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Le Midrach (Bamidbar Raba 16,4) explique le premier verset de la Paracha « Envoie-toi des hommes » et cite un verset de Michlé : « Ce que le vinaigre est pour les dents et la fumée pour les yeux, le paresseux l’est pour ceux qui l’envoient. »[1]

C’est ainsi que le Midrach décrit les dégâts causés par les Méraglim. Le Gaon de Vilna explique que lorsque l’on souhaite stimuler son appétit, on boit quelque chose. En revanche, si par erreur, on boit du vinaigre, cela ne stimule pas du tout l’envie de manger, au contraire, parce que cela endommage les dents. De même, si l’on a besoin de lumière pour lire ou pour toute autre raison, mais que l’on allume du bois humide, la fumée qui se dégagera rendra la lecture, et la vue en générale, encore plus difficile. Le Gaon de Vilna poursuit en précisant qu’un messager paresseux fait le même effet à la personne qui l’envoie. Non seulement il n’accomplit pas sa mission, mais il provoque une déception et une contrariété encore pires que s’il n’avait pas été envoyé en premier lieu. Le Midrach enseigne que les Méraglim sont comparables au messager paresseux, car ils aggravèrent les choses et causèrent une grande contrariété et déception à Moché Rabbénou, qui les avait envoyés en mission.

Les commentaires parlent très durement des explorateurs et tentent d’expliquer pourquoi leur faute fut si grave – ils étaient hautains, recherchaient les honneurs[2], voyaient la Terre Sainte d’un mauvais œil, manquaient de Bita’hon, etc. Par contre, la paresse ne semble pas faire partie des défauts qui provoquèrent leur péché. En effet, selon le Rachbam, ils se portèrent volontaires pour explorer la Terre, malgré le grand nombre d’efforts et de dangers. Ce comportement ne sied pas à une personne paresseuse. Pourquoi, dans ce cas, le Midrach considère-t-il leur attitude comme paresseuse ?

Rav ’Haïm Dov Keller aborde cette question en se basant sur un enseignement de Rav Chnéor Kotler.[3] Un autre verset de Michlé affirme : « Jusqu’à quand, paresseux, resteras-tu couché ? Quand sortiras-tu de ton sommeil ? »[4]

Ce verset fait deux mentions du sommeil. Le Gaon de Vilna explique qu’il fait allusion à deux types de paresse. La première est la nonchalance dans l’action – la volonté de ne pas se dépenser physiquement. Mais il existe un deuxième type de paresse : celle de la pensée. La première partie du verset parle de la paresse physique et la deuxième partie évoque la paresse de pensée. Généralement, par fainéantise, nous pensons à la paresse physique – par exemple, lorsqu’on est trop indolent pour se lever et faire quelque chose. La deuxième forme de paresse (celle de la pensée) est beaucoup plus subtile – il s’agit, entre autres, de l’incapacité à tirer les leçons des événements et l’incapacité à fournir un effort mental pour réfléchir profondément et non superficiellement, ce qui mène souvent à des conclusions incorrectes.

C’est le genre de paresse évoquée par le Midrach pour décrire les Méraglim. Ils n’étaient certainement pas paresseux dans leurs actions, mais dans leurs pensées. Où voit-on cette paresse de pensée ? 

Tout d’abord, les commentateurs citent le premier Rachi dans la Paracha qui traite de la juxtaposition entre l’histoire du Lachon Hara' de Myriam à la fin de Parachat Béaalotékha et l’épisode des explorateurs. Rachi condamne les explorateurs qui n’apprirent pas du châtiment de Myriam et qui médirent, eux-mêmes, de la Terre.[5] Il existe toutefois des différences entre les deux épisodes (les explorateurs ne parlèrent pas d’une personne, mais de la Terre d’Israël), mais nos Sages critiquent toutefois leur comportement. Ils manifestèrent là une paresse de la pensée, ne fournirent pas l’effort mental nécessaire pour analyser les corrélations de la punition de Myriam.

De plus, ils considéraient les choses qu’ils voyaient dans le pays de manière superficielle. Par exemple, ils se plaignirent du fait qu’Erets Israël fût « une terre qui consume ses habitants ».[6] Comment sont-ils arrivés à cette conclusion ? Rachi explique qu’à leur arrivée dans le pays, tout le monde participait à des funérailles. Ils en déduisirent immédiatement qu’il était très dangereux de vivre sur cette Terre. S’ils avaient pris le temps de réfléchir à la situation, ils auraient peut-être envisagé une autre option – Hachem avait causé la mort de nombreuses personnes afin que les habitants soient préoccupés par les enterrements et le deuil et ne remarquent pas les explorateurs dans leur pays. Telle était la véritable raison de ces décès. Cependant, pour s’en rendre compte, il aurait fallu consacrer plus d’efforts de réflexion, à un niveau plus profond. Mais les explorateurs étaient trop paresseux pour le faire.[7]

Ainsi, parmi les défauts des Méraglim, on trouve la paresse de pensée. Cette leçon est très pertinente dans notre quotidien. Elle nous rappelle l’importance de bien réfléchir aux événements environnants, d’en tirer des leçons appropriées et de les appliquer à notre vie. Puissions-nous tous mériter d’éviter les échecs des Méraglim.

[1] Michlé 10,26.

[2] D’après le Zohar, ils ne voulaient pas entrer en Erets Israël, par peur de perdre leur statut de Nassi.

[3] Cité par Rav Issakhar Frand.

[4] Michlé 6,9.

[5] Rachi, Bamidbar 13,2.

[6] Chéla’h Lékha 13,32.

[7] Cela ne veut pas dire qu’il n’y avait pas d’autres causes à leurs interprétations négatives de la terre, par exemple leurs raisons personnelles de ne pas vouloir entrer dans la terre. Néanmoins, il est évident, d’après la description de leur paresse par ’Hazal, que cette dernière fut également un facteur.