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Blog : Torah-BoxAdolescence juive en 2025L'adolescence est un orage discret. Elle se lève sans bruit, dans le silence d'un garçon qui découvre son corps, d'une jeune fille qui sent son regard changer sur elle, dans les yeux qui s'allument sans raison, et les mains qui tremblent sans comprendre. Dans le monde juif orthodoxe, où la pudeur est vertu, l'exigence une habitude, et la volonté de sanctification omniprésente, cette période devient un carrefour à haut risque. Comment concilier un idéal de Kédoucha, de sainteté, avec la tempête hormonale qu'est l'adolescence ? Comment parler d'interdits sans parler d'abord d'être humain ? La Halakha, la loi juive, ne laisse guère de marge : pas de rapports hors mariage[1], pas de masturbation[2], pas de stimulations volontaires, pas de regard déviant[3]. Les versets sont connus, les décisionnaires unanimes. Pourtant, on peine à trouver dans les textes classiques un mode d'emploi destiné à celui qui est au tout début de sa vie d'homme ou de femme. Il est frappant de constater à quel point les discours pratiques font souvent l'économie d'une chose simple : dire que ce qui est ressenti est normal. Qu'un corps adolescent est un corps vivant. Et qu'on ne devient pas pur en se niant, mais en s'élevant à partir de ce que l'on est. Du côté de la science, les choses sont claires. Les neurobiologistes, les psychologues du développement, tous nous disent qu'à l'adolescence, le corps s'emballe bien avant que le cerveau rationnel n'arrive à le modérer. Le cortex préfrontal, si utile pour l'autocontrôle, ne termine sa maturation qu'à 25 ans[4]. En attendant, les jeunes vivent dans un monde d'impulsions, de constructions identitaires, de questionnements. Ce qui était net devient flou et vice-versa, et ce qui était abstrait devient brûlant. Et tout cela arrive dans un monde où l'accès à la sexualité – même déformée, même violente – est à portée d’un clic, dans nos poches ou dans celle du copain… Dans cet univers, les adolescents orthodoxes vivent souvent un double exil. D'un côté, ils ne peuvent pas parler librement de ce qu'ils vivent. De l'autre, ils ne peuvent pas se réfugier pleinement dans le monde extérieur qui leur propose un modèle sans barrières, sans cadre, où le plaisir est roi et la loi invisibilisée. Que leur reste-t-il ? Le silence. La solitude. Et parfois la honte[5]. Pourtant, la Torah reconnaît la force du désir. Le Talmud affirme que sans le penchant sexuel, l'homme ne construirait rien[6],ni femme, ni enfants, ni projets… Le Rav Kook, dans ses écrits lumineux, voit dans l'énergie du corps une matière à sanctifier[7]. Le Maharal souligne que la grandeur de l'âme passe par l'acceptation du rôle du corps[8]. Tout est là, dans notre tradition. Mais encore faut-il avoir le courage d'en parler, et de l'incarner. Cela suppose un changement de posture éducative. Ne plus aborder ces sujets dans le registre exclusif de l'interdit, mais aussi dans celui de la reconnaissance. D'abord écouter. Comprendre. Expliquer que ressentir n'est pas fauter. Que l'excitation n'est pas un péché, mais un point de départ. Accompagner ensuite. Proposer des espaces de parole réguliers, simples, dignes. Introduire, dans les programmes éducatifs, des activités corporelles et expressives : sport, arts, musique, pour canaliser l'énergie et renforcer l'estime de soi. Le sport, par exemple, ne se résume pas à une sortie d'école. Il développe la discipline, la gestion des impulsions, le respect du corps et des autres. Il apprend la défaite, la maîtrise, l'effort. Il peut devenir un terrain de transformation personnelle. Les arts aussi sont un langage. La musique permet d'extraire l'intériorité. Le dessin, la danse, le théâtre : autant de voies pour exprimer ce qui déborde. L'adolescent apprend qu'on peut canaliser ce qui brûle. Qu'on peut transformer le désir en création, le tumulte en expression. Dans cette perspective, il n'est pas toujours nécessaire de réprimander chaque trait de maquillage de sa fille, ni chaque coupe de cheveux de son fils, fût-il élève de Yéchiva. Il y a un temps pour parler, un temps pour se taire, et un temps pour observer avec confiance. Un enfant qui se sent vu, respecté, aimé, n'a pas besoin de se cacher. Et qu'importe le regard des voisins dont les enfants paraissent toujours modèles : les rouages du cœur ne se lisent pas sur le vernis des apparences. Chacun a son histoire, son rythme, son chemin… On ne demande pas à nos enfants d'être des anges. La Torah ne l'exige pas[9]. En revanche, elle appelle à la grandeur humaine. Or, on ne devient pas grand dans la peur et la honte. On devient grand quand on est vu, entendu, et guidé avec amour. Il faut donc cesser de croire que parler de ces sujets, c'est céder au monde moderne. Créer une brèche dans la tradition de nos aïeux. C'est tout le contraire : c'est protéger nos enfants de ses distorsions. Car si nous ne parlons pas, si nous n’aimons pas de façon vivante et inconditionnelle, d'autres le feront à notre place. Et ce ne sera pas toujours TikTok le plus dangereux. Ce sera parfois le silence religieux, celui qui isole et rend la Torah inaccessible. Il y aura toujours des voix pour dire que tout cela est exagéré. Que "dans notre temps", on ne parlait pas de ces choses-là, et que "les jeunes doivent apprendre à se contrôler". Peut-être. Mais la génération actuelle n'est pas celle de 1920. Le désir n'a pas changé certes, mais son exposition, elle, a explosé. Refuser de le voir, c'est fermer les yeux sur une réalité palpable, et parfois douloureuse où aucune couche de la société n’est épargnée et la société orthodoxe n’échappe pas à cette sinistre réalité. La Torah n'est pas effrayée par la vérité. Elle l'accueille. À nous, alors, d'être à sa hauteur. Pour que nos enfants puissent continuer à grandir dans la lumière, même lorsqu'ils traversent l'orage. Rappelons-le : un orage naturel et tout à fait normal.
[1] Dévarim 23:18 [2] Nidda 13b [3] Bamidbar 15:39 [4] Blakemore & Choudhury, 2006 [5] Klettke et al., 2014 [6] Yoma 69b [7] Orot Hakodesh, lumière et sainteté, partie 3 [8] Nétivot 'Olam, Nétiv Hayssour [9] Bérakhot 25b Ajouter votre commentaire !
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