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Blog : Torah-Box

Histoires et paraboles inspirantes - Vayigach

Lorsque le Chaagat Arié arriva à Prague, il n’y venait pas comme un inconnu. Il était déjà une autorité reconnue dans le monde de la Halakha, un esprit d’une rigueur exceptionnelle, dont le nom circulait dans les maisons d’étude bien avant que son visage ne soit connu. Pourtant, c’est précisément à Prague, dans la maison du gaon Rabbi Ye’hézkel Landau, auteur du Noda Biyéhouda, que cette exigence allait continuer de se manifester avec constance et cohérence.

Le Chaagat Arié était alors de passage chez le Noda Biyéhouda. Malgré l’estime profonde qui les liait, et bien que la maison fût celle d’un des plus grands maîtres de la génération, il demanda que l’on cuisine pour lui exclusivement avec ses propres ustensiles. Non par défiance, ni par soupçon, mais parce qu’il avait pris sur lui une vigilance extrême concernant certaines dispositions de la cacherout. Il portait cette exigence partout où il allait, même lorsque cela pouvait sembler excessif aux yeux des autres, même lorsque personne ne l’exigeait de lui.

C’est au cours de ce séjour qu’arriva une lettre en provenance de la ville de Metz, adressée au Noda Biyéhouda. La communauté cherchait un rabbin de stature, capable de diriger, d’enseigner et de trancher la Halakha. Le Noda Biyéhouda, conscient du poids d’une telle responsabilité, déclina l’offre. Il ne le fit pas sans proposer une alternative. Il connaissait l’homme qui se trouvait alors sous son toit. Il connaissait sa profondeur, son indépendance d’esprit, sa capacité à porter une communauté.

Il répondit donc à Metz qu’il ne pouvait accepter la charge, mais qu’il leur envoyait un érudit qui n’était en rien inférieur à lui, et qui se présenterait dans quelques mois. Ce nom, lorsqu’il fut lu, suscita l’attente. Le Chaagat Arié n’était pas un rabbin ordinaire ; il était un monument vivant du savoir.

Lorsque, quatre mois plus tard, il arriva à Metz, la communauté lui réserva une réception solennelle. Pourtant, dès les premiers instants, un malaise se fit sentir. L’homme qui se tenait devant eux n’était pas celui qu’ils avaient imaginé. Il avait soixante-dix ans. Son visage était marqué, sa démarche lente. Très vite, des murmures circulèrent : comment le Noda Biyéhouda avait-il pu envoyer un homme si âgé ?

Le Chaagat Arié entendit ces paroles. Il ne s’en offusqua pas. Il ne se hâta pas de se défendre. Lorsqu’on lui donna enfin la parole, il choisit de raconter une histoire, ou plutôt de rappeler une scène fondatrice. Il évoqua Ya'acov se tenant devant Pharaon, et la question brutale qui lui fut posée : « Combien sont les jours des années de ta vie ? » Il interrogea l’assemblée : est-ce là une manière de parler à un homme qui vient d’apporter la bénédiction à un pays entier ? En effet, dès que le patriarche Yaakov arriva en Egypte, une grande bénédiction reposa sur ce pays.

Puis il expliqua la réponse de Ya'acov, longue, nuancée, presque déroutante. « Jacob dit à Pharaon : Les jours des années de mes pérégrinations sont de cent trente ans ; peu nombreux et pénibles ont été les jours des années de ma vie, et ils n’ont pas atteint les jours des années de la vie de mes pères durant leurs pérégrinations »
(Genèse 47, 9). Ya'acov ne se contente pas d’énoncer un âge ; il décrit une vie de pérégrinations, de souffrances, qu’il compare avec celle de ses pères.

Le Chaagat Arié rappelle à l’assemblée qu’en réalité, Pharaon, qui avait vu que Ya'acov paraissait très âgé, craignait que la bénédiction ne disparaisse avec lui. Sa question n’était pas vaine : elle était chargée d’inquiétude.

Ya'acov répondit alors avec finesse : s’il paraît si vieux, ce n’est pas parce qu’il a vécu longtemps, mais parce que ses années ont été lourdes, difficiles, traversées par l’exil et l’épreuve. La vieillesse apparente est parfois le signe d’une vie qui a porté plus que son poids.

À ce point du récit, le parallèle devenait évident. Le Chaagat Arié parla alors de lui-même. Il rappela ses années de fuite, de déplacements constants, de rigueur intransigeante. Il expliqua que s’il portait sur son visage les marques de la vieillesse, c’était le prix d’une vie sans compromis. Puis il prononça cette promesse étonnante : avec l’aide de Dieu, il siégerait encore vingt années sur le siège rabbinique de Metz.

Cette promesse, il la tint. Vingt années durant, il guida la communauté, enseigna, trancha, écrivit. Et lorsque vint la fin, elle fut à son image. Une armoire de livres s’effondra sur lui, comme si toute sa vie d’étude venait le rejoindre une dernière fois. Lorsqu’on le dégagea, il déclara calmement qu’il lui restait encore un jour à vivre, afin que sa parole soit accomplie jusqu’au bout, vingt années complètes.

Cette histoire nous apprend à regarder autrement ceux que le temps a marqués. À comprendre que certaines fatigues ne sont pas des signes de déclin, mais des traces de fidélité. Et à ne jamais oublier que si le Noda Biyéhouda avait reconnu en cet homme un guide digne d’une grande communauté, c’est précisément parce qu’il savait lire, au-delà de l’apparence, la profondeur d’une vie.

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Dernière mise à jour, il y a 3 minutes