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Traumatisés par les événements de Gaza, les Arabes israéliens sont tentés par l'abstention aux législatives

La minorité arabe, déchirée entre citoyenneté et identité.

Par Benjamin Barthe

Publié le 04 février 2009 à 14h54, modifié le 04 février 2009 à 14h54

Temps de Lecture 3 min.

Le silence règne dans la permanence électorale du parti communiste Hadash, à Umm al-Fahm, la "capitale" politique des Arabes d'Israël, dans le nord du pays. Seuls deux militants discutent dans une vaste pièce tapissée de banderoles électorales dont les slogans font tous référence au récent conflit dans la bande de Gaza. "Honte aux tueurs d'enfants", "Le peuple de Gaza ne capitulera jamais"...

De l'autre côté de la rue, l'annexe du Ta'al, un autre parti arabe, est fermée. Nombreux en cette fin d'après-midi, les passants ne jettent pas un seul regard sur les affiches placardées sur les murs. "La politique ne m'intéresse pas, lâche Ahmed, le jeune gérant d'un magasin de vêtement. Après ce qui s'est passé à Gaza, plus personne n'a d'appétit pour les élections. Les tueries commises par l'armée israélienne ont creusé le gouffre entre notre communauté et les institutions du pays."

C'est l'un des enjeux des élections législatives du 10 février : le taux de participation des Palestiniens d'Israël. Révoltés par l'hécatombe de Gaza, ces électeurs, qui pèsent 20 % des voix, pourraient bouder les urnes en signe de protestation. Cette réaction, associée au sentiment d'aliénation croissant éprouvé par les Arabes israéliens, risque d'aboutir à une participation largement inférieure au taux de 56 % enregistré lors du dernier scrutin en 2006. "Voter, c'est reconnaître l'institution et donc reconnaître l'Etat, explique Ali Waked, un journaliste du site d'information Ynet. Dans le contexte présent, on peut prévoir que peu d'Arabes israéliens se déplacent pour voter."

Certes, la situation n'est pas comparable à celle qui prévalait lors du scrutin de 2001 pour le poste de premier ministre. Quatre mois après les émeutes d'octobre 2000, au cours desquelles 13 manifestants avaient été tués par la police, le boycottage prôné par la classe politique arabe d'Israël avait pesé sur la participation.

Aujourd'hui, les seules formations qui préconisent l'abstention sont Les Fils du pays (Abna Al Balad), un groupuscule d'inspiration marxiste, et le Mouvement islamique du Nord, deux partis traditionnellement opposés à toute élection d'ampleur nationale. Le premier mène une campagne acharnée dans les villes et les médias arabes pour promouvoir son mot d'ordre. "Il est hors de question de légitimer un système qui massacre nos frères de Gaza", dit Raja Aghbariya, le secrétaire général des Fils du pays.

L'abstention inquiète les partis arabes en lice : les nationalistes de Balad, les islamistes modérés de Raam-Ta'al et les communistes du Hadash (dont la liste est mixte, arabe et juive). A eux trois, en 2006, ils avaient obtenu 10 sièges sur les 120 que compte la Knesset.

Déjà affaiblis par les discriminations dont pâtit leur électorat, marginalisés par le refus systématique des grands partis de les intégrer dans les coalitions au pouvoir, ils redoutent de faire les frais d'un mouvement d'humeur lié à la guerre de Gaza. Un boycottage en masse pourrait, par exemple, empêcher le parti Balad de dépasser le seuil de 2 % des voix, qui conditionne l'entrée à la Knesset.

"L'abstention n'est pas dans l'intérêt des Palestiniens d'Israël, dit Taysir Mahamid, le responsable de la liste Raam-Ta'al. Même si nous n'adhérons pas au principe de l'Etat juif, nous devons exiger de lui les services auxquels nous avons droit en utilisant notre voix à la Knesset. Jugez plutôt : à Umm al-Fahm, qui compte 50 000 habitants, nous n'avons ni université, ni hôpital, ni plan d'urbanisme."

Autre inquiétude : la montée en puissance d'Avigdor Lieberman, le chef du parti Israel Beitenou, qui a fait de la haine des Arabes un fond de commerce. "Il est important de ne pas ouvrir un boulevard à ces extrémistes", dit Afou Aghbariya, numéro quatre sur la liste du Hadash.

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L'argument fait sourire Abdel Hakim Moufid, partisan de l'abstention et militant du Mouvement islamique du Nord, qui contrôle la mairie de Umm al-Fahm. "Qu'ils soient de droite ou de gauche, les politiciens israéliens, une fois au pouvoir, appliquent tous la politique de l'Etat qui est une politique raciste, basée sur l'idée de transfert des Palestiniens. Alors qu'on cesse de nous tromper en faisant de Lieberman un épouvantail à côté duquel Ehoud Barak (le ministre de la défense et chef du Parti travailliste) serait un modéré !"

Israélien de droit, Palestinien de coeur : le télescopage de la guerre à Gaza et des élections renvoie les Arabes d'Israël à leur dilemme identitaire.


Prochain article : L'image d'Israël après l'opération contre Gaza.

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