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Blog : Torah-Box

Quand fauter devient un acte de foi ?

S’il est un domaine où l’on s’attendrait à une rigueur absolue, c’est bien celui de la morale religieuse. L’interdit est interdit, la faute est la faute, point à la ligne. Pourtant, à y regarder de plus près, nos Sages ont légué à la tradition juive une série de cas où l’on pourrait être amené à se demander : et si, dans certaines circonstances, fauter devenait un acte de sainteté ? Si l’acte prohibé pouvait, dans une logique radicale, devenir le vecteur d’une volonté divine supérieure ?

Osons franchir les frontières du convenable, là où la faute elle-même devient parfois le langage muet du service divin.

La faute pour sanctifier le Nom divin : Esther et Yaël

Le Talmud[1] affirme : "Guédola ‘Avera Lichma Mi Mitsva Chélo Lichma" — Une faute accomplie pour le Ciel est plus grande qu’une Mitsva sans intention pure. L’exemple donné est celui de Tamar, mais d’autres cas illustres le dépassent même en portée nationale.

Prenons Esther. Si elle se donne à un roi païen, ce n’est pas par coquetterie. Le Midrach nous enseigne qu’à partir de sa deuxième visite volontaire chez A’hachvéroch[2], elle devient interdite à Mordékhaï selon la Halakha. Et pourtant, toute la tradition voit son acte comme héroïque. Pourquoi ? Parce qu’il y avait là une question de vie ou de mort pour le peuple juif. L’enjeu dépassait sa personne : il s’agissait d’éviter l’extermination. Selon certaines interprétations rapportées au nom du ‘Hazon Ich (bien que difficile à sourcer directement), l’acte d’Esther est justifié par le fait qu’un ‘Hilloul Hachem (profanation du Nom divin) planait sur la disparition potentielle d’Israël. Le salut d’Israël justifie donc ici un manquement halakhique.

Même logique pour Yaël, la femme de ‘Hever le Kéni. Elle séduit Sissra pour pouvoir le tuer dans son sommeil[3]. Le Talmud en fait un éloge : "Tévorakh Minashim Yaël" — bénie soit Yaël parmi les femmes. Là encore, une femme commet un acte répréhensible… mais pour sauver la nation.

La faute apparente : Maharal et les intentions pures

Le Maharal[4], souligne qu’il faut distinguer entre l’action et l’intention. Selon lui, même si une action ressemble à une faute — "????? ?????? ????? ???" — elle peut en réalité être le fruit d’une volonté divine si elle est animée d’une intention pure.

Exemple : le Bitoul Torah. A priori, négligence. Pourtant, si quelqu’un interrompt son étude pour se régénérer ou encore pour écouter un ami en détresse, cela ressemble à un manquement mais peut être, selon le Maharal, un service plus profond encore. L’acte extérieur ne dit pas tout. C’est l’intériorité qui donne la mesure réelle. Il faut cependant être honnête avec soi-même sur la motivation réelle qui justifie cette interruption.

Sanctifier l’ordinaire : "Békhol Dérakhékha Daéhou"

Les proverbes[5] nous enjoignent : "Békhol Dérakhékha Daéhou" — “Dans toutes tes voies, connais-Le. Le Talmud”[6] commente avec audace : "Afilu Lé Davar ‘Avéra" — même dans une faute.

Rachi explique que même lorsqu’un homme faute, s’il garde la conscience divine, il ne s’éloigne pas fondamentalement. Cette lecture, renforcée par des penseurs comme le Ramhal[7], élargit la notion de service divin : non plus cantonné aux commandements, mais présent aussi dans les recoins banals, profanes… voire tordus.

C’est dans cet esprit que certains voient dans la fondation de l’État d’Israël — bien qu’imparfait, non exempt de fautes et de manquements halakhiques — un acte de grandeur. Car il visait, au moins pour certains, à éviter que le Nom de D.ieu ne soit profané par une absence du peuple juif sur sa terre. Rav Kook [8]écrit que certaines fautes, faites dans une soif de lumière, conduisent à une Téchouva supérieure :  “Yéchnan ‘Avérot Chémadrikhot Ete Hanéchama Légavéhem ‘Hadachim”                                                                

De l’homogène au singulier : intention, autonomie, et libre arbitre

Dans ce paysage, où l’intention redevient centrale, s’effondre un certain moralisme religieux obsédé par la forme. On retrouve ici la critique du Gaon de Vilna[9] :

"Il ne sert à rien de juger son prochain, car ce qui est permis pour l’un peut être interdit pour l’autre, selon la racine de son âme."

Le service divin n’est pas uniforme. Il est profondément personnel. À chacun son penchant, à chacun son chemin.

Et si la Torah nous ordonne d’aimer D.ieu "Békol Lévavkha" — avec tous tes cœurs[10], nos Sages expliquent : avec les deux penchants, bon et mauvais[11]. Le mauvais penchant n’est pas à détruire : il est à domestiquer. Il est le cheval qu’on bride pour monter vers les cieux.

Le service de D.ieu ne se joue donc pas dans le copier-coller collectif mais dans le récit personnel : un homme, son vécu, ses fautes, ses combats, et sa volonté de les tourner vers la lumière. Le modèle homogénéisant s’écroule : D.ieu ne cherche pas des clones, mais des âmes.

Conclusion : Fauter pour D.ieu ? Ou servir D.ieu par tout ?

Il ne s’agit évidemment pas ici d’un plaidoyer pour la licence morale. Les fautes restent des fautes. Mais il serait malhonnête d’ignorer la complexité spirituelle que les textes eux-mêmes reconnaissent. La Torah n’est pas une comptabilité binaire des actes, elle est une orchestration de la conscience.

Entre la faute justifiée (Esther, Yaël), la faute apparente (Maharal), l’acte profane sanctifié (Les proverbes du roi Salomon), et le service personnel (Gaon de Vilna), se dessine une carte du service divin plus vaste, plus libre, plus authentique.

Alors oui, parfois, fauter peut devenir un acte de foi. À condition que le cœur sache vers Qui il se tourne. Encore faut-il être au niveau…

 

[1] Nazir 23

[2] Méguila 15

[3] Choftim 4–5

[4] Nétivot ‘Olam, Netiv Ha’avoda, chap. 20,

[5] 3:6

[6] Bérakhot 63

[7] Messilat Yécharim, chap. 19

[8] Orot Hatéchouva, chap. 5

[9] Even Chéléma chap. 1, §11

[10] Dévarim 6:5

[11] Bérakhot 54

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Dernière mise à jour, il y a 60 minutes