C'est dans une atmosphère pesante, sur fond de défections et d'importantes dissensions entre Européens que la conférence internationale des Nations unies sur le racisme (dite "Durban II") s'est ouverte lundi 20 avril à Genève, pour une semaine.
Dimanche en début de soirée, alors que le président iranien Mahmoud Ahmadinejad, atterrissait à Genève où il prendra la parole, lundi vers 15 heures, au siège de l'ONU, la liste des pays ne souhaitant pas y participer continuait à s'allonger. Dans la matinée, les Etats-Unis, après des semaines d'hésitation, avaient annoncé qu'ils ne viendraient pas à Genève, craignant que la réunion qui doit évaluer les progrès réalisés depuis la première conférence onusienne qui s'était tenue en 2001 en Afrique du sud, à Durban (dite "Durban I") ne tourne à la seule dénonciation d'Israël et de l'Occident.
Ils ont été suivis par l'Australie, les Pays-Bas, puis dans la soirée par l'Allemagne et la Nouvelle-Zélande. Israël, le Canada et l'Italie, ayant précédemment fait connaître leur décision de boycotter. Tous gardent en mémoire les débordements antisémites qui s'étaient produits, il y a huit ans à Durban, en marge de la conférence onusienne. Israël et les EtatsUnis avaient alors claqué la porte.
LIGNES ROUGES
Cette vague de défections a bien failli entraîner, par effet de domino, le retrait de la plupart des pays de l'Union européenne. Mais tard dans la soirée, on apprenait finalement que la France, la Belgique et le Royaume-Uni seraient présents à Genève, à différents niveaux de représentation. Ces pays estiment que le projet de document final, adopté vendredi , au terme d'un long marathon diplomatique, respecte les lignes rouges fixées.
Le texte qui servira de base de travail ne contient aucune référence à Israël, évoquant seulement au pluriel, les "occupations étrangères", considérées comme un contexte dans lequel le racisme peut se développer. Le concept de "diffamation des religions", présenté par les pays de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) comme une forme de racisme, n'y figure pas et enfin le principe de la liberté d'expression y est réaffirmé.
L'unité européenne en ressort cependant sérieusement mise à mal. Dimanche, vers 22 heures, une ultime conférence téléphonique s'est tenue entre les ministres des Affaires étrangères français, allemand, britannique, néerlandais et tchèque. Aucune ligne commune n'a pu être dégagée.
Au grand dam de ses homologues français et britannique, le ministre allemand, Frank-Walter Steinmeier a annoncé ne pas vouloir se rendre à Genève, redoutant, comme il l'a expliqué ensuite dans un communiqué, que la conférence, au même titre que celle de 2001, ne soit "instrumentalisée comme une plateforme pour d'autres intérêts".
L'Allemagne, très sensible du fait de son histoire à tout ce qui touche Israël, se contentera d'un statut d'observateur, et n'exclut pas "de reprendre une participation active un peu plus tard " si les choses se déroulent bien. Cette défection était attendue, elle n'est pas étrangère au contexte électoral.
"Nous sommes déçus, nous aurions préféré davantage d'unité européenne", a réagi un diplomate belge dont le pays a tenté dre jouer les intermédiaires ces derniers jours.
"NOUS NE TOLÉRERONS AUCUN DÉRAPAGE"
Lundi matin, sur France Info, Bernard Kouchner, a confirmé la participation de la France qui comme le Royaume-Uni ne sera représentée que par un ambassadeur. Le ministre des Affaires Etrangères mettait cependant en garde l'Iran. "Il faudra être très clair. Nous ne tolérerons aucun dérapage. Si le président Ahmadinejad veut rouvrir le texte difficilement accepté ou s'il profère des accusations racistes ou antisémites, nous quitterons la salle immédiatement", a-t-il expliqué, ajoutant que les ambassadeurs européens présents feraient de même.
La conférence Durban II s'ouvre sur un constat amer. La haute commissaire aux droits de l'homme, Navy Pillay s'est dite "choquée et profondément déçue" par l'absence des Etats-Unis."La défection des Etats-Unis a entraîné celle de certains pays européens. Cela porte un sérieux coup à la lutte contre le racisme au niveau onusien", estime Julie Gromellon de la Fédération Internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH).
Elle regrette surtout que sous la pression de leurs opinions publiques, et par crainte de dérapage à Genève, "les Etats qui, comme l'Allemagne, avaient pourtant accepté en 2001 la déclaration finale de Durban, refusent aujourd'hui de prolonger leurs engagements ".
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