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"Halte au feu pour deux jours à Gaza"

L'écrivain David Grossman estime qu'"en faisant taire les armes 48 heures, les Israéliens échapperaient pour une fois à une trop familière spirale de la violence".

Publié le 31 décembre 2008 à 08h47, modifié le 31 décembre 2008 à 09h55 Temps de Lecture 4 min.

Maintenant, après le coup de massue porté par Israël, nous ferions bien de faire une pause. Arrêtons-nous, tournons-nous vers les responsables du Hamas et disons-leur : jusqu'à samedi, Israël s'abstiendra de répliquer aux milliers de tirs de roquettes Kassam lancées depuis la bande de Gaza.

Maintenant vous savez à quel point notre riposte peut être sévère. Afin de ne pas ajouter d'autres morts ni d'autres destructions, nous avons l'intention de procéder à un cessez-le-feu unilatéral et absolu pendant les prochaines quarante-huit heures. Même au cas où vous poursuivriez les tirs contre Israël, nous ne répliquerons pas et nous ne reprendrons pas les opérations militaires. Nous serrerons les dents, comme nous l'avons fait tout au long de la dernière période, sans nous laisser entraîner à répondre par la force.

En outre, nous invitons tous les pays concernés, proches ou lointains, à s'interposer entre vous et nous afin de ramener le calme. Si le feu cesse aussi de votre côté, nous ne rouvrirons pas les hostilités. Si vous continuez les tirs pendant le temps où nous nous astreignons à la retenue, nous répliquerons à l'issue de ce délai de quarante-huit heures ; mais, même dans une telle configuration, la porte des négociations sera laissée ouverte pour apaiser les choses et même parvenir à un accord global plus large.

LES HABITANTS DE LA BANDE DE GAZA CONTINUERONT À ÊTRE NOS VOISINS

Voila ce que devrait faire Israël maintenant. Un tel geste est-il encore possible, ou bien sommes-nous d'ores et déjà captifs de ce rituel guerrier qui nous est si familier ? Jusqu'à samedi dernier, Israël – dont Ehoud Barak dirige les opérations militaires – avait réagi avec une impressionnante maîtrise de soi. Ce sang-froid, nous n'avons pas le droit de le laisser perdre dans la fièvre du combat. Il nous est interdit d'oublier un seul instant que les habitants de la bande de Gaza continueront à être nos voisins immédiats et que, tôt ou tard, nous devrons établir avec eux des relations de bon voisinage.

Il est impensable que nous recourions à des frappes d'une telle violence, même si le Hamas a rendu infernale la vie des Israéliens qui résident sur le pourtour du territoire qu'il contrôle et même si ses leaders ont obstinément refusé toutes les tentatives israélienne et égyptienne de parvenir à un compromis afin d'éviter l'embrasement. La retenue et le devoir de protéger la vie des civils innocents de Gaza doivent aujourd'hui encore avoir force de loi pour nous. Justement parce que notre puissance est illimitée comparée à la leur.

Israël doit porter une attention constante aux dérapages de la force de frappe qu'elle met en œuvre. Des dérapages qui font sortir ses réactions des limites de la sphère du légitime et de l'efficace qui consiste à dissuader et à ramener la tranquillité sans nous laisser entraîner, une nouvelle fois et comme nous l'avons été si souvent, dans la spirale de la violence.

Les dirigeants israéliens savent pertinemment que, vu le contexte prévalant à Gaza, il sera extrêmement difficile d'obtenir unilatéralement une décision militaire sur le terrain. La conséquence est claire : le retour à un statu quo ante confus et familier. Israël portera des coups au Hamas et devra subir ses contrecoups, au gré des attaques et contre-attaques, il se prendra de plus en plus les pieds dans les chausse-trappes typiques de ce genre de situation, sans que ses objectifs véritables et vitaux en soient atteints pour autant. Bien vite Israël pourrait se révéler débordé – puissance militaire forte mais impuissante à se tirer d'un tel bourbier –, noyé sous la vague de violence et de ravages.

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Donc, stop ! On arrête. Pour une fois, essayons une autre façon de faire et ne cédons pas au réflexe de défense routinier. Allons dans le sens inverse de la logique meurtrière et de la loi du plus fort. Il y aura d'autres occasions de donner à nouveau la parole aux armes. La guerre, comme du reste l'a dit Ehoud Barak il y a quinze jours, ne va pas disparaître comme par enchantement. Le soutien international à Israël ne sera pas affecté par un tel geste, au contraire. En démontrant ainsi notre capacité de retenue calculée et en invitant la communauté internationale, et les pays arabes, à s'entremettre et à s'impliquer, notre position sera renforcée.

Oui, le Hamas bénéficierait du coup d'un répit qu'il pourrait mettre à profit pour se réorganiser. Mais de toute façon il a déjà eu de longues années pour le faire, et ce ne sont pas deux jours de plus qui changeront la donne. A l'inverse, cette interruption calculée pourrait modifier la façon de réagir d'un Hamas ainsi confronté à une situation inédite. Cela lui fournirait une clé pour sortir la tête haute du piège dans lequel il s'est lui-même enfermé.

Encore une réflexion, impossible à écarter : si nous avions adopté cette attitude en juillet 2006, après l'enlèvement de nos soldats par le Hezbollah, si nous avions su alors marquer le pas après la première réplique, si nous avions décrété un cessez-le-feu d'un jour ou deux pour laisser agir les négociateurs et pour baisser la tension, il se peut fort bien que la situation actuelle eût été meilleure pour nous aujourd'hui. Voilà la leçon que le gouvernement israélien devrait retirer de cette guerre. En réalité, peut-être est-ce la plus importante.


David Grossman, écrivain (traduit de l'hébreu par Nicolas Weill)

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