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"La Mort des juifs", de Nadine Fresco : démontage de la méthode négationniste

Démontrant avec rigueur la perversité de la "méthode révisionniste", en particulier dans son usage biaisé des sources, l'historienne se livre également à un exercice de généalogie intellectuelle.

Par Thomas Wieder

Publié le 14 janvier 2009 à 15h50, modifié le 14 janvier 2009 à 15h50

Temps de Lecture 2 min.

En rassemblant dans un volume six textes écrits au cours des trente dernières années, l'historienne Nadine Fresco ne pouvait imaginer qu'un événement, postérieur de quelques semaines à la parution du livre, donnerait à son initiative toute sa raison d'être. A savoir la remise par l'humoriste Dieudonné, sur la scène du Zénith de Paris, le 26 décembre 2008, d'un "prix de l'insolence et de l'infréquentabilité" à Robert Faurisson, un ancien universitaire condamné à plusieurs reprises pour "contestation de crime contre l'humanité".

Il faut absolument lire cet ouvrage pour comprendre qui est M. Faurisson. Et en particulier l'un des articles, initialement publié en 1980 dans la revue Les Temps modernes sous le titre "Les redresseurs de morts". Car cette longue analyse, qui se lit à la fois comme le portrait d'un homme et la radiographie d'un courant de pensée, n'a rien perdu de sa justesse.

C'est le 28 décembre 1978 - trente ans, presque jour pour jour, avant sa "consécration" au Zénith - que M. Faurisson s'est fait connaître du grand public. Le Monde, qui a refusé de lui ouvrir ses colonnes à vingt-deux reprises au cours des quatre années précédentes, publie ce jour-là une tribune intitulée : ""Le problème des chambres à gaz" ou "la rumeur d'Auschwitz"". En cette année 1978, celui qui est alors maître de conférences en littérature à l'université Lyon-II n'en est pas à son premier exercice de "révisionnisme". Depuis les années 1960, en effet, M. Faurisson est connu dans le milieu des spécialistes pour ses jugements iconoclastes sur Rimbaud, Lautréamont ou Nerval. En cela, ses prises de position sur la Shoah ne sont que le prolongement d'une "obsession démystificatrice" qui s'est d'abord exercée dans la sphère littéraire.

Démontrant avec rigueur la perversité de la "méthode révisionniste", en particulier dans son usage biaisé des sources, l'historienne se livre également à un exercice de généalogie intellectuelle. Elle s'attarde notamment sur la figure de Paul Rassinier (1906-1967), que M. Faurisson saluait comme son mentor. Elle explique en particulier comment cet ancien instituteur socialiste tenta d'exciper de son passé d'ancien déporté-résistant pour donner à ses thèses un vernis de respectabilité.

Nadine Fresco met aussi l'accent sur la diversité de la nébuleuse révisionniste, où les représentants de l'extrême droite, majoritaires, n'ont pas manqué de recevoir le soutien de quelques militants d'extrême gauche. Dressant la liste des participants à la première "Convention révisionniste", réunie à Los Angeles en septembre 1979, elle insiste sur les ramifications internationales d'un réseau où les Allemands et les Américains sont surreprésentés.

L'historienne, citée comme témoin par Robert Badinter, poursuivi pour diffamation par M. Faurisson, raconte enfin la façon dont ce dernier l'aborda à la sortie du prétoire, le 12 avril 2007. "Il vient se camper devant moi et me frappe très violemment sur l'épaule gauche, avec le plat de sa main droite (...). Son regard est à la fois haineux et illuminé. Pour convenue qu'elle soit, sa qualification en "petits yeux d'acier" dans un des articles de presse qui rendent compte de cette deuxième audience correspond tout à fait à la réalité au coin de ce couloir du palais de justice." Un mois plus tard, le tribunal accordait le bénéfice de la bonne foi à M. Badinter, condamnant M. Faurisson à verser 5 000 euros à l'ancien président du Conseil constitutionnel.


LA MORT DES JUIFS de Nadine Fresco. Seuil, 310 pages, 20 €.

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