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Barack Obama, Israël et la Palestine, par Gilles Paris

Pendant sa campagne finalement victorieuse, Barack Obama avait pris rendez-vous avec le Proche et le Moyen-Orient, avec une liste de priorités qui ne comprenait pas nécessairement le dossier palestinien.

Publié le 03 janvier 2009 à 13h38, modifié le 05 janvier 2009 à 12h48 Temps de Lecture 4 min.

Pendant sa campagne finalement victorieuse, Barack Obama avait pris rendez-vous avec le Proche et le Moyen-Orient, avec une liste de priorités qui ne comprenait pas nécessairement le dossier palestinien. Ses projets à moyen terme privilégiaient en effet un retrait en bon ordre d'Irak et une tentative d'ouverture de dialogue avec l'Iran pour l'empêcher d'accéder à l'arme nucléaire. M. Obama n'avait certainement pas songé devoir se pencher aussi vite sur Gaza et ses dépendances.

En la matière, l'incertitude est particulièrement grande à propos de ce qu'il entend faire ou ne pas faire. Hormis un écart à propos de "l'indivisibilité" de Jérusalem devant l'assemblée annuelle du groupe de pression pro-israélien Aipac, le candidat Obama, silencieux depuis le début de l'offensive et qui n'avait jamais évoqué directement le sujet au cours des trois débats télévisés organisés pendant la campagne, s'en est tenu jusqu'à présent à du très classique : maintien de la relation unique qui lie les Etats-Unis et Israël, réaffirmation de l'impératif que constitue la sécurité de l'Etat juif, constat de la nécessité d'un Etat palestinien dans le cadre d'un accord négocié.

Mis à part l'engagement de s'investir "dès le premier mois" dans ce processus de paix immobilisé par les échéances électorales israéliennes du 10 février, on est donc bien en peine de dire ce que la formule va recouvrir. Le poste d'envoyé spécial permanent pour la région, supprimé par George Bush, est en passe d'être recréé, mais pour y conduire quelle politique ?

Les propos tenus par les émissaires du candidat dans divers cénacles laissent ouvertes bien des éventualités : de la modeste gestion de l'impasse (justifiée par l'absence de responsables charismatiques en Israël décidés à payer le prix de la paix, comme par la cassure du camp palestinien entre Fatah et Hamas), au choc constructif appuyé sur un solide corpus de textes de référence ("paramètres" Clinton de décembre 1999, "feuille de route" de juin 2003, Initiative de paix arabe de février 2002 relancée en mars 2007.) Ces textes devenus des classiques permettent d'entrevoir les modalités du règlement d'un conflit essentiellement territorial. Entre un think tank pro-israélien comme le Washington Institute for Near East Policy (Winep), qui plaide pour la sanctuarisation de la Cisjordanie contre le Hamas grâce à une coopération accrue entre les services de sécurité palestiniens et l'armée israélienne, et le Saban Center de la Brookings Institution, qui estime au contraire illusoire l'endiguement du Hamas, et qui prône la réinsertion des islamistes dans un gouvernement d'union qui laisserait la direction palestinienne négocier, une large palette d'options s'offre au nouveau président.

Le contexte joue incontestablement en faveur de l'hypothèse d'un engagement limité. Selon Anthony Cordesman, du Center for Strategic and International Studies (CSIS), l'offensive israélienne contre Gaza aurait peut-être d'ailleurs comme objectif secondaire de dissuader le nouveau locataire de la Maison Blanche de prendre ce dossier à bras- le-corps.

En Israël, le chef du Likoud, Benyamin Nétanyahou, plaide ouvertement en faveur d'une mise entre parenthèses du processus politique. L'ancien premier ministre prône "une paix économique" à même selon lui de réduire les tensions, et d'éviter les sujets délicats comme le sort de Jérusalem, le sort des réfugiés palestiniens ou le tracé des frontières. Son adversaire Tzipi Livni, qui dirige le parti centriste Kadima, dissuade également les Etats-Unis de s'entremêler dans le dialogue asymétrique avec les Palestiniens que les Israéliens affectionnent parce qu'il leur est particulièrement favorable.

LES DISCOURS ET LA RÉALITÉ

La rupture avec le statu quo actuel n'est pas non plus sans poser de problème à l'Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, fragilisée par l'opération contre Gaza, et qui s'arc-boute contre toute révision des relations avec le Hamas. Premier partenaire économique d'Israël et premier bailleur de fonds de l'Autorité palestinienne, l'Union européenne ne semble pas plus disposée à un tel réexamen qui vient de découpler sa relation avec Israël du dossier palestinien.

Si Barack Obama devait faire ce choix d'un engagement minimal (que l'ancien émissaire Dennis Ross aurait résumé dans une formule assez saisissante "motion without movement", autrement dit le surplace), le camp assez homogène constitué par Israël, les Etats-Unis et l'Union européenne en serre-file illustrerait une nouvelle fois la formule utilisée en son temps à propos des Palestiniens par l'ancien ministre israélien des affaires étrangères Abba Eban, qui considérait que les premiers ne "perdent pas une occasion de perdre une occasion".

Les opportunités n'ont pourtant pas manqué au cours des dernières années. Après l'élection de Mahmoud Abbas à la tête de l'Autorité palestinienne, le premier ministre israélien Ariel Sharon avait préféré à des négociations un retrait tactique de Gaza dont on mesure aujourd'hui les limites. Par la suite, ni l'accord interpalestinien de La Mecque, en 2007, ni la relance la même année, à Riyad (en présence du Hamas), de l'Initiative arabe (la normalisation en échange d'un retrait des territoires conquis en 1967) n'ont été saisis par les Occidentaux et par Israël.

D'anciens conseillers de Bill Clinton du temps d'Oslo, comme Robert Malley, qui dirige le département Moyen-Orient du International Crisis Group qui voient leurs anciens collègues reprendre pied à la Maison Blanche, s'interrogent ouvertement sur leur capacité à prendre conscience des changements survenus depuis leur passage aux affaires et de tirer les leçons des échecs du processus d'Oslo que celui d'Annapolis, lancé en novembre 2007 par une administration Bush déjà en bout de course, a reproduits en accéléré.

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Le principal défaut d'Oslo a été identifié de longue date : le contraste entre les discours et la réalité sur le terrain. La stratégie occidentale vis-à-vis des territoires palestiniens se réduit pour l'instant à une approche conflictuelle : faire de la Cisjordanie contrôlée par l'Autorité palestinienne le "laboratoire" d'un éventuel Etat palestinien, pour précipiter la chute du Hamas à Gaza, un territoire laissé à la déshérence. A l'aune de la capacité de manoeuvre que conservent les islamistes dans leur réduit, en dépit du pilonnage israélien, elle n'est sans doute pas une garantie de succès.


Courriel : paris@lemonde.fr

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