Arrivé lundi 11 mai en Israël, le pape est attendu avec beaucoup de circonspection par les rabbins israéliens toutes tendances confondues. Si le contentieux entre chrétiens et juifs ne date pas de Benoît XVI, le pape se voit reprocher plusieurs bévues.
La levée de l'excommunication de l'évêque intégriste négationniste Richard Williamson n'en est qu'un exemple. Si le rabbin Shear Yashuv Cohen nous assure que l'incident est clos - "Nous nous sommes rencontrés au début du mois de mars à Rome (le pape), a reconnu qu'il y avait eu une erreur. Il s'en est excusé" -, le rabbin de Haïfa attend avec beaucoup d'intérêt les paroles que Benoît XVI prononcera à Yad Vashem, le Mémorial de la Shoah. Il souhaite un message fort pour dénoncer le négationnisme et aimerait que le pèlerinage du pape en Terre sainte soit dans "la droite ligne de celui de Jean Paul II en 2000".
Le rabbin Cohen n'a pas davantage apprécié que le représentant du Vatican n'ait pas quitté la salle lors du discours du président iranien Mahmoud Ahmadinejad lors de la conférence sur le racisme (Durban II), à Genève, en avril. "Nous attendons une clarification. Nous voulons une nouvelle approche", dit-il.
L'heure n'est pas encore au grand pardon et les pesanteurs de l'histoire sont loin d'être oubliées. "Nous allons l'accueillir dans les règles de l'art. Mais est-ce à nous de faire des courbettes ? Qui sont les anciennes victimes et les anciens bourreaux. Ce n'est pas à nous de faire le premier pas", insiste le rabbin Henri Kahn, rédacteur en chef de la revue francophone des juifs orthodoxes Kountrass.
Afin de tester la bonne volonté du souverain pontife une lettre ouverte lui a été adressée par un groupe intitulé Yad L'Achim ("la main tendue"). Elle réclame que la vérité sur leur origine soit révélée aux enfants juifs recueillis par des institutions religieuses pendant la seconde guerre mondiale et qui ont été convertis au christianisme. "Le silence continu de l'Eglise à ce propos prolonge la souffrance du peuple juif et contribue à la victoire des nazis qui ont voulu éradiquer notre peuple", précise le texte.
Le rabbin Henri Kahn voudrait que "l'Eglise dise qu'elle a commis une erreur historique pendant deux millénaires au cours desquels nous avons été massacrés", mais il n'y croit guère. "Tout cela, c'est de la diplomatie doucereuse, dit-il. Un peu de baume par ci, un peu de baume par là alors que nous avons un compte historique à régler avec l'Eglise."
"JÉRUSALEM EST À NOUS"
Le rabbin Shmuel Rabinovitch, le responsable du Kotel, le mur des Lamentations, refuse que le pape porte une croix sur sa poitrine lors de sa visite par respect pour ce lieu de culte juif. Il ne veut pas que les prières des fidèles soient perturbées par Benoît XVI et son entourage. "Rome est à vous, Jérusalem est à nous", se propose d'inscrire sur des banderoles des militants de la droite radicale. Une association des rescapés de la Shoah, Dorot Hemshekh ("Générations suivantes") a demandé aux automobilistes de klaxonner lors du discours de Benoît XVI à Yad Vashem. Le Grand Rabbinat d'Israël, de son côté, vient de décréter que la loi juive "interdit formellement à quiconque la transmission de biens immobiliers se trouvant en Israël à l'Etat du Vatican".
Que faut-il donc attendre de cette visite ? "Ce sera une visite ratée. Une occasion historique a été manquée d'instaurer un vrai dialogue, car les dirigeants israéliens n'ont pas pris leurs responsabilités", pronostique le rabbin Oury Cherki, à Jérusalem. Nationaliste virulent, il attend de Benoît XVI qu'il lance un appel aux Palestiniens afin "qu'ils renoncent à la violence". "Cette terre est celle de la nation hébraïque (...). Nous sommes toujours en situation de conflit", précise-t-il. Que ce soit avec les Palestiniens ou avec le Vatican.
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