Blog : Torah-Box

« Ils s’assemblèrent contre Moché et Aharon, et leur dirent : "C’est trop pour vous, car toute la communauté est sainte et Hachem est en eux. Alors pourquoi vous élevez-vous au-dessus de l’assemblée d’Hachem ?!" » (Bamidbar 16,3)

Au début de la Paracha, Kora'h, cherchant à usurper le pouvoir de Moché et d’Aharon, présente un argument astucieux : « Chaque Juif est saint, chaque Juif a un lien étroit avec Hachem, alors pourquoi vous élevez-vous au-dessus de tous les Bné Israël ? » Avec cet argument, Kora'h fut peut-être le premier d’une longue liste de personnes à adopter la vision égalitaire – à savoir que tout le monde est au même niveau et devrait être traité de manière égale.[1] 

Comme c’est souvent le cas dans les fausses idéologies, il y a une part de vérité dans les paroles de Kora'h – certes, chaque Juif est saint et a un lien unique avec Hachem.  Cependant, le Béer Moché[2] décrit sans ambages les conséquences désastreuses de cette approche. 

Il cite une Guémara affirmant que Jérusalem fut détruite uniquement parce que les Juifs assimilèrent le Katan (petit) au Gadol (grand).[3] La Guémara le prouve grâce au verset : « Le peuple sera comme le Cohen... »,[4] ce qui signifie que les non Kohanim voudront être comme les Kohanim. Pourquoi le fait d’assimiler le petit au grand était-il une faute tellement grave, au point qu’elle provoqua la destruction du Beth Hamikdach ?

En outre, le Béer Moché souligne que cette déclaration talmudique semble contredire une autre phrase affirmant que le deuxième Beth Hamikdach fut détruit à cause de la haine gratuite[5]. Quelle était donc la véritable cause du ’Hourban ? Qui plus est, si l’attitude dominante, au sein du peuple, était que tout le monde fût égal, comment expliquer que les Juifs aient eu du ressentiment et développèrent de la haine gratuite ?

Le Béer Moché explique la conception erronée de nombreuses personnes, selon laquelle si tout le monde est pareil, il n’y aura pas de haine gratuite. C’est exactement le contraire qui se vérifie : lorsque l’état d’esprit général veut que tout le monde soit égal et identique, c’est là que naît la haine gratuite. Parce que si nous sommes égaux, alors pourquoi untel serait-il au-dessus de moi, pourquoi telle personne recevrait-elle plus de Kavod que moi, pourquoi cette famille bénéficierait-elle de plus de privilèges que moi ? Pourquoi seriez-vous le patron, le Rav, etc. ? Je suis aussi bien que vous...

Rav Issakhar Frand explique que la haine gratuite et l’égalitarisme sont les deux facettes d’une même médaille. Prenons l’exemple du corps humain. Chaque partie du corps est importante. Mais toutes les parties du corps ne sont pas identiques. Si l’on avait le choix entre perdre un petit doigt et perdre son cœur, que choisirait-on ? L’auriculaire, l’index et même la jambe ne sont pas des membres vitaux, tandis que l’on ne peut pas survivre sans cœur ou sans cerveau. Nous sommes tous un seul corps et toutes les parties du corps travaillent avec un même objectif : garder la personne en vie. Mais il y a des différences, il y a une hiérarchie, il y a un ordre d’importance.

Cela ne veut pas dire que le petit doigt n’a pas d’importance. Au contraire, il a son rôle et il peut exploiter son potentiel, pour ainsi dire, en remplissant pleinement ce rôle.

Il en va de même pour le peuple juif. Le succès même du Klal Israël est basé sur les différents rôles remplis par différentes personnes. Tout le monde n’est pas censé être le leader, tout le monde ne peut pas être un Cohen, et tout le monde ne mérite pas d’être un Talmid ’Hakham. À l’époque de la destruction du Beth Hamikdach, les gens n’acceptaient pas ce fait, ce qui les conduisit à la jalousie et finalement à la haine gratuite. C’est exactement ce qui se produisit dans l’histoire de Kora'h. Son argument, selon lequel tout le monde était saint, fut la cause directe des terribles discordes qui causèrent tant de mal au peuple juif à cette époque.

Cette attitude continue de causer du tort au peuple juif – lorsque les gens n’acceptent pas leur statut, ils risquent de devenir jaloux et rancuniers, ce qui les conduira à la haine et aux disputes. En revanche, lorsqu’ils sont prêts à accepter l’idée qu’il y ait des leaders et des disciples, des personnes censées prendre les décisions et d’autres personnes censées accepter les décisions, la société peut fonctionner correctement.

Cela ne signifie pas que chaque personne ne peut pas aspirer à la grandeur, mais simplement que la grandeur de chacun ne dépend que de son libre arbitre, et non de l’honneur, du respect ou du pouvoir qu’il reçoit des autres.

Puissions-nous tous mériter d’exploiter et de réaliser notre potentiel, sans nous soucier de la position d’autrui.

[1] Bien évidemment, en vérité, Kora'h ne croyait pas du tout à l’égalitarisme, il voulait plutôt être lui-même le leader, et l’argument de l’égalité n’était qu’un prétexte pour attaquer Moché et Aharon.

[2] Cité par Rav Issakhar Frand.

[3] Chabbath, 119b. La Guémara apporte un certain nombre de causes du ’Hourban, mais nous nous concentrerons uniquement sur celle-ci.

[4] Yéchaya 24,2.

[5] Yoma 9b.