Elliott Abrams a quitté en janvier ses fonctions de numéro deux du National Security Council (NSC). Architecte de la politique de George Bush sur le Proche et le Moyen-Orient, il a été longtemps le dernier néoconservateur de son administration. Il est aujourd'hui au Council on Foreign Relations.
Barack Obama a fait du processus de paix l'une de ses priorités. Quelles sont les conséquences de l'entrée des travaillistes dans le prochain gouvernement israélien ?
Il va être un peu plus difficile de faire pression sur Israël. C'est plus facile de faire pression sur un gouvernement de droite que sur un gouvernement de coalition. Si George Mitchell [émissaire américain] fait pression pour un gel des colonies, cela créera des tensions. Tout dépend évidemment de ce qu'il entend par gel des colonies. Si c'est "pas une brique de plus", Nétanyahou ne va pas l'accepter.
Qu'est-ce que cela pourrait être d'autre ?
Pas d'extension au-delà de la"barrière de sécurité" [hors des principales colonies], par exemple. Ou une "pause", de sorte que cela devienne moins insultant pour les Palestiniens.
Comment jugez-vous la politique de M. Obama jusqu'à présent ?
D'après les conversations que j'ai eues avec des responsables de la nouvelle administration, je crois comprendre qu'ils sont très réalistes. Personne ne pense qu'on va négocier sur le statut final la semaine prochaine. Ils comprennent que les conditions ne sont pas remplies. Et ils essaient de se concentrer sur ce qui peut être fait en Cisjordanie pour améliorer les conditions de vie et les institutions. Ils disent qu'ils restent attachés à la solution des deux Etats, mais ils reconnaissent que c'est un processus très long.
Beaucoup pensent que M. Obama essaie de rééquilibrer la politique américaine dans un sens moins pro-israélien…
Peut-être. Mais je ne suis pas convaincu. Obama réaffirme ses engagements, montre sa bonne foi en appelant [le président de l'Autorité palestinienne] Mahmoud Abbas en premier, mais c'est justement parce qu'il sait qu'il ne va pas être possible d'aller vite. Je crois que les conditions ne sont tout simplement pas réunies actuellement pour un accord sur le statut final. Nous savons tous à quoi un accord ressemblera. Les grandes lignes sont claires depuis Camp David [en juillet 2000]. Mais il n'y a eu aucun progrès.
Vous regrettez des décisions de l'administration Bush ?
Oui, les élections [palestiniennes de 2006]. Je regrette d'avoir permis au Hamas d'y participer. De notre point de vue, c'était impossible de ne pas avoir une élection. Comme en Afghanistan, comme en Irak, il n'y a qu'un moyen légitime de choisir son gouvernement. Rétrospectivement, c'était une erreur.
M. Obama a-t-il choisi la bonne direction sur l'Iran ?
C'est sûrement une bonne idée d'essayer de faire marcher la voie diplomatique. Mais la question, c'est celle d'un engagement direct avec l'Iran. De toute évidence, nous n'y avons pas cru. Il y avait déjà beaucoup de dialogues directs. Javier Solana [le responsable de la politique extérieure européenne] a rencontré les Iraniens dix, vingt fois. L'expérience a été extrêmement frustrante.
Avec les Iraniens, un accord n'est pas un accord, une proposition n'en est pas une. Mais la négociation aura au moins une conséquence : si les Etats-Unis s'engagent et que l'on s'aperçoit que les Iraniens n'étaient pas sérieux et qu'ils cherchaient juste à gagner du temps, alors les fondations auront été jetées pour une politique plus dure, incluant l'option militaire. Mais si on s'engage dans le processus, il faut une date-butoir, six mois ou quelque chose comme cela.
Voir les contributions
Réutiliser ce contenu