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A Nazareth-Illit, la population vote Lieberman "pour faire peur aux Arabes"

Les thèses d'Avigdor Lieberman, chef d'Israel Beitenou, sont populaires parmi les 50 000 habitants de cette ville nouvelle, dont la moitié est issue de l'ex-URSS.

Par Benjamin Barthe

Publié le 10 février 2009 à 09h06, modifié le 10 février 2009 à 14h17

Temps de Lecture 3 min.

Bienvenue à "Lieberman City". Pour la troisième fois en trois scrutins, la ville de Nazareth-Illit, dans le nord d'Israël, s'apprête à plébisciter le chef du parti Israel Beitenou (Israël notre maison), le populiste Avigdor Lieberman. Après les législatives de 2006 (34 % des voix), après les municipales de 2008 où ses partisans se sont imposés, ce politicien célèbre pour sa rhétorique anti-Arabes, né en 1958 dans une famille juive russophone de Moldavie, devrait l'emporter haut la main à Nazareth-Illit, mardi 10 février, jour d'élection à la Knesset.

Bâtie en surplomb de la Nazareth arabe, peuplée de 50 000 habitants, dont la moitié issue de l'ex-URSS, la ville est désormais la vitrine du phénomène Lieberman, auquel les sondages promettent jusqu'à vingt députés.

Le local de campagne est situé au premier étage d'un petit centre commercial. Une pièce de vingt mètres carrés tapissée d'affiches à la gloire du candidat Lieberman. Alex Gadalkin, porte-parole local, brandit un tract portant l'inscription "Pas de citoyenneté sans loyauté", le slogan le plus controversé de la campagne. "Il n'est pas normal que des Arabes se permettent de soutenir les ennemis d'Israël comme le Hamas, tout en continuant à toucher des allocations de l'Etat", dit-il.

"ON NE VEUT PAS EN ARRIVER À LA SITUATION DE LA FRANCE"

Israel Beitenou milite pour la création d'un serment d'allégeance à Israël et pour l'instauration d'un service national obligatoire, notamment pour les Arabes qui sont dispensés du service militaire. Une mesure raciste comme le dit la gauche israélienne ? "Non, la loyauté est une valeur qui ne devrait pas se discuter, plaide M. Gadalkin. On ne veut pas en arriver à la situation de la France, où l'hymne national est sifflé dans les stades de foot. On ne veut plus de ces politiciens qui ont peur. Lieberman, il fait peur aux Arabes. C'est pour cela qu'il nous plaît."

Fondée au milieu des années 1950 par David Ben Gourion, le père de l'Etat, Nazareth-Illit était censé endiguer le développement de Nazareth, la ville mère, pour lui ravir le rang de capitale de la Galilée. Or l'ironie de l'histoire veut que la nouvelle localité, contrairement aux calculs initiaux, soit en voie d'absorption par ses voisins arabes. Faute de pouvoir construire chez eux, ils déménagent dans les quartiers juifs, à tel point qu'ils représentent désormais 20 % de la population municipale.

Un effet boomerang qui ouvre en grand la boîte à fantasmes. "Les jeunes de Nazareth débarquent en voiture pour draguer nos filles", lâche Thomas, 16 ans, dans la cafétéria du centre commercial. Avec des dizaines de camarades de lycée, c'est là qu'il vient, sitôt les cours terminés, distribuer des tracts à la gloire de leur nouveau héros. "Les Arabes nous toisent, ils n'arrêtent pas de nous narguer. Demain, si l'on ne fait rien, ils viendront nous taper. On ne se sent plus chez nous. Heureusement, Lieberman nous rassure."

Quelques boutiques plus loin, Mikhaïl tient un salon de coiffure. La trentaine, arrivé de Biélorussie en 1995, il est l'un de ces juifs russophones qui vénèrent Avigdor Lieberman, l'ancien videur de boîte de nuit, pour ses épaules larges et ses idées simples. Mais pas seulement. A l'inverse des boutefeux d'extrême droite "classiques", dont la haine des Arabes dérive d'un fanatisme religieux, le patron d'Israël Beitenou est un laïc militant. Il propose notamment l'instauration d'un mariage civil. Une idée forcément populaire dans la communauté slave, dont une grande partie n'est pas juive.

"Plein de mes copains ont dû aller à Chypre pour se marier, dit Mikhaïl. Moi je suis juif, mais je ne veux pas d'un mariage religieux et je refuse de prendre l'avion pour épouser ma copine. Du coup, je ne peux pas me marier."

"FINIR LE BOULOT À GAZA"

Au-delà de l'électorat russophone, la hantise des Arabes et l'obsession de l'ennemi de l'intérieur demeurent, à Nazareth-Illit, le ciment du vote Lieberman. Il l'a bien compris. Durant la campagne, il a mis en sourdine ses thèses les plus iconoclastes, notamment celle où il envisage, sous conditions, la création d'un Etat palestinien.

"On a besoin de Lieberman pour finir le boulot à Gaza, lâche Yaffa, 52 ans, la gérante d'un magasin de vêtements pour enfants. Mille trois cents morts [bilan de l'offensive israélienne], ce n'est pas suffisant. Il faut qu'ils sortent tous avec le drapeau blanc."

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Pendant la guerre, si les policiers ne s'étaient pas déployés à chaque carrefour, Yaffa ne serait pas sortie de chez elle le soir. Depuis vingt-cinq ans, elle n'a pas mis les pieds à Nazareth. "Trop dangereux", dit-elle. "Les seuls qui y vont ce sont les Russes, les femmes surtout, qui veulent épouser des Arabes." Elle marque une pause puis glisse. "Mais ça, ne l'écrivez pas, sinon les juifs de France ne viendront jamais vivre à Nazareth-Illit."

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