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Blog : Torah-Box

Le smartphone rend libre...

Imaginez l'ange Mikhaël, contemplant la Terre d’un air perplexe :
« Gavriël… je regarde ces humains depuis un moment. On dirait qu’ils tiennent tous une petite fenêtre brillante dans leurs mains, ils la tripotent sans cesse… Qu’est-ce que c’est ? »

L'ange Gavriël, esquissant un sourire malicieux, presque attendri :
« Ah… tu parles de ces rectangles lumineux ? Drôle d’invention... Dedans, ils voient toutes sortes d’histoires minuscules : un homme qui rit, une femme qui pleure, un enfant qui danse, une charrette qui se renverse, une recette de gâteau… tout à la suite, comme un festin sans fin. »

L'ange Mikhaël, intrigué :
« Et ils regardent tout cela… comme ça, sans ordre ? »

L'ange Gavriël, hochant la tête :
« Oui. Leur cœur passe de la joie à la terreur, de l’indignation à la distraction, en quelques secondes. À force, ils ne savent plus vraiment quand pleurer, ni pourquoi sourire. Ils croient tout voir, mais en réalité, ils ne regardent plus vraiment rien. »

L'ange Mikhaël, rêveur, avec une pointe de mélancolie :
« Jadis, ils levaient les yeux vers le Ciel, ou fermaient les paupières pour écouter leur âme. Maintenant… ils semblent happés par ces petites idoles lumineuses »

L'ange Gavriël, soupirant avec douceur :
« Oui. Leur âme crie en silence, pendant que leurs doigts glissent. »

Et là-haut, les deux anges se taisent, le regard plongé dans cette étrange lumière mouvante qui aspire l’humanité.

"Ne suivez pas vos yeux" — la Torah et la sensibilité

La Torah, dans sa sagesse divine nous enseigne :

«?Et vous ne vous égarerez pas après votre cœur et après vos yeux, après lesquels vous vous prostituez[1]?»

Nos yeux sont des portes ouvertes sur l’âme. Ils peuvent élever, mais aussi disperser, anesthésier. Suivre ses yeux sans filtre, c’est se laisser glisser vers un monde où tout est à la fois important et insignifiant, jusqu’à perdre le sens de la profondeur. À l’image de ce que dit le verset, l’homme qui se laisse ainsi emporter ressemble à quelqu’un qui trahit sa propre noblesse intérieure, s’éloignant peu à peu de sa dignité et de son lien le plus pur avec D.ieu.

La Guémara[2] enseigne :
Celui qui voit une Sota (femme soupçonnée d’adultère) dans sa déchéance doit s’éloigner du vin.

Ce n’est pas un simple avertissement moral, c’est une pédagogie existentielle. Voir sans intégrer, sans transformer, nous rend vulnérables et nous habitue à la superficialité. La Torah veut que chaque regard soit un acte, une invitation à renforcer notre conscience, et non une fuite anesthésiante. La Torah attend de l’homme qu’il prenne acte de chaque situation qu’il rencontre dans sa vie, qu’il vive chaque vision comme une opportunité de se relier plus profondément à sa mission et à son Créateur.

Comme le dit le verset :

« Levez vos yeux en haut et voyez qui a créé tout cela [3]»

Ce verset nous exhorte à élever notre regard, à ne pas rester prisonniers de ce qui scintille à la surface, mais à chercher la main du Créateur derrière chaque détail du monde.

Mais pour un homme désensibilisé, ce verset n’a plus de sens. Son regard est saturé, anesthésié ; il n’est plus capable de s’émouvoir devant la majesté d’un ciel étoilé ou la profondeur d’un simple souffle. Ses yeux sont si accaparés par des images sans fin qu’ils ne savent plus contempler, ni interroger. La beauté du monde qui l’entoure a moins de saveur que ces vidéos générées par l’IA où de fausses personnes sont mises en scène dans de faux paysages…

Les études contemporaines confirment ce que la Torah enseignait déjà : une exposition continue à des images fortes et contradictoires désensibilise profondément l’âme humaine.

Les psychologues[4] parlent de désensibilisation émotionnelle (emotional numbing), ils ont montré que l’exposition répétée à des scènes violentes ou choquantes diminue progressivement la capacité d’empathie et rend le cœur… plus froid.

Linda Stone, dans sa théorie de la continuous partial attention[5], décrit notre attention comme fragmentée en permanence : toujours en alerte, mais jamais vraiment présente, jamais vraiment touchée.

Sherry Turkle, dans Reclaiming Conversation[6], souligne que ce flux constant de micro-émotions rend l’homme incapable d’une écoute authentique et cela même envers lui-même.

Jean Twenge, dans iGen[7], montre combien la génération élevée sur smartphones souffre d’une perte de sensibilité profonde, d’un isolement émotionnel et d’une incapacité à supporter le silence intérieur.

Le philosophe Byung-Chul Han[8], quant à lui, évoque une humanité épuisée, incapable de profondeur, prisonnière d’une surexposition permanente.

Ces études rejoignent la Torah : un regard dispersé est le synonyme d'un cœur vidé. Quand tout est montré, plus rien n’est vraiment vu. Quand tout est ressenti à demi, plus rien n’est profondément vécu. Les études se multiplient face à ce fléau qui n’attaque plus seulement la jeunesse, il décime peu à peu les générations de nos parents, leur faisant perdre peu à peu tout ce qu’ils ont mis des vies a bâtir…

Quels remèdes propose la Torah, elle qui a su anticiper depuis des millénaires ce fléau moderne ?

Le Rambam et la préparation à la prière

Le Rambam[9], prescrit de s’asseoir quelques instants avant la prière afin de prendre le temps d’orienter son cœur :

La Michna[10] rapporte que les premiers 'Hassidim (Justes) patientaient une heure avant de prier. Ils se préparaient, purifiaient ainsi leur esprit, se déconnectaient des tumultes du mondes et de son vacarme. Nous étions il y a deux mille ans, à l’ère des chameaux et des ânes…

Ils vivaient dans un monde calme, et pourtant, ils sentaient déjà combien l’esprit pouvait se disperser. Aujourd’hui, quand nos esprits sont saturés d’images et d’histoires, cette préparation est plus vitale que jamais. Sans elle, la prière n’est qu’un écho vide, une respiration sans âme. Mais par la force d’une véritable prière, l’être humain se recharge, se renouvelle[11].

L’étude comme purification

On rapporte que le Gaon de Vilna avait coutume de se plonger dans l’étude du Talmud avant chaque décision importante. Il disait qu’ainsi, il lavait son esprit des poussières du monde et purifiait son jugement.

L’étude talmudique n’est pas qu’un simple exercice intellectuel : c’est une immersion qui nous arrache au superficiel. Chaque Daf (page), chaque discussion, chaque nuance est une échelle pour remonter à soi-même. « Ai-je bien compris le sens de l’objection de Rava ? » « Pourquoi Rachi n’explique pas le sujet comme les Tossafistes ? » Ce travail qui se fait traditionnellement en binôme, force l’écoute et la déconnexion au monde extérieur pour saisir les développements talmudiques complexes.

Étudier, c’est reconstruire son intériorité, apprendre à penser avec lenteur, à sentir profondément. C’est se rappeler que nous ne sommes pas que des flots de réactions, mais des êtres façonnés par et pour la réflexion et la profondeur du sens.

Chabbath et les fêtes : une déconnexion sacrée

Le Chabbath et les fêtes sont des oasis temporelles. Pendant ces moments, nous laissons tomber le monde extérieur, ses bruits et ses lumières clignotantes.

Nous redécouvrons la lenteur d’un repas, la profondeur d’un chant, la chaleur d’un silence partagé. Nous revenons à une humanité simple, dépouillée, pleine d’âme.

Le Chabbath nous rappelle que la véritable connexion est d’abord verticale — entre l’homme et D.ieu, entre l’homme et lui-même — pas seulement horizontale, faite de glissements de doigts et d’alertes sonores.

Être une forteresse vivante

Dans le Cantique des Cantiques[12] il est écrit :
« Si elle est une muraille, nous bâtirons sur elle une tour d’argent ; si elle est une porte, nous la barricaderons d’un panneau de cèdre ».

Devenir une forteresse, ce n’est pas se couper du monde, mais choisir ce qui peut entrer. Chaque image, chaque mot, chaque son peut être une flèche invisible qui perce notre intériorité et nous déstabilise.

Le Talmud[13] affirme : «?Un homme ne faute que si un vent de folie pénètre en lui'» Mais alors, pourrait-on se demander : Si c’est ce vent de folie le responsable, l’homme ne devrait-il pas être disculpé ?
La réponse est claire : justement non. Car la véritable faute n’est pas essentiellement l’action interdite, mais le fait d’avoir laissé entrer ce vent de folie en soi. L’homme est tenu pour responsable d’avoir abaissé ses barrières intérieures, d’avoir permis à cette folie de le détourner de sa lucidité et de sa noblesse.

Être une muraille, c’est se protéger pour préserver son humanité, sa sensibilité, sa capacité à ressentir sincèrement. C’est dire : « Mon âme est un jardin, tout n’y a pas sa place. » À l’image du verset : « Je suis passé près du champ d’un homme paresseux, et près de la vigne d’un homme dépourvu de cœur ; voici qu’elle était toute envahie de ronces[14] ».

L’homme est responsable d’avoir laissé sa vigne intérieure à l’abandon, d’avoir permis aux « ronces » de croître et à sa muraille de se fissurer. C’est peut-être le seul véritable combat de sa vie, maintenir la flamme de son cœur intacte…

Reconquérir sa sensibilité

Se réapproprier sa sensibilité, c’est redevenir souverain de son cœur, ne plus être soumis aux manipulations extérieures. C’est également refuser que nos désirs et nos émotions soient dictés par un flot infini de contenus créés par des gens dont le seul souci est le plus souvent leur image et le nombre de pouces bleus qu’ils obtiendront. C’est choisir de ressentir vraiment, d’aimer sincèrement, de s’indigner à bon escient.

Ce combat est un combat spirituel autant que psychologique et social. Il façonne la qualité de notre prière, la profondeur de notre étude, la force de notre lien avec D.ieu.

Redevenir une forteresse vivante, c’est redevenir capable de prier avec une âme vibrante, d’étudier avec un esprit limpide, d’aimer avec un cœur libre. D’écouter à nouveau le bruit du silence, celui duquel démarre la véritable paix intérieure.

Conclusion — Vers une lumière retrouvée

Mikhaël et Gavriël observent quelques âmes qui, doucement, ferment leurs écrans, déposent leurs téléphones, et lèvent les yeux vers le ciel. Ces âmes retrouvent la douceur d’un verset, la chaleur d’un chant, la pureté d’une larme sincère.

La Torah nous invite à préserver cette flamme, à rester sensibles, à devenir des sanctuaires vivants capables d’accueillir la Présence divine.

Mais plus encore, la Torah peut devenir une véritable thérapie.
Pour celui qui y revient, elle devient un bouclier contre le tumulte du monde, une source d’eau vive qui lave le cœur et apaise l’âme souillée par ce vacarme.
Et pour celui qui ne l’a jamais quittée, elle n’est pas seulement un code de lois, mais un espace vivant, un sanctuaire intime où l’âme se renforce et se renouvelle sans cesse.
Comme le dit le verset : « Les préceptes de l’Éternel sont droits, ils réjouissent le cœur[15] ».

 

[1] Bamidbar (15:39)

[2] Sota 2a

[3] Isaïe (40:26)

[4] Funk et al. 2004

[5] 1998

[6] 2015

[7] 2017

[8] La société de la transparence et La société de la fatigue

[9] Hilkhot Téfila, (4:16)

[10] Berakhot (5:1)

[11] Voir Khouzari, début du 3ème livre.

[12] (8:9)

[13] Sota 3a

[14] Proverbes (24:30-31)

[15] Téhilim (19:9)

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Dernière mise à jour, il y a 31 minutes