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La Turquie tente de s'imposer comme médiateur impartial au Proche-Orient

La "sortie" de M. Erdogan à Davos pourrait nuire aux efforts de la diplomatie turque.

Par Sophie Shihab

Publié le 31 janvier 2009 à 14h50, modifié le 31 janvier 2009 à 14h50

Temps de Lecture 3 min.

Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, a fait une sortie aussi fracassante que remarquée, jeudi 29 janvier, au Forum économique de Davos (Suisse), après avoir tenu tête, dans cette ambiance d'ordinaire si feutrée, au président israélien, Shimon Peres. Une sortie particulièrement appréciée par l'opinion arabe et musulmane, au lendemain des événements de Gaza.

Pour accueillir, vendredi, à son retour, M. Erdogan, ce dirigeant issu de la mouvance islamiste, des milliers de Turcs, portant des pancartes saluant le "héros de Davos", se sont rendus en pleine nuit à l'aéroport d'Istanbul. Ils étaient encore plus d'un millier à l'acclamer le lendemain en ville, alors qu'il inaugurait une bouche de métro. A cette foule, le charismatique premier ministre, élevé dans un quartier populaire d'Istanbul, a expliqué que, n'étant "pas issu de la diplomatie, mais de la politique", et donc habitué à se battre, il n'avait pas pu laisser passer l'affront fait, en sa personne, à "toute la nation turque".

En réalité, ce qui s'est passé à Davos "n'était pas vraiment un scandale ni de l'héroïsme", estime Ihsan Dagi, un politologue pourtant "pro-Erdogan". Lors d'une table ronde consacrée à Gaza, au cours de laquelle M. Erdogan a pu parler 12 minutes, le modérateur a laissé M. Peres, dernier orateur inscrit, parler 25 minutes. Et ce, avec une rare véhémence pour finir sur un ton accusateur, doigt pointé contre son voisin turc. Lequel a demandé un droit de réponse, ne l'a pas eu, mais l'a pris quand même pour parler de massacres d'enfants. Avant d'être à nouveau prié de se taire. Furieux, M. Erdogan avait quitté la tribune.

Nul n'a mis en doute la sincérité de la colère de M. Erdogan, au caractère par ailleurs notoirement emporté. A Davos, c'était sa première rencontre avec un Israélien depuis le début de l'offensive contre Gaza, qu'il avait violemment critiquée - devenant, avant même sa "sortie" de Davos, le nouveau héros de "la rue arabe".

DISCOURS ANTI-ISRAÉLIEN

Pourtant, il fut aussi le premier médiateur à se rendre dans la région. Et s'il n'est pas allé lui-même en Israël, lié à la Turquie par des accords stratégiques depuis 1996, M. Erdogan y a délégué, durant toute l'offensive, un haut diplomate réputé "pro-israélien". Pendant que son conseiller diplomatique, Ahmet Davoutoglou, faisait la navette entre Damas - où il se rendait déjà régulièrement pour tenter de "modérer" le Hamas - et Le Caire.

Malgré cela, M. Erdogan fut accusé par une grande partie de la presse turque libérale - aujourd'hui plutôt dans l'opposition - de passer pour un défenseur du Hamas. Il aurait ainsi compromis les chances d'Ankara d'être accepté comme médiateur impartial au Proche-Orient. "La crédibilité d'Erdogan et de son parti, l'AKP (Parti de la justice et du développement), a été entamée", a déclaré le journaliste Rusen Sakir, expert de ce parti "postislamiste" au pouvoir. Mais, selon Burak Bekdil, chroniqueur critique de l'AKP, "il faut surtout voir que M. Erdogan est en campagne électorale (pour les élections municipales, fin mars) et que son discours anti-israélien et sa sortie de Davos vont lui amener cinq à dix points de plus".

Moins soucieux peut-être de politique intérieure, le président Abdullah Gül et le ministre des affaires étrangères, Ali Babacan, ont cherché à corriger l'impression produite par les propos du premier ministre et chef de leur parti. M. Gül a voulu rassurer la communauté juive de Turquie, qui s'inquiète d'une montée de l'antisémitisme induite par la campagne anti-israélienne de M. Erdogan. M. Babacan a déclaré que la Turquie "n'approuve pas le Hamas et souhaite qu'il se transforme en parti politique", même si "cette organisation ne peut pas être ignorée dans les efforts de paix". Répondant aux critiques, M. Erdogan a déclaré : "Il faut prendre parti, car ne pas dénoncer l'injustice c'est en être complice. (...) Le parti que prend la Turquie, c'est celui de la paix."

Beaucoup ne seront pas convaincus. A commencer par les lobbies juifs aux Etats-Unis, très irrités, alors qu'Ankara comptait sur eux pour éviter un vote au Congrès cette année sur le génocide arménien. Mais les pragmatiques de tous bords soulignent que la Turquie et Israël ont toujours besoin l'un de l'autre et rappellent que M. Erdogan a repoussé les pressions au sein de son parti en faveur d'une rupture de certains liens avec l'Etat juif. M. Peres, de son côté, assurait, vendredi, que l'incident de Davos était clos, souhaitant que "tout puisse continuer comme avant" entre les deux pays.

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