La descente aux enfers des travaillistes
Les législatives de mardi ont enterré la gauche idéologique israélienne. Le parti Meretz a eu beau s’adjoindre une brochette d’intellectuels de premier plan, il ne se retrouve plus aujourd’hui qu’avec 3 députés sur les 120 de la Knesseth. Mais la débâcle est surtout celle du Parti travailliste, le parti fondateur de l’Etat juif. Le temps des enchères
- Publié le 11-02-2009 à 00h00
Correspondante à Jérusalem Les législatives de mardi ont enterré la gauche idéologique israélienne. Le parti Meretz a eu beau s’adjoindre une brochette d’intellectuels de premier plan, il ne se retrouve plus aujourd’hui qu’avec 3 députés sur les 120 de la Knesseth. Mais la débâcle est surtout celle du Parti travailliste, le parti fondateur de l’Etat juif. Avec ses treize députés, il n’est plus que le quatrième parti du pays.
Arrogance coupable
Sa descente en enfer ne date cependant pas d’aujourd’hui. Créé en 1930 par David Ben-Gourion et Golda Méir, pilier du mouvement sioniste, cheville ouvrière de l’Etat d’Israël en 1948, le parti allait rester le maître politique et social du pays durant trois décennies. En 1977, son paternalisme d’establishment ashkenaze, son mépris du "deuxième Israël" - ces immigrants orientaux des années 50 qu’il avait parqués dans les villes de développement - lui fait perdre le pouvoir. Pour la première fois, le Likoud de Menahem Begin prend les commandes du pays.
Depuis lors, les travaillistes se trouvent en rivalité constante avec la droite populiste, l’électorat sépharade ne leur pardonnant pas les discriminations sociales et culturelles qu’il endura des pères de l’Etat. Il faudra d’ailleurs attendre jusqu’à la fin des années 90 pour qu’Ehoud Barak fasse des excuses officielles aux juifs orientaux, admettant que son parti les avait traités "avec arrogance" et avait méconnu leurs valeurs.
Au fil des ans, la chute du parti a été précipitée autant par manque de leadership convaincant que par manque d’idéologie pointue. Un moment charnière a été l’assassinat d’Yitzhak Rabin en novembre 1995. Ensuite, c’est Ehoud Barak qui a échoué dans ses négociations de paix avec Yasser Arafat en 2000 et qui s’est fait évincer par Ariel Sharon en 2001. Depuis lors, l’un après l’autre, des leaders prometteurs de la nouvelle génération - Amrame Mitzna et Amir Peretz - ont déçu. Et, entre-temps, Shimon Peres, le patriarche, le mal-aimé, est passé à Kadima.
Enfin, s’il a réussi à reconquérir l’appareil du parti en 2007, après une traversée du désert, Ehoud Barak n’a pas réussi à reconquérir les cœurs. Car il n’avait pas vraiment changé : stratège militaire apprécié, leader politique problématique.
Socialisme dilué
Parallèlement, le message travailliste de pacifisme et de socialisme s’est dilué, s’alignant sur des valeurs de prudence sécuritaire et sur un libéralisme économique "allégé". Le parti s’est donc placé à la traîne de la mouvance centriste de Kadima et n’a plus offert d’alternative idéologique de gauche. Mais les législatives ont également prouvé que les Israéliens ne cherchaient plus rien à gauche.
Ehoud Barak a annoncé, dans la nuit de mardi à mercredi, qu’il ne quittait pas la direction du parti et qu’il restait ouvert à la possibilité de se joindre à l’une ou l’autre coalition gouvernementale. Mais au sein de son parti, un nombre croissant de dirigeants appelle à un "retour honorable" dans l’opposition. Afin précisément de se refaire une idéologie et une cohésion interne. Dans l’immédiat, personne ne parle de débouter M. Barak. Pas par amitié, mais parce que le parti manque de remplaçant.