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Blog : Carnets d'actualité

1. Et si Ségolène avait été élue'

J'ai déjà eu l'occasion de le déplorer : nous autres commentateurs imitons souvent ceux des historiens qui ont la religion du fait accompli. Ceux qui refusent la contingence en histoire, c'est-à-dire ceux qui pensent que ce qui arrive ne pouvait pas ne pas arriver. Ainsi Nicolas Sarkozy ne pouvait pas ne pas vaincre et Ségolène Royal ne pouvait rien faire d'autre que perdre. J'ai fait cette remarque un jour à propos de Raymond Aron qui se voulait le théoricien de « la pluralité des causes en Histoire » mais qui, s'agissant de la guerre d'Algérie, ne discernait qu'une seule cause et dont il parlait en termes de nécessité.
Parmi toutes les raisons que l'on donne de la victoire - en effet méritée - du nouveau président de la République, il y aurait le fait que l'état de grâce qu'on lui reconnaît aujourd'hui serait supérieur à tous ceux que les autres présidents ont connu depuis De Gaulle. Quelques esprits sérieux en arrivent même à oublier ce que la victoire, par sa seule conquête, ajoute à l'état de grâce. Pour laïques que nous soyons devenus, nous pensons - en tout cas nous vivons - la victoire comme une prédestination. Elle a été sans doute aidée par la valeur, le mérite et la chance mais il y a quelque part ailleurs une force qui l'a voulue et décidée. C'est ainsi depuis l'Antiquité.
Dans la Bible, le dieu des Armées conduisait à la victoire, les Croisés estimaient que Dieu était constamment à leurs côtés et quand on disait de l'émir Abd El Kader qu'il avait la « baraka », cela signifiait qu'il était protégé par Allah. On peut dire que la popularité du roi Hassan II au Maroc et du roi Hussein de Jordanie est largement imputable au sort qui les a protégés de manière quasi miraculeuse de tous les attentats. Je sais bien que De Gaulle, échappant à l'attentat du Petit Clamart, s'est contenté d'observer que ces gens-là « n'étaient décidément pas de bons tireurs » mais je n'arrive pas à penser que cet homme qui se croyait depuis l'enfance chargé d'une mission ne s'est pas dit qu'une force divine l'avait protégé.
On oublie aussi le fait que quand la victoire arrive, tout le monde s'incline et presque tout le monde se rallie. Imaginons - c'est assez divertissant de le faire - que par miracle les 17 millions de voix qui se sont tout de même portées sur Ségolène aient été augmentées de 2 millions et qu'elle soit devenue présidente. Elle aurait eu près d'elle, aussitôt, Bernard Kouchner, Martin Hirsch, François Bayrou, les éminents signataires du manifeste des « Gracques », les disciples de Delors et de Rocard. On aurait oublié ses insuffisances en politique internationale ; on aurait applaudi ses dons de prédicateur évangélique ; à l'étranger, on aurait salué comme un événement prodigieux que la France fût gouvernée par une femme. Et elle-même, Ségolène, se serait évidemment transformée en réformatrice du Parti socialiste puisqu'elle aurait eu toute latitude d'écarter les vieux éléphants de l'appareil qui l'avaient combattue.
On imagine alors facilement les savants commentaires que des politologues auraient faits sur les raisons de l'échec de Sarkozy : trop agité, le jeune homme ! trop imprévisible, trop compromis par son passé avec Chirac, trop enclin à promettre à tout le monde tout et n'importe quoi avec un volontarisme qui dissimule la démagogie et masque l'impuissance.
Tout cela non pas pour bouder les vertus de notre président, le dynamisme avec lequel il entraîne, sa connaissance méticuleuse des dossiers qu'il défend et l'image de redressement qu'il procure à la France en Europe et dans le monde, mais simplement pour relativiser l'importance des agenouillements, courbettes et autres révérences. D'autant que, pour le moment, l'état de grâce ne concerne que des attitudes, des gestes et des propos mais pas encore le moindre succès sur une question quelconque.

2. Notre ami Victor Cygielman
Il était on ne peut plus juif et on ne peut plus israélien. Juif à l'ancienne, si l'on peut dire, car la souffrance lui était familière et qu'il mettait beaucoup d'humour à l'apprivoiser. Israélien des tout premiers rêves, car il ne se résignait pas à l'hostilité des Palestiniens avant 1967 ni au sort qui leur était fait après 1967. Il ne pouvait vivre sans le dialogue avec les voisins arabes, et il avait fondé avec eux une revue, « Palestine Israël », qui n'a jamais cessé de paraître en pleine Intifada. Il avait eu le destin riche, passionné, aventureux de tous ces juifs polyglottes, multiculturels, qui ont triomphé, sans cesse miraculés, de toutes les malédictions, et dont les récits illuminent les grands romans de Saul Below, Philip Roth, Vassili Grossman. Et comme Israélien, il s'était inscrit tout naturellement dans une lignée où se trouvait Amos Oz, David Schulman et tous ceux pour qui, selon le mot de Buber, Israël ne trouve sa légitimité que reconnu par les Palestiniens et les Arabes. Il pratiquait son métier, le nôtre, avec une rigueur qui nous saisissait chaque fois d'admiration. Lorsqu'il a eu le Prix Hachette, Giesbert a trouvé les mots pour exprimer ce que cet irremplaçable ami inspirait. Le jour où Rabin fut assassiné, il nous a demandé de relire ses trois derniers articles : tout y était. Il avait tout prévu. Le groupe extrémiste et violent de ces juifs new-yorkais ultra-orthodoxes qui, depuis Oslo, s'était promis de punir l'apostat qui avait conclu une paix en rétrocédant le Sinaï était décrit, dénoncé. Victor en était malade à l'avance. Il ne devait pas se consoler de ce coup barbare porté par un juif contre le meilleur des enfants d'Israël. Adieu mon si cher Victor. Tu laisses un exemple et un message, toi le plus modeste et le plus effacé des témoins du tragique de notre génération.

3. Les guerres en Algérie et la France
Plusieurs amis et de nombreux correspondants m'ont fait part des observations que leur inspirait l'article que j'ai rapporté d'Algérie et qui sera publié dans le numéro du « Nouvel Observateur » qui est en vente jeudi 31 mai. Je comprends très bien que l'interprétation de certains faits observés sur place, à Alger et à Oran notamment, puisse susciter des réactions conflictuelles.
Par exemple, est-il vrai que le peuple algérien, contrairement à ses dirigeants, se souvient davantage de la guerre civile des années 90 que de la guerre avec la France de 1954 à 1962 ? Je ne peux répondre qu'une seule chose, à savoir que cela me paraît indiscutable. Cela ne signifie pas, évidemment, que nous autres Français devons nous servir de la guerre civile de 1990 (en effet particulièrement atroce) pour faire oublier les horreurs de la répression des forces armées française qui ont utilisé pendant l'année 1957 la torture et les bombardements.
Mais voilà, il y a un problème de culpabilité qui, lui, est français et même, si l'on veut, franco-français. La France doit évidemment regarder son passé en face sans complaisance ni masochisme. Savoir si le colonialisme français en Algérie a été non pas plus « positif » que les autres mais plus différent. En tout cas, c'est une question à part.
Car d'un autre côté, il faut laisser libres les Algériens de réagir comme ils le sentent et comme ils le veulent. Il se trouve que les deux tiers de la population algérienne ont moins de 30 ans et la moitié moins de 25 ans. Ils n'ont pas vécu ni l'humiliation de l'occupation coloniale ni les rêves de l'insurrection ni les horreurs de la répression. La décolonisation s'est traduite par un échec relatif sur le plan de l'avenir que peut espérer un jeune Algérien.
C'est pourquoi d'ailleurs, si l'on ouvrait les frontières, le nombre des jeunes Algériens qui arriveraient en France serait absolument considérable. Et cela malgré tout ce qu'ils apprennent sur les émeutes de banlieues et sur la discrimination. La France demeure à leurs yeux un havre d'autant plus attirant qu'il est déjà composé d'un million d'Algériens. C'est-à-dire ? et c'est très important ? qu'il y a plus d'Algériens en France aujourd'hui qu'il n'y avait de Français en Algérie à l'époque de la colonisation !
Mais de plus, on ne se souvient pas assez en France que la guerre civile provoquée par le FIS (Front Islamique du Salut), qui a rassemblé les terroristes islamistes, a fait près de 200.000 morts. C'est un chiffre qui n'est pas loin de celui des victimes de la première guerre d'Algérie. Le fanatisme et la barbarie avec lesquels les islamistes du FIS ont semé une terreur effroyable parmi les populations civiles d'Algérie est une chose que personne ne peut oublier. La politique de « réconciliation nationale » qui a conduit à une paix relative est le fruit non pas d'une aspiration idéaliste mais d'une résignation accablée. Les derniers attentats qui ont eu lieu à Constantine la veille des élections législatives algériennes ont été perpétrés par des terroristes faussement repentis et imprudemment libérés.
Dans ces conditions, on peut très bien comprendre que, privés d'avenir et de travail, et meurtris par les souvenirs de la guerre civile, nombre d'Algériens veuillent résider en France par laquelle leurs aïeux avaient été colonisés. Mais pour évoquer un paradoxe qui n'est pas sans signification, certains en arrivent à redouter que les jeunes immigrés qui sont abandonnés en France soient davantage susceptibles d'être récupérés par les islamistes qu'ils ne pourraient l'être en Algérie.
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 37 minutes