En attendant
2012, la France fait encore partie des pays européens où il n'y a aucun député
d'extrême droite dans son Parlement, alors que depuis 10 ans, sous différentes
formes, elle s'est implantée dans de nombreux paysages politiques nationaux.
S'opère
actuellement une mutation de nombreux partis, abandonnant
les discours hérités de la Seconde Guerre Mondiale pour une rhétorique plus
populiste, grignotant l'électorat de droite traditionnelle, mais aussi les
déçus de gauche. Au point que pour certains, la dénomination
« extrême droite » devient de moins en moins approprié au sens
consacré du terme. Notre Guide de l'extrême droite européenne:
Les
parias
Ils sont
puissants, représentent parfois plus de 20% de l'électorat d'un pays, mais
n'ont pourtant jamais accédé au pouvoir, les autres partis les
considérant comme «non fréquentables».
Le Vlaams Belang (Belgique,
Flandre): ses principaux fonds de commerce ont toujours été la lutte contre
l'immigration et l'indépendance de la Flandre. Son cri de ralliement: België
Barst (crève Belgique).
Sa progression
depuis 2000 a été fulgurante. Dans la première ville de Flandre, Anvers, le
Vlaams Belang a récolté 33% des voix en 2005, son apogée. L'ensemble des
autres partis a dû se coaliser («le cordon sanitaire ») pour éviter à ce
dernier de prendre le contrôle de la ville.
Plus récemment,
le développement de nouveaux partis moins extrémistes mais toujours
indépendantistes l'ont vidé d'une partie de son électorat. Alors qu'en 2004, il
obtenait 24% des voix aux élections législatives, il n'est plus qu'à 12% en
2010.
Le mouvement
peine à casser son image xénophobe. Toujours en 2004, la Cour d'appel de Gent
en condamnant lourdement des associations proches de ce qui se nommait à
l'époque le Vlaams Blok - pour xénophobie et racisme - avait forcé l'ancienne
formation à s'auto-dissoudre.
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Le Front National (France): créé en 1972, le Front National est
maintenant une référence pour toute l'Europe, même s'il n'a jamais gouverné. Sa
longévité impose le respect.
L'arrivée à sa
tête de Marine Le Pen au début 2011 marque un tournant après quarante ans de
domination de Jean-Marie Le Pen, son père. Focalisant son discours sur les
valeurs de la République et sur la défense des citoyens, elle se rapproche
partiellement de la rhétorique développée aux Pays-Bas, par le populiste Geert Wilders du
Parti de la Liberté. L'immigration reste un de ses thèmes préférés ainsi
que celui de l'euroscepticisme. Le FN préconise une sortie rapide de l'Union
européenne et de l'euro, permettant le rétablissement de toutes les frontières
et barrières douanières, censées protégées la France et ses citoyens de la
mondialisation.
Le parti est en
pleine renaissance. Après son score décevant aux Présidentielles de 2007, de
seulement 10%, alors qu'en 2002, il réalisait l'exploit d'accéder au second
tour avec 17% . La survie de la formation politique fut même menacée, en raison
de problèmes financiers, l'obligeant à vendre « le paquebot », son quartier-général
historique.
Si le FN ne
dispose d'aucun député à l'Assemblée nationale du fait des règles électorales,
son implantation au niveau local est important dans certaines régions. Lors des
dernières régionales, le FN a obtenu 22,87% en PACA, 22,2% dans le
Nord-Pas-de-Calais, 19,38% dans le Languedoc Roussillon, 19,30% en Picardie,
18,44% en Lorraine. Le système à la proportionnelle lui permet ainsi d'entrer
dans les assemblées régionales. A titre d'exemple: 17 élus frontistes pour le
Nord-Pas-de-Calais pour un hémicycle de 113.
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Le Parti du Progrès (Norvège): d'extrême
droite ou juste populiste libéral ? La question fait toujours débat concernant
le Parti du Progrès norvégien, deuxième force politique du pays avec 22,9 % de
voix. Officiellement, il serait libéral, prônant l'ouverture des frontières
commerciales, la baisse des impôts et voulant réduire l'intervention de l'État
dans la vie quotidienne. Ce sont ses positions strictes sur l'immigration qui
cristallisent les interrogations.
En 1997, le
quotidien Libération
écrivait à son sujet : « il
glorifie «la famille norvégienne», prône une «société sans mélange» où
«l'argent profite d'abord à la nation et non aux pays du tiers monde».
Malgré le poids
important de la formation dans la vie politique nationale, elle n'a jamais fait
partie de coalition gouvernementale, les autres
s'y refusant.
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Les
abonnés du pouvoir
A l'inverse des
formations précédentes, d'autres partis politiques mélangeant conservatisme,
populisme et nostalgie d'époques révolues ont réussi à accéder au pouvoir.
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Le Parti du Peuple Danois (Danemark): un incontournable de la
scène politique danoise depuis les élections législatives de 2001 lorsqu'il a
obtenu 12%. Après ce scrutin, le
parti a développé une stratégie originale: accepter de soutenir la
coalition de l'époque ? de l'extérieur (c'est-à-dire sans rentrer au
gouvernement) ? composée des conservateurs et des libéraux, en échange de
«cadeaux» politiques, dans le domaine de la politique d'immigration (pour les
non-européens), pouvant ainsi exercer une pression constante en particulier
lors des votes du budget.
Et le résultat
est là. En moins de 10 ans, le pays a adopté une des législations les plus
dures d'Europe et le Parti du Peuple Danois a conservé toute sa popularité en
s'installant comme la troisième force du pays. Son image est devenue
respectable et nombre de ses idées qui faisaient scandales il y a 10 ans de
cela, font aujourd'hui l'unanimité.
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La Ligue du Nord (Italie): l'idée première de ce mouvement était l'indépendance de la Padanie,
région imaginée par une nouvelle droite italienne du Nord de l'Italie qui ne
voulait plus payer pour le sud en retard. Un «nationalisme
de prospérité» comme l'expliquerait le politologue Jean-Yves Camus.
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Depuis son
lancement dans les années 1990, le parti a mis en retrait cette revendication
(en échange du fédéralisme fiscal, toujours en cours de négociation) pour se
focaliser sur la défense d'une Europe chrétienne et blanche. Parmi ses membres,
des anciens des mouvements fascistes. L'un des plus connus est Mario Borghezio, ancien
sous-secrétaire d'État à la justice (1994), il est actuellement député
européen.
Voici ce qu'il
déclarait devant des militants d'extrême droite français:
Aujourd'hui, la
Ligue du Nord est fortement implantée en Vénétie et dans le Piémont, deux
régions contrôlées par le parti.
Alliée de Silvio Berlusconi au niveau national, le parti dispose de trois
ministres et huit secrétaires d'État.
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Le Parti
Autrichien de la Liberté (Autriche) puis l'Alliance pour l'Avenir de l'Autriche (FPÖ): un des partis les plus connus. En 1999, les
conservateurs acceptent de faire alliance avec ce parti pour contrer les
socialistes. Toute l'Europe s'émeut de ce retour inédit de l'extrême droite au
pouvoir dans un pays berceau du nazisme. Même l'Union européenne décide de
mettre le pays sous surveillance.
Mais cela ne
dérange nullement son leader charismatique, un certain Jorg Haïder
qui n'avait pas hésité à déclarer alors qu'il était gouverneur de la région de Carinthie
(sud du pays), que la politique de l'emploi du IIIe Reich était meilleure que
celle du gouvernement de Vienne.
Dès 2002, le
déclin du parti est enclenché. Haider décide alors de lancer sa propre
formation en 2005, plus radicale, l'Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZÖ).
Il obtient 11% des voix dès 2008 mais ne peut profiter du succès: il décède
dans un accident de voiture (il était ivre et rentrait d'une soirée
homosexuelle, provoquant un débat sur son double discours). En Carinthie, le
BZÖ reste la première force politique.
De son côté, le
FPÖ existe toujours. Il est surtout implanté à Vienne, où son jeune leader
Heinz-Christian Strache, n'hésite pas à faire campagne en chanson:
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L'Union démocratique du Centre (Suisse): libéral sur le plan économique, cette formation s'est fait connaître
dans toute l'Europe par l'organisation de
votations populaires en particulier celle
qui a permis l'interdiction de la construction de minarets dans tout le pays.
En 2007, son
affiche électorale représentant des moutons blancs rejetant un mouton noir
hors de Suisse avec pour slogan «Pour plus de sécurité» avait déjà fait
scandale.
Son succès ne
faiblit pas: il est le premier parti au Conseil national avec 58 des 200
sièges. 2011 sera une année test puisque des
élections générales doivent avoir lieu. Tout comme le Front national de Marine
Le Pen, la force de ce parti réside dans les distances prises avec l'extrême
droite traditionnelle, lui préférant un conservatisme populiste.
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Les étoiles
montantes
Les Démocrates Suédois (Suède): nouveauté de l'année 2010. Alors que la Suède faisait figure de pays
tolérant et ouvert et chose unique pour la Scandinavie, sans extrême droite
siégeant à son Parlement, les Démocrates suédois ont fait leur entrée dans l'hémicycle
à l'occasion des élections législatives de septembre 2010. Avec 5,7%, ils ont
décroché 20 sièges.
Leur rhétorique
se veut très prudente, dans un pays marqué par 50 ans de social-démocratie.
Leur clip de
campagne, imaginant une course à l'argent de l'État entre une retraité et des
femmes en burqa avait fait scandale:
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L'Ataka (Bulgarie): dans un pays avec une minorité turque représentant 12% de la
population, le bouc émissaire est tout trouvé pour l'Ataka, le parti d'extrême
droite bulgare le plus populaire. Créé en 2005, il a fait son entrée au
Parlement la même année avec 9% des voix.
Le
programme du parti est clair: il ne doit avoir que des Bulgares en Bulgarie
(reconnaissance d'aucune minorité et d'aucune autre langue) et leur slogan
ressemble à celui d'un parti français: la Bulgarie aux Bulgares. D'ailleurs, Jean-Marie Le Pen s'était
déplacé à Sofia en 2007 pour soutenir la première campagne municipale de
l'Ataka.
Particularité
d'un pays qui a vécu 50 ans de communisme: l'Ataka voudrait revenir sur
certaines privatisations d'entreprises.
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Jobbik (Hongrie): Le
«mouvement pour une meilleure Hongrie» a connu un succès grandissant depuis sa
création en 2003. Aux dernières élections législatives, il a recueilli 16,6%
des voix soit 47 sièges sur les 386 que compte l'Assemblée nationale hongroise.
Ses idées sont
marquées par la nostalgie de la Grande Hongrie, d'avant la Première Guerre
Mondiale, incorporant les territoires roumains, slovaques et balkaniques où
vivent des minorités hongroises. Le parti dispose même d'une «Garde Hongroise», à l'uniforme noir et
défilant aux couleurs de la Hongrie Impériale.
Son développement
politique est entravé par le parti conservateur Fidesz ?
actuellement au pouvoir ? qui n'hésite pas à reprendre ses thèmes pour
siphonner ses voix.
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Le Parti des Vrais Finlandais (Finlande): ultra-nationalistes
et anti-immigrés, les «vrais finlandais» sont sur le point de réussir le pari
de s'imposer dans la vie politique du pays.
Des élections
législatives sont prévues le 17 avril prochain. D'ores et déjà, les deux partis
actuellement au pouvoir (Parti du Centre
et Parti
de la Coalition nationale) ont annoncé qu'ils seraient prêts à s'allier
avec ces nouveaux venus, crédités jusqu'à 18% des voix par les sondages.
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A surveiller
Le Parti National Slovène (Slovénie): présent
depuis 20ans sur la scène politique slovène, le parti n'a jamais atteint les
sommets mais se maintient toujours à l'Assemblée nationale, avec actuellement 5
élus sur 90.
Particularité: un
des symboles de l'organisation est une vieille carte de la « Slovénie
Unie », territoire censé regrouper tous les locuteurs de langue
slovène en empiétant largement sur les frontières croates, italiennes et
autrichiennes.
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Le Parti national-démocrate d'Allemagne (Allemagne): dans un pays longtemps
vacciné contre l'extrême droite, le NPD sait exploiter les déçus de la
réunification. C'est dans les anciens Lands d'Allemagne de l'Est qu'il obtient
ses meilleurs scores.
En 2004, il
rentre au Parlement régional de Saxe avec 9% des voix. Il sera de même en 2006
en Mecklembourg-Poméranie-Occidentale. Son leader, Udo
Voigt n'hésite à minimiser les morts de la Shoah et qualifié l'holocauste de
« grand crime présumé ». Autre crédo: la restitution des
territoires de l'Est, perdus à la fin de la Seconde Guerre Mondiale au profit
de la Pologne (Silésie, Gdansk) ou de la Russie (Kaliningrad).
Étroitement
surveillée par la police allemande, l'organisation fait parler d'elle tous les
ans lors de sa
traditionnelle commémoration du bombardement de Dresde par les Alliés en 1945.
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Le Parti National Slovaque (Slovaquie): entre
2006 et 2010, l'extrême droite slovaque était membre de la coalition au pouvoir
à Bratislava pourtant dirigée par les... sociaux-démocrates. Ces derniers
furent alors exclus du groupe socialiste du Parlement européen avant d'être
réintégrés en 2008 alors que rien n'avait changé.
Les thèses du
Parti National Slovaque sont pourtant très claires: ouvertement nationaliste,
il attaque régulièrement les minorités roms et hongroises du pays. Ján Slota,
le leader a ainsi déclaré en 2006 que les Hongrois devaient tous être
« renvoyés à Budapest » alors que « les Roms n'existent pas, ce
ne sont que des gitans qui volent, dévalisent et pillent ».
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L'alerte populaire orthodoxe (Grèce): dans un pays durement touché par la crise
économique, l'extrême droite progresse doucement. Entre 2004 et 2009, l'alerte
populaire orthodoxe (LAOS) est passée de 2,2% des voix à 5,63%, lui permettant
de rentrer au Parlement avec 13 députés. Aux dernières élections régionales,
son score s'est légèrement réduit à 4%.
L'arrêt de l'immigration
est une de leur priorité et ainsi que le refus de l'entrée de la Turquie dans
l'Union européenne. Problématique très grecque: le LAOS est aussi contre la
reconnaissance de la Macédoine sous son nom actuel, appellation qu'il considère
comme faisant partie du patrimoine et de
l'histoire grecque.
Les tensions
sociales actuelles, découlant des plans d'austérité, pourraient le renforcer
dans les années à venir. La Grèce a vécu jusqu'en 1974 sous une dictature
militaire du même type que l'Espagne de Franco ou le Portugal de Salazar.
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Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni (Royaume-Uni): son plus grand adversaire est le système
électoral national qui favorise les grandes formations. Seulement 2 élus à la
Chambre des Lords (sur 650) alors que les élections européennes de 2009 (à la
proportionnelle) lui ont permis d'obtenir 12 députés sur les 72 britanniques.
Son principal
cheval de bataille: faire sortir leur pays de l'Union européenne pour restaurer
la souveraineté nationale du Royaume-Uni. L'un de ses leaders, Nigel Farage,
est connu pour ses discours enflammés au sein du Parlement européen, en
particulier lorsqu'il s'agit de qualifier le Président du Conseil européen de
personnage au « charisme
d'une serpillère humide ».
Les
insignifiants (pour le moment)
Ils existent mais
ils ne percent pas. Ils n'arrivent pas à séduire les électeurs. Soit en raison
de la présence d'un parti conservateur encore puissant (Samoobrona en Pologne), soit en raison d'un système électoral
leur bloquant l'entrée du Parlement (Parti National Britannique).
Le Parti National Britannique (Royaume-Uni) / Parti de la solidarité chrétienne (Irlande) / Parti national rénovateur (Portugal) / Démocratie
Nationale (Espagne) / Le Front National (Belgique) / Le Parti de la Grande
Roumanie (Roumanie) / Samoobrona (Pologne) / Parti national
(République tchèque).
L'OVNI
Dernière
catégorie que nous nommerons « Objet
de Vote Non Identifié » et qui ne regroupe qu'une formation politique.
Souvent classé d'extrême droite, ce parti ne l'est pourtant pas. Son discours
est avant tout populiste.
Le Parti de la Liberté (Pays-Bas): son
leader est probablement plus connu que sa formation: Geert Wilders, jeune
politicien néerlandais reconnaissable à ses cheveux faussement blonds toujours
parfaitement tirés en arrière.
Ses diatribes se
concentrent surtout envers l'Islam, religion qu'il considère comme insoluble
dans la démocratie et dangereuse pour l'avenir des Pays-Bas. Il n'a pas hésité
à comparer le Coran à Mein Kampf. Il se présente avant tout comme le défenseur
des valeurs européennes et a développé une rhétorique unique. Il n'existe chez
lui aucune revendication passéiste ou territoriale. A l'inverse, il défend des
idées impensables dans un parti comme le Front National ou la Ligue du Nord
comme l'égalité des droits des homosexuels.
Cet étrange mixte
fonctionne. Dans un pays auparavant réputé pour son ouverture d'esprit, le PVV
s'est imposé en quelques années comme la troisième force politique. Aux
dernières élections législatives de 2010, il a raflé 15,4% des voix. Après une
longue négociation, le PVV a accepté de soutenir la coalition libérale au
pouvoir mais... de l'extérieure. Tout comme l'avait fait le Parti du Peuple
Danois au début des années 2000 (voir le paragraphe à leur sujet).
Slate.fr lui
avait déjà consacré un article détaillé : « Geert
Wilders, la nouvelle extrême droite ».
Jean-Sébastien Lefebvre