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Blog : Torah-Box

Djerba, l'île où la tradition respire - Rencontre avec le chanteur Youval Taïeb

À Djerba, les coutumes se transmettent comme des trésors, la liturgie se chante avec précision et le pèlerinage de la Ghriba rassemble des milliers de Juifs du monde entier. Youval Taïeb nous ouvre les coulisses d’une île où la tradition ne s’est jamais éteinte.

Rarement une communauté juive aura conservé avec autant de fidélité la trame de ses usages. Youval Taïeb, qui connaît Djerba de l’intérieur, nous fait découvrir une île où les coutumes rythment encore le quotidien, où l’hébreu se prononce avec une exactitude presque ancienne et où la Ghriba demeure un point de gravité spirituelle.

Youval Taïeb, vous connaissez bien Djerba puisque vous vous y êtes rendu de nombreuses fois au cours de votre carrière. Que pouvez-vous nous dire sur cette communauté ?

C’est une communauté extrêmement fédérée : que l’on célèbre une joie ou lors des décès, tout le monde est présent. L’indifférence face au sort d’autrui n’existe pas. Les Juifs de Djerba possèdent par ailleurs de nombreuses coutumes très anciennes. Si certaines sont restées intactes, d’autres, malheureusement, tendent à disparaître. 

Par exemple, on ne célèbre pas de mariage entre Pessa’h et Chavou’ot, et tout le monde respecte cette règle. Autre usage : du 2 au 10 Av, il est permis de boire du vin, mais on ne se lave pas — sauf le vendredi en l’honneur du Chabbath. Cette coutume se perd peu à peu : avec la chaleur intense et l’hygiène moderne, elle est difficile à appliquer.

Autre usage très marquant : lorsqu’on achète de la viande, une partie du prix est automatiquement destinée aux nécessiteux. C’est une tradition tellement ancrée que les Rabbanim de Djerba ont interdit l’importation de viande provenant de l’étranger ! Seule la viande abattue sur place est autorisée.

Parlons liturgie. Quelle est la spécificité de la liturgie djerbienne ?

Sans aucun doute sa précision grammaticale ! Si les Tunisiens excellent de manière générale en grammaire hébraïque, les Djerbiens sont encore plus experts dans ce domaine. 

À Djerba, on enseigne la lecture et l’écriture très tôt aux enfants. Je me souviens avoir vu des tout petits enfants, âgés de 3 ou 4 ans, déjà affairés à lire les lettres hébraïques dans les Talmudé-Torah. Je pense que rares sont les communautés aussi pointilleuses sur la grammaire et la prononciation, célèbre d’ailleurs pour être la plus proche de l’hébreu originel. On peut même affirmer sans aucune exagération qu’on apprend et on parle beaucoup mieux l’hébreu à Djerba qu’en Israël ! 

À Djerba, j’ai vu des tout petits enfants jouer dans la rue en arabe et lorsque je leur ai parlé en hébreu, ils m’ont répondu dans un hébreu très châtié. J’en suis resté bouche bée !

Faites-nous plonger dans le monde de la liturgie de Djerba.

Il existe un Piyout très connu à Djerba qu’on chante lors des mariages et autres réjouissances mais aussi lorsqu’une personne monte à la Torah. Il s’intitule Echkol Hakofèr. Il est si ancien qu’on ignore qui est son auteur ; ce qu’on sait, c’est qu’il fut rédigé à Djerba. Il y a plusieurs années, j’ai eu le mérite de le chanter sur l’un de mes albums et depuis, d’autres communautés l’ont adopté. Voici la traduction du premier couplet, le bouquet de henné faisant ici allusion au peuple d’Israël : “Le bouquet de henné est semblable à une gazelle/Il s’élève pour conter la Torah de l’Éternel/L’Est et le Sud ont entendu Ta renommée/Comme le soleil du midi, Ton étoile brillera/Les peuples se prosterneront face contre terre devant Toi/Et répondront : ‘Béni soit l’Éternel’.”

Ya’akov Bchiri était le plus célèbre Paytan (chantre) de Djerba. Il est décédé il y a quelques années à près de 100 ans. Durant des décennies, il a accompagné les processions nuptiales à Djerba, réjouissant les ‘Hatanim et l’assemblée par ses chants et son ‘Oud. Comme dit, lorsqu’un mariage est célébré à Djerba, l’ensemble de la communauté participe. La procession part de la maison des mariés dans le quartier juif jusqu’à la synagogue de la Ghriba, accompagnée de chants et d’instruments de musique, dans une joie indicible. J’ai personnellement eu l’immense honneur de chanter avec Ya’akov Bchiri lors du pèlerinage de la Ghriba il y a une dizaine d’années. C’est un moment unique que je n’oublierai jamais.

Justement, vous avez participé plusieurs fois au pèlerinage de la Ghriba. Pouvez-vous nous raconter ce que vous y avez vu ?

Je ne pourrai jamais oublier le sentiment particulier, impossible à décrire avec des mots, qui m’a saisi la première fois que je m’y suis rendu. Comme c’est la coutume, j’avais parcouru la distance qui sépare la ‘Hara Kbira de la Ghriba à pied et en pénétrant dans la synagogue, en voyant ses pierres provenant selon la tradition du Premier Temple, une impression unique s’est emparée de moi. Je me rappelle avoir longtemps pleuré sous le coup de l’émotion. La vision de ces milliers de Juifs qui avançaient au son des chants traditionnels, beaucoup d’entre eux choisissant de camper dans des tentes plutôt que de profiter des hôtels luxueux de l’île, est quelque chose d’inoubliable. Une semaine durant, des repas, des prières, des chants se tiennent sans interruption dans la joie et l’unité.

Une anecdote qui vous a marqué ?

Je me rappelle avoir vu des familles entières, parfois de 10 ou 12 personnes, assises ensemble pour chanter les chants traditionnels de la Hiloula ; même les tout petits connaissaient par cœur les paroles !

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué à la Ghriba ?

C’est de voir tout le peuple juif, des Juifs de tous bords et de toutes origines, réunis comme un seul homme avec un seul cœur autour de la Hiloula de nos Tsadikim. 

À la Ghriba, peu importe que vous soyez djerbien, marocain ou même canadien, vous faites partie du peuple juif. Tout le monde vous accueille chaleureusement, vous salue, vous sert à boire et à manger dans une manifestation d’unité comme j’en ai rarement vue ailleurs. C’est sans compter les miracles qu’on y raconte chaque année. C’est une expérience unique à vivre absolument !

Propos recueillis par Elyssia Boukobza

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Dernière mise à jour, il y a 19 minutes