Documentariste de formation, Ari Folman est l'auteur de Valse avec Bachir, film d'animation israélien concourant pour l'Oscar du meilleur film étranger. Le cinéaste s'y met en scène lui-même, à la recherche de sa mémoire enfouie de jeune soldat impliqué dans les massacres de Sabra et Chatila. Le parti pris qui consiste, pour évoquer l'expérience militaire d'un jeune Israélien, à mettre des images animées au service du documentaire, renvoie par bien des aspects à celui de Z32. Ari Folman nous donne son point de vue.
Qu'avez-vous pensé du film ?
Très impressionnant. Je n'ai jamais rien vu qui ressemble à cela, même chez Avi Mograbi. Le film est aussi dérangeant. Pas uniquement à cause de l'histoire, mais à cause de la relation entre les deux personnages, le cinéaste et le soldat. Je ne la comprends pas totalement. Mograbi est-il tellement écoeuré par ce soldat qu'il se sent libre d'évoquer ouvertement son histoire ? Pour moi, c'est un film très compliqué.
Du point de vue du sujet comme de ses partis pris formels, Z32 ne présente-t-il pas des points communs avec Valse avec Bachir ?
Je ne pense pas. Premièrement, je ne sais pas si Z32 est un film sur ce type ou sur Avi Mograbi. J'ai l'impression qu'Avi s'intéresse surtout à des questions de mise en scène, à la relation spécifique, dans le cinéma documentaire, entre le filmeur et le filmé. Cette question morale de savoir qui utilise qui m'a longtemps occupé. Mais dans Valse..., le réalisateur et le personnage sont une seule et même personne. Je voulais montrer ce qu'était la guerre du point de vue d'un soldat israélien lambda. Dans Z32, au contraire, il s'agit d'une unité spéciale et d'une mission de vengeance. Et puis il n'est pas question de processus mémoriel, alors que mon film repose là-dessus.
Et du point de vue de la forme ? Vous associez l'un comme l'autre des images animées à un dispositif documentaire...
C'est vrai, et c'est à peu près tout ce qui relie les deux films. Celui de Mograbi rejoint le mien pour quelques séquences où j'ai filmé des personnages dont j'ai retravaillé l'image au moyen d'une technique d'animation.
Que vous inspire le personnage ? Est-ce un soldat comme un autre ?
J'ai été choqué par cette mission de représailles. Ce type d'opération était monnaie courante dans les années 1950. C'était dans la culture et la tradition israéliennes. Mais c'était censé ne plus avoir cours. Je n'avais aucune idée que cela se faisait encore. Quant au personnage, la manière dont il aborde ce qu'il a fait est très dérangeante pour moi. Je ne comprends pas ce qui l'a motivé pour témoigner.
La récente opération à Gaza apporte-t-elle une acuité supplémentaire au film ?
Même l'opération à Gaza n'a rien à voir avec ce que raconte le film. A Gaza, c'était une opération militaire aux allures de guerre. Dans leur esprit, les soldats étaient en guerre, certainement pas dans une opération punitive.
Z32 et Valse avec Bachir ont respectivement été produits et coproduits par le Français Serge Lalou (Les Films d'Ici). Est-ce un hasard ?
Non. C'est Avi qui m'a recommandé Serge Lalou. Il a une conscience politique très forte, une classe énorme. Il a fait beaucoup pour le film.
Après avoir reçu le Golden Globe du meilleur film étranger, vous êtes en course pour l'Oscar. Comment cela se passe-t-il ?
Tout a commencé à Cannes, qui fut une plate-forme de lancement formidable. Je n'ai eu aucun prix, et j'étais bien déçu, mais à la fin de la cérémonie, Thierry Frémaux (le directeur du Festival de Cannes) m'a pris dans ses bras et m'a dit que le film irait très loin. Et depuis dix mois, c'est une aventure totalement folle. Le film ne m'appartient plus, je le suis dans le monde entier. Aux Etats-Unis, les réactions ont été incroyables. Rien n'est joué, bien sûr, mais on espère très fort.
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