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Blog : Torah-Box

Régine Gartelot, enfant cachée de la Shoah, est devenue Rivka Avi'haïl

Cachée chez deux familles différentes au cours de la période 1942-1945, Rivka Avi’haïl – ou Régine Gartelot – a miraculeusement survécu aux rafles nazies, ainsi que ses parents et frères et sœurs. Montée en Israël en 1955, elle a fondé une association qui porte la voix frêle des enfants cachés. Elle partage avec Torah-Box son histoire empreinte d’une Émouna hors du commun.

Le nom que je porte aujourd’hui, Rivka Avi’haïl, reflète ce que je peux enfin être : une Juive fière de l’être, revenue sur sa patrie et celle de ses ancêtres.

Mais je ne me suis pas toujours appelée ainsi. Je suis née le 2 août 1932 à Paris sous le nom de Régine Gartenlaub, le nom de mon père qui était originaire de Bucovine et qui avait fui la région à cause des persécutions antijuives. Celui qui était connu comme le meilleur horloger de Paris avait connu à Paris ma mère et ensemble, ils avaient fondé une belle famille composée de mon grand frère Georges, ma grande sœur Odette et ma jeune sœur Dina. Ils tenaient également une bijouterie près des Galeries Lafayette.

Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours su que nous étions juifs et que cette réalité faisait de nous des persécutés. Mon père, qui était pratiquant, nous amenait régulièrement à la synagogue, où nous apprenions les prières, sans en comprendre le sens littéral. Mais l’âme, sans conteste, comprenait. Le Chéma’ Israël par exemple, ne m’a jamais quittée durant toute la guerre, je le murmurais à chaque fois qu’un danger pointait ou que je souhaitais me connecter à D.ieu.

Trois miracles majeurs ont jalonné mon parcours. C’est l’histoire que j’aimerais partager avec vous.

Eté 1942 : Le miracle de la rafle

L’étau s’était resserré autour des Juifs, de nouvelles lois antijuives de plus en plus restrictives étaient promulguées chaque jour. C’est ainsi que mes parents avaient été contraints de quitter leur appartement et de trouver un autre logement. La guerre battait son plein, les rafles étaient incessantes et le danger à chaque coin de rue. Surtout la nôtre, rue Meslay, qui abritait un petit hôtel où logeaient des soldats allemands. Si certains persistaient à croire que les raflés étaient simplement déplacés, pour notre part, nous étions parfaitement lucides et savions que l’arrestation équivalait à une mort certaine. Pour nous protéger, mon père francisa notre nom de famille en Gartelot et nous procura de faux papiers.

Un jour, alors que l’aube n’avait pas encore pointé, nous entendîmes des bruits de bottes dans notre rue. Un regard furtif au-dehors nous renseigna : des SS passaient d’immeuble en immeuble, d’étage en étage, à la recherche de Juifs. Hélas, nous vîmes descendre au bas de chaque immeuble une famille juive réunie, encore en proie au sommeil et à l’effroi. La troupe malfaisante approchait de notre immeuble, nous sentions notre fin proche… Pourtant, rien ne se passa. La brigade sauta notre immeuble et passa au suivant ! À la rentrée suivante, en septembre 1942, je n’étais plus que la seule petite fille juive de l’école : toutes les autres avaient été déportées.

Ce n’est que plus tard que ma mère comprit l’ampleur du miracle qui avait eu lieu : quelques jours avant cette rafle, un officier nazi était entré dans la loge de la concierge pour lui demander s’il subsistait encore des Juifs dans l’immeuble. Par un effet de la Providence, ma mère se trouvait précisément à ce moment derrière la porte de la concierge pour récupérer du courrier. Elle fit à cette dernière un signe discret et la concierge, qui savait que nous étions juifs, répondit à l’officier par la négative : "Non, il n’y a plus de Juifs". Et c’est ainsi que nous fûmes sauvés. C’est mon premier miracle.

15 avril 1944 : Le miracle du train

Ma sœur Odette, qui avait dû quitter le Conservatoire parce que juive en dépit de son indéniable talent, travaillait alors comme assistante sociale au sein d’une association juive de Paris.

Un jour d’été 1942, elle rentra en pleurs à la maison, racontant que les Allemands planifiaient une grande rafle pour la nuit. Mes parents prirent peur pour nous, les petites. Ils préparèrent quelques effets dans un sac et Odette nous conduisit, Dina et moi, chez l’une de ses professeures particulières, Mme Cheverry. Mme Cheverry – qui fut plus tard reconnue comme Juste parmi les Nations – nous accueillit quelques jours chez elle, le temps pour Odette de nous trouver une cachette plus sûre.

Nous fûmes ensuite envoyées dans une ferme chez un couple de paysans qui accepta, moyennant paiement, de nous cacher. Nous y vécûmes avec ma petite sœur une période épouvantable, où travail, insultes, coups, humiliations, manque d’hygiène et menaces furent notre lot quotidien. Je trouvais chaque soir avant de m’endormir refuge dans la prière. Après avoir récité le Chéma’ Israël, je suppliais D.ieu dans mes mots d’enfants de prendre soin de ma famille et de nous…

Mme Cheverry proposa alors à mes parents de nous cacher chez un autre couple de sa connaissance. Elie et Annette Cherrier vivaient à Charolles dans le sud de la France. Ils étaient agriculteurs, très sympathiques, n’avaient pas d’enfants et étaient ravis à l’idée de nous héberger.

Mme Cheverry accepta, en dépit du danger, de nous conduire à Charolles en train. Nos cartes falsifiées étaient risibles ; tout contrôle, elle le savait, se solderait par une arrestation. Là encore, je trouvai refuge dans la prière. Je priai tout le long du chemin, tout en dissimulant mon visage – j’étais typée – derrière la poupée que ma mère m’avait achetée à cet effet. Pourtant, au Chalon-sur-Saône, ce que nous craignions tant arriva : un officier allemand exigea nos papiers. J’étais livide et pétrifiée. Le soldat s’attarda sur ma carte d’identité, qu’il examina longuement, fixant en alternance mon visage et celui de la photo… Au bout de quelques instants qui me parurent interminables, il finit par me restituer la carte avant de poursuivre son chemin. Ce fut là, le second miracle !

Des années plus tard, Mme Cheverry me confiera : "Cet Allemand savait pertinemment que tes papiers étaient faux et que tu étais juive. Sache que depuis ce jour, je prie pour son âme car il nous a donné la vie en cadeau."

Nous vécûmes un an chez les Cherrier. "Tonton et Tata" nous choyèrent et nous protégèrent, malgré la peur de l’arrestation et du sort de ma famille restée à Paris qui ne me quittait pas. 

2 août 1955 : Le miracle de la renaissance (le jour de mon anniversaire !)

La guerre qui s’est terminée a laissé une empreinte indélébile sur mon psychisme. Nous apprenons que 6 millions de nos frères et sœurs ont été massacrés par les nazis, dont 1,5 million d’enfants. 1,5 millions d’enfants ! Je me promets qu’une fois adulte, avec l’aide de D.ieu, je me marierai et aurai 6 enfants, 1 pour chaque million. Ce qui arriva en effet. En attendant, je me reconstruis lentement en me plongeant dans mes études de littérature.

En août 1955, nous décidons avec ma sœur Dina de partir visiter Israël pour une dizaine de jours. Les premières visions depuis le quai du paquebot de ce pays que nous ne connaissons pas nous émeuvent aux larmes, sans que nous ne comprenions pourquoi.

Et là, se produit un troisième miracle : dès l’instant où je pose mes pieds sur le sol d’Erets Israël, je sens physiquement des racines les relier à la terre sainte, comme si je vis une seconde naissance. Je regarde Dina à qui je dis sans détour : "Je ne rentrerai pas avec toi en France. Je viens d’arriver à la maison." Et c’est en Erets Israël que j’ai fondé mon foyer, élevé nos 6 enfants, comme une revanche perpétuelle sur les nazis et leurs plans démoniaques.

Propos recueillis par Elyssia Boukobza

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 37 minutes