pergola. Il faut trouver des solutions pour renoncer à notre souveraineté sur une partie du territoire, qu'il faut céder à un État palestinien. La thèse du Grand Israël est impossible du point de vue de la démocratie et du respect des droits de l'homme.»

Pour les Israéliens, il ne s'agit pas seulement d'un enjeu moral. Il y va de la survie du pays en tant qu'État juif, construit sur le rêve sioniste de rassembler les Juifs de la diaspora sur un territoire où leur domination, numérique et culturelle, leur garantirait un refuge contre de futurs holocaustes.

«Israël a été fondé pour être un État juif, rappelle Arnon Soffer, directeur de la géopolitique à l'Université d'Haïfa. Pour que, après 2000 ans d'exil, les Juifs du monde aient leur maison, où ils ne feraient plus jamais face à un autre Hitler. Alors, la démographie est l'essence d'un État juif. Si nous ne sommes pas la majorité, c'est la fin.»

«En toute logique, ajoute M. Soffer, la création de deux États est la seule solution». «L'immigration juive - l'aliyah - n'est plus suffisante pour assurer un certain équilibre démographique entre Juifs et Arabes. Elle a beaucoup diminué après les grandes vagues des années 90, explique M. Della Pergola. Après la chute du mur de Berlin, un million de Juifs de l'ex-Union soviétique ont émigré en Israël. «La source s'est tarie. Désormais, le bilan migratoire est très modeste, de quelques milliers par année.»

Aujourd'hui, 41% de la population juive du monde se trouve en Israël, selon le démographe. «Dans le reste du monde, la population juive a tendance à diminuer, à cause du vieillissement et de l'assimilation. Israël devient de plus en plus le centre de cette diaspora et, à ce titre, il devrait jouer un rôle d'inspiration, de noyau culturel. Pour ce faire, le pays doit avoir une personnalité clairement définie: un État juif.»