Blog : Torah-Box

Aucune solennité, dans la Torah, n’engage autant que Souccot le monde végétal : vivre dans une cabane de feuillage, utiliser les quatre catégories du domaine de l’arbre : le fruitier et odorant, l’arbre fruitier non odorant, l’arbre seulement odorant et l’arbre qui n’est ni fruitier ni odorant. Il y a dans Souccot un véritable afflux provenant du domaine végétal, et cela est essentiel pour comprendre le but de la Torah. Remarquons d’abord que le monde végétal a été créé le 3ème jour – AVANT les arbres – et que D.ieu a béni Adam Harichon, en lui disant que le monde du végétal lui appartenait. (Ce n’est qu’après le déluge que le monde animal a été autorisé.) Cela signifie assurément que le végétal est le premier élément à portée de l’homme.

Essayons d’analyser ce domaine de façon plus précise : la Soucca est le premier logement des enfants d’Israël, après la Sortie d’Égypte, ainsi qu’il est écrit : « Car c’est dans des tentes que Je vous ai fait habiter, quand vous êtes sortis d’Égypte ». La Soucca est le premier abri du peuple qui vient de sortir de l’esclavage égyptien. Les Sages, dans le Traité Soucca, ont donné toutes sortes de limitations halakhiques pour la Soucca : la pureté des feuillages du toit, les limites physiques de la Soucca, ni trop exigüe ni trop large. Le feuillage doit bien couvrir la Soucca. Règles minutieuses pour l’observance correcte de la Mitsva. Quant aux quatre plantes évoquées précédemment, elles ont aussi leur exigence « halakhique » : elles doivent être entières, sans aucun point négatif qui leur enlèverait leur validité – le Étrog (cédrat) doit être sans tache, les branches et les feuilles du Loulav, des Hadassim (myrte) et des 'Aravot (feuilles de saule) intègres. Cette intégrité des éléments matériels s’applique également aux habitants de la Soucca : il ne faut pas manger, ou dormir, hors de la Soucca (de façon totale, car si c’est une consommation frugale, cela n’est pas interdit). En tout cas, la Soucca est le centre de la vie pendant ces sept jours.

Alors, c’est la totalité qui définit cette introduction du végétal dans la vie quotidienne. Le végétal est le véhicule de l’apport du projet divin dans la création. À Adam Harichon, le Créateur a dit expressément : « Je vous ai donné tous les végétaux et les semences qui sont sur la face de la terre. Ce sera pour votre consommation, pour vous, ainsi que pour tous les animaux, pour les oiseaux, pour les poissons, pour tous les animaux doués d’un souffle de vie, les végétaux sont destinés à votre consommation » (Beréchit 1,30). Le monde végétal est destiné à la consommation pour tout ce qui est doué de VIE, ce qui inclut évidemment les hommes comme les animaux. Le premier sacrifice à base d’animaux sur un autel sera le sacrifice effectué par Noa’h après le Déluge. (Les animaux offerts par Hével à l’Éternel ne sont pas un sacrifice mais un présent à l’Éternel.) Au début de la création, le but n’était que le monde végétal, pour la survie de l’existence sur terre.

Il ne s’agit nullement, ici, de diminuer l’importance des sacrifices au Temple de Jérusalem, particulièrement à Souccot : 70 taureaux et 98 brebis, sacrifice très symbolique, mais, le Temple détruit, ils sont réservés pour l’époque messianique. Par contre, les végétaux qui accompagnent et presque définissent Souccot transcendent les siècles, et sont appliqués dans tous les exils d’Israël. Alors, c’est cette spécificité du végétal qui nous parle, et en particulier la totalité des Mitsvot liées à cette solennité. Il faut voir dans cette Mitsva dans le domaine végétal trois dimensions : dans un premier temps, la Soucca comme les végétaux qui l’accompagnent rappellent l’histoire et le caractère du peuple juif : historiquement, cela rappelle évidemment les quarante ans dans le désert, pendant lesquels ils ont habité dans des tentes provisoires, puisqu’ils sont passés par 42 étapes. 

Il est clairement écrit : « Vous observerez la fête de Souccot, car c’est dans des tentes que Je vous ai fait habiter dans le désert ». Humainement, les quatre espèces de végétaux évoquent quatre types de personnages : l’étude de la Torah, c’est l’odeur, l’observance, c’est le fruit, le goût et l’odeur. Certains ont le goût et l’odeur, certains ont le goût sans l’odeur, certains ont l’odeur sans le goût et certains sont éloignés du goût et de l’odeur. Il faut les rassembler en une unité pour faire la volonté du Créateur. C’est là la première dimension historique et humaine des Mitsvot du monde végétal. Une deuxième dimension est métaphysique : la Soucca, demeure provisoire, doit nous rappeler le caractère éphémère de notre vie sur terre. L’être vivant – au niveau du pensant – sait que sa vie, ici, est éphémère, et qu’en fait, la vie de l’homme est comme une pousse végétale : « apparaît le matin, fleurit pendant la journée, puis se flétrit et le soir, disparaît » (Téhilim 90, 6). 

C’est la seconde leçon de la Soucca et des végétaux qui l’accompagnent : nous rappeler que notre passage est provisoire sur cette terre. 

La troisième dimension est spirituelle : il s’agit de rappeler les « colonnes de nuées » - les nuées spirituelles – qui ont toujours protégé Israël, dans le désert et à tous les âges : en Terre Sainte comme en exil. Cette nuée, c’est la présence de la Providence sur Israël, qui ne cesse jamais. Les végétaux poussent, disparaissent, mais au printemps suivant, ils réapparaissent. L’éternité du Souverain du monde, Qui a créé ce monde, le protège et le surveille aussi. La Soucca, symbole de la protection, vient du verbe « Sokhé » qui exprime la totalité d’une surveillance, et donc d’une protection. C’est un vocable qui exprime le Tout : « Totalité, un Résumé, une somme ». Le Skhakh (toit en feuillage provisoire) provient de la même racine. Après les fêtes austères de Tichri, Souccot est une sorte de somme du mois, un résumé de ce que l’on a ressenti pendant ce mois, et c’est ce que nous espérons aussi : vivre, avec le Machia’h, dans la Soucca faite de la peau du Léviathan, symbole du reflet du Créateur dans Sa création.