Blog : Torah-Box

La Paracha de Mikets marque un tournant décisif : Yossef sort de l’ombre, interprète les rêves de Pharaon et devient l’homme le plus puissant d’Égypte après le roi lui-même. Mais avant toute son ascension politique, avant toute sa réussite spectaculaire, la Torah apporte une précision étonnante dans la bouche de Yossef : « Ya'assé Par‘o » – « Que Pharaon agisse ».

Pourquoi cette exhortation directe adressée au Pharaon ? N’aurait-il pas suffi de dire : que Pharaon nomme des responsables ? Pourquoi exiger du roi une action personnelle, alors que toute la mise en œuvre repose sur des fonctionnaires ?

Yossef révèle ici une vérité simple et redoutable : on ne dirige pas un peuple par des ordres, mais par l’exemple. Une politique de rigueur ne peut réussir si celui qui l’exige vit dans l’abondance ostentatoire. Si le roi ne change rien à son propre comportement, comment espérer que le peuple se discipline ?

Cette idée, apparemment évidente, est pourtant l’une des plus difficiles à vivre. Elle ne concerne pas les discours, mais les gestes. Pas les grandes déclarations, mais les détails du quotidien. Elle s’applique aussi bien aux dirigeants politiques, qu’aux responsables communautaires, aux parents, comme aux époux.

C’est précisément ce que découvrit un jeune Avrekh, il y a plusieurs décennies.

Fraîchement marié, il vivait un début de mariage difficile, rongé par les disputes. Les tensions s’étaient installées, la communication avait disparu, et chaque conflit laissait derrière lui un peu plus de distance. Un jour, après une dispute particulièrement houleuse, il prit une décision radicale : partir. S’éloigner. Fuir, au moins pour un temps. Il choisit Tibériade.

Il se persuada que cette distance permettrait d’apaiser les choses. En réalité, il connaissait déjà la solution. Il savait qu’un peu plus de respect, d’écoute, de considération, aurait pu changer beaucoup. Mais son orgueil parlait plus fort : « Elle m’a blessé. C’est à elle de faire le premier pas. »

Arrivé à Tibériade, il fut invité à loger chez le Rav de la ville, Rabbi Moché Kliers. Un homme discret, plongé dans son étude, peu de paroles, beaucoup de constance. L’Avrekh passa ses journées au Beth Hamidrach et ses nuits dans une maison paisible, rythmée par le chant doux du Rav étudiant tard dans la nuit.

Un matin, il remarqua une scène qui se répéta les jours suivants : très tôt, avant la prière, Rabbi Moché préparait une tasse de café et l’apportait lui-même à son épouse, jusque dans leur chambre.

L’Avrekh crut d’abord que la Rabbanite était malade. Pris de gêne, il décida de partir, ne voulant pas être un poids supplémentaire. Lorsqu’il expliqua sa décision au Rav, celui-ci sourit :

« Ma femme n’est pas malade. Baroukh Hachem, elle va très bien. Cela fait des années que je lui apporte le café chaque matin. »

Puis il ajouta calmement :

« Le Ari zal enseigne que, chaque matin, avant la prière, un juif doit accepter sur lui la Mitsva de “Tu aimeras ton prochain comme toi-même”. J’ai cherché comment la vivre concrètement. J’ai trouvé cela. »

Aucune leçon. Aucun reproche. Aucun discours sur le couple. Juste un geste, répété chaque jour.

L’Avrekh comprit. Il ne resta pas plus longtemps. Il rentra chez lui, changea personnellement de posture avant de vouloir changer son épouse. Il commença par des gestes simples : davantage de respect, plus d’attention à ses besoins, une présence chaleureuse à la maison. Et peu à peu, le climat se transforma. La paix revint là où les mots n’avaient jamais suffi.

C’est cela que Yossef enseigne à Pharaon. Et c’est cela que la Paracha de Mikets nous enseigne à chacun. Le véritable leadership commence là où l’on accepte d’incarner soi-même ce que l’on attend des autres. Dans le foyer, dans l’éducation, dans la communauté, et même dans la relation à Hachem.

On ne change pas le monde par des slogans. On le change par des actes cohérents.
Ya'assé Par‘o. Que l’homme commence par agir lui-même !

Puisse l’Eternel nous aider à incarner personnellement les vertus que l’on souhaite transmettre autour de nous, et parvenir ainsi à représenter un modèle inspirant pour notre entourage.