La vie d'un bout à l'autre
Chaque instant de la vie est essentiel, dense et singulier.
Nous ne pouvons hiérarchiser les instants et privilégier l'un par rapport à l'autre. Cette nécessité de résider dans l'instant est indissociable de notre appréhension de la vie et de la mort.
Dans nos sociétés, des spécialistes, ès qualité, ont pris en charge le deuil et l'accompagnement des endeuillés, se substituant ainsi au clergé et aux proches qui tenaient ce rôle.
Lorsque des médecins, ayant épuisé toutes les richesses de leur savoir, utilisant leur énergie et leur compétence pour sauver un malade, se trouvent obliger d'abaisser le niveau des soins, en particulier pour les cas les plus lourds, les plus douloureux, ils ne font que remettre l'homme face à sa condition d'homme, face à la mort et sa cohorte d'angoisses.
Mais épargner la douleur est un impératif d'humanité. Cette obligation est intrinsèquement liée à l'activité du thérapeute.
La loi, s'inscrivant dans une actualité qui s'impose à tous, oriente la législation vers l'euthanasie active, parfois réclamée, souvent mal conçue. Ce dérapage de fonctionnement ouvre une porte sur des notions que nous avons toujours refusées.
Aider, apaiser, apporter le réconfort et la sérénité à cet autre nous même qui souffre, la chose est évidente. Mais avancer l'heure de la mort, tuer par procuration, par application d'on ne sait quelle règle morale, n'est-ce pas outrepasser des droits ? Le fait de contribuer à abréger la vie ne relève pas simplement de l'erreur mais constitue une faute lourde de conséquences pour l'avenir de notre société.
Il me semble que c'est dans le caractère exceptionnel de chaque acte que l'on gardera notre réflexion humaine. La loi risquerait de « normaliser » ce qui ne peut être.
Les médecins, fidèles à leur serment ont le devoir d'alléger la douleur, en utilisant parfois des doses de médicaments, d'antalgiques, qui peuvent être létales. Ils demeurent au service de la vie, celle qu'ils ont choisi de protéger, de prolonger, sans jamais nuire au malade. Cette perception légalisée de la dignité des hommes ne peut être acceptée.
Joseph SITRUK