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Il ne faut pas déserter Durban II, par Caroline Fourest

Il y a bien des raisons de redouter la conférence contre le racisme qui s'annonce à Genève du 20 au 24 avril.

Publié le 13 mars 2009 à 14h18, modifié le 13 mars 2009 à 14h18 Temps de Lecture 3 min.

Il y a bien des raisons de redouter la conférence contre le racisme qui s'annonce à Genève du 20 au 24 avril. Ceux qui ont assisté à la première édition, à Durban (Afrique du Sud), en septembre 2001, ont encore en mémoire la prise en otage du forum des ONG par des groupes tiers-mondistes pro-islamistes et antisémites, les tracts regrettant Hitler, l'exposition de caricatures antisémites... Près de dix ans après la fin de l'apartheid, nous étions venus parler du racisme. Et nous n'avons entendu parler que d'Israël.

Est-ce une raison pour encourager l'Union européenne à suivre les Etats-Unis, le Canada et Israël, qui souhaitent boycotter la conférence de suivi ? En théorie oui. En pratique, les choses sont plus complexes. Les intellectuels ont bien raison d'alerter. Les diplomates ne doivent pas déserter.

D'abord, parce que la conférence se déroulera à Genève... sans forum des ONG. Si des débordements ont lieu dans les couloirs, ils seront encadrés, au pire révélateurs. Enfin et surtout, il ne s'agit pas d'un vrai Durban II, mais d'une simple conférence d'examen, destinée à faire appliquer la plate-forme adoptée par les Etats en 2001.

A l'époque, grâce à la vigilance et à la bataille de certaines délégations - notamment aux efforts conjoints de l'Afrique du Sud et de la Belgique, restée dans la bataille - cette plate-forme d'action contre le racisme a limité les dégâts. Fait rare, elle a refusé le texte inacceptable venant du forum des ONG. Cela n'aurait pas été possible si les pays européens avaient suivi les Etats-Unis et quitté eux aussi la conférence au milieu du gué.

Mais soyons clairs, cette plate-forme n'est pas bonne. Ultraminoritaires, les pays simplement soucieux de lutter contre le racisme ont dû céder à la surenchère et à la politisation voulues par certains pays. Le texte insiste sur la traite transatlantique, dans l'espoir d'obtenir des réparations financières, au risque d'esquiver la responsabilité de certains négriers noirs ou arabes. Il parle d'"islamophobie", au risque de confondre la lutte contre le racisme avec une lutte contre le blasphème. Sans dire un mot des minorités religieuses opprimées dans les pays musulmans au nom de la charia. Israël est le seul pays cité. Comme si la mort de civils palestiniens relevait du racisme et non de crimes de guerre liés à un conflit territorial.

Il ne dit rien des chasses aux homosexuels au Sénégal, ni de leur pendaison en Iran. L'histoire retiendra la longue liste de ces pays qui refusent de faire cesser l'homophobie ou le sexisme au nom du respect des cultures, consacré par la plate-forme de Durban.

La plupart des ajouts proposés par le Mouvement des non-alignés, l'Union africaine et le groupe des pays musulmans visent à aggraver ce texte. Ils insistent notamment pour élargir la lutte contre le racisme à la "diffamation des religions". Ce qui reviendrait à mettre les droits de l'homme au service de la protection des religions, au détriment de la liberté d'expression. Inacceptable.

L'Union européenne en a conscience et ne cédera rien là-dessus. Ses lignes rouges sont clairement établies : la question des réparations de l'esclavage ne doit pas être instrumentalisée, celle du Moyen-Orient ne doit pas donner lieu à surenchère, et le concept de "diffamation des religions" doit être écarté. Si l'une de ces lignes rouges est franchie, elle aura bien raison de briser le consensus et de ne pas cautionner. Mais pour l'instant, le processus est en cours. La négociation peut encore aboutir à un texte court, qui s'en tiendrait à la mauvaise déclaration de Durban, comme base de travail.

Mépriser cette négociation ne permettrait pas d'expliquer au monde la position de l'Union européenne. Il ne s'agit pas de déserter la lutte contre le racisme, mais de résister à son instrumentalisation. Le risque serait surtout d'affaiblir un peu plus le multilatéralisme, dont nous avons tant besoin pour préserver l'universalisme et renégocier un jour cette plate-forme.

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