English Version Force de Défense d'Israel sur Internet
Inscription gratuite
AccueilInfos IsraelBlogs Juifs et IsraéliensVidéo IsraelOpinions : monde Juif et IsraelLe MagTOP SitesLa BoutiqueJuif.org TV

Blog : Torah-Box

La force d'espérer ? Vayé'hi

La lecture de la Paracha Vayé'hi est toujours empreinte d’émotion et de solennité. Tout d’abord, elle marque la fin de la lecture du premier livre de la Torah, et notamment du récit de la vie des Avot (nos patriarches et matriarches). Ensuite, notre Sidra nous présente l’apaisement retrouvé pour Ya'akov et sa famille, enfin réunie au complet. Enfin, nous assistons aux bénédictions accordées à chacune des 12 tribus.

Dans ce climat apaisé et heureux, Ya'akov, nous disent nos maîtres, souhaitait faire une confidence à ses enfants rassemblés autour de lui, et leur dévoiler « la fin des temps ».

« Rassemblez-vous, et je vous dirai ce qui vous arrivera dans les jours à venir. Réunissez-vous et écoutez, fils de Ya'akov ; écoutez Israël, votre père. » (Genèse 49:1-2)

Toutefois, notre tradition (Rachi et Talmud Bavli Pessa'him 56 a) nous enseigne que l’esprit prophétique l’a quitté à ce moment, l’empêchant de mener à bien cette volonté. Quel écueil souhaitait éviter l’Éternel en interrompant ce dévoilement de la fin des temps ?

Dans une très belle analyse, le Rav Jonathan Sacks rappelle que chercher à sonder les mystères de l’avenir est contraire à l’esprit de liberté inscrit au cœur de la nature humaine.

En effet, contrairement à de nombreuses autres traditions spirituelles ou philosophiques, le judaïsme postule que le futur n’est pas gravé dans le marbre à l’avance mais qu’il est le fruit de chacune de nos décisions prise à chaque instant de nos vies. Nul ne peut prédire de quoi demain sera fait, de même que nul ne peut prévoir la faute qu’il ne pourra éviter ou la bonne action qu’il accomplira à l’avenir.

C’est ainsi, que l’une des distinctions fondamentales entre Jérusalem (la tradition juive) et Athènes (la Grèce antique) résidait dans leur conception du destin. Les Grecs croyaient en une fatalité inexorable, qu’ils appelaient moira (le sort) ou ananke (la nécessité aveugle). L’histoire de Laïos, le père d’Œdipe, illustre parfaitement cette croyance.

Lorsque l’oracle de Delphes annonça à Laïos que son fils le tuerait un jour, il fit tout pour éviter cette prophétie. À la naissance de l’enfant, Laïos le fit abandonner et l’attacha à un rocher. Mais un berger sauva le bébé, qui fut ensuite élevé par le roi et la reine de Corinthe. Et, malgré tous les efforts que fit son père pour déjouer le destin, la prédiction de l’oracle finit par se réaliser. C’est là un des ressorts classiques de la tragédie grecque : l’homme ne peut pas échapper à son destin ; pire, chaque tentative pour l’empêcher participe de son accomplissement.

De manière surprenante, malgré les siècles de souffrance qu’a traversés le peuple juif, l’hébreu biblique ne possède pas de mot pour désigner une tragédie au sens grec. Lorsqu’il a fallu donner un nom à la destruction des Juifs d’Europe pendant la seconde guerre mondiale, aucun terme hébreu ne semblait s’imposer, le terme « Shoah » a été retenu le plus fréquemment dans la mesure où il désigne une « catastrophe » mais il ne renvoie pas à une dynamique inexorable de l’histoire.

Cette absence de mot n’est évidemment pas fortuite, elle est, comme toujours en linguistique, le reflet de l’esprit et des valeurs de la pensée qui sous-tendent la langue hébraïque. En l’occurrence, elle traduit la conviction profonde de notre tradition que le destin n’est jamais une fatalité. Nous sommes libres. Nous avons la capacité de choisir et de changer.

La liturgie des « Yamim Noraïm », de la période entre Roch Hachana et Yom Kippour, l’exprime avec force, à travers cette formule bien connue : « la Téchouva (le repentir), la prière et la Tsédaka déchirent la sévérité du décret. » Le message ne saurait être plus clair : aucune sentence n’est immuable, aucun verdict n’est définitif, pourvu que nous choisissions de changer.

Cette idée se retrouve à de nombreuses reprises dans le Tanakh, et notamment dans les textes prophétiques. Lorsque le roi Ézéchias tomba gravement malade, le prophète Isaïe lui annonça : « Prépare ta maison, car tu vas mourir. » Ézéchias pria alors avec ferveur, rappelant à D.ieu sa fidélité et ses bonnes actions. Sa prière fut exaucée, le décret fut révoqué, et il vécut encore quinze ans.

De cet épisode, le Talmud tire une leçon puissante : « Même si une épée tranchante repose sur ton cou, ne cesse pas de prier. » Ne désespère jamais ! Ainsi, dans le judaïsme, la prière et le repentir ne sont pas de simples incantations, elles sont le reflet de notre foi profonde dans notre capacité de transformer notre destin, par nos paroles, nos pensées, et nos décisions.

Contrairement aux prophéties grecques, les prophéties bibliques ne prédisent pas l’inévitable. Elles mettent en garde : « Voilà ce qui arrivera, sauf si vous changez. » Nous ne sommes pas prisonniers du passé, et l’avenir n’est pas prédéterminé.

L’erreur que commettent bien souvent les « prédictions » est de raisonner en « termes constants », de se fonder sur l’état des connaissances, des mœurs, des capacités techniques à un instant « t » pour anticiper ce qui se produira dans l’avenir. Or, l’histoire des hommes n’est pas une « mécanique » prévisible, elle est faite certes de constantes, mais aussi de ruptures, de changements majeurs, parfois totalement imprévisibles, que ce soit en raison des progrès scientifiques, techniques, mais aussi d’évènements historiques, politiques, ou naturels qui bouleversent l’ordre établi, et rebattent les cartes de l’histoire. Le spectateur averti sait y voir la main de l’Éternel, comme le disait Albert Einstein : « le hasard, c’est D.ieu qui se promène discrètement dans l’histoire ».

De même, l’homme est profondément imprévisible. Loin d’être un acteur uniquement rationnel, ses décisions sont le fruit à la fois de son esprit et de son corps, de ses convictions et de ses émotions, de sa raison et de son humeur, de ses expériences passées et de ses rêves pour l’avenir… Et la vie des hommes est le reflet de cette indétermination : un jour on réussit, un jour on échoue, on apprend de ses erreurs, ce qui nous semble facilement atteignable nous échappe parfois, alors que nous réussissons ce qui nous semblait inaccessible. Les prédictions théoriques sont ainsi bien souvent démenties par l’histoire réelle des hommes. Nul ne peut prédire quel usage nous ferons de notre liberté, et comment ces choix, portés par la bénédiction divine, nous ouvriront de nouveaux horizons.

Voilà pourquoi, il était impossible que Ya'akov Avinou prédise l’avenir à ses enfants. Ce serait leur retirer leur liberté. Et sans liberté, pas d’espoir. L’avenir est une promesse d’espérance permanente, notre liberté nous rappelle que nous sommes les associés de l’Éternel dans la conduite de l’histoire. Il nous appartient d’harmoniser notre volonté avec celle du Créateur afin de dévoiler les richesses insoupçonnées et imprévisibles logées en nous-mêmes.

Ajouter votre commentaire !
Adresse email :
Mot de passe :
Votre commentaire : 0/1500 caractères
Ajouter le smiley Sourire Ajouter le smiley Rigole Ajouter le smiley Choqué Ajouter le smiley Clin d'oeil Ajouter le smiley En colère ! Ajouter le smiley Embarrassé Ajouter le smiley Tire la langue Ajouter le smiley Star Ajouter le smiley Triste
Vous devez être membre de Juif.org pour ajouter votre commentaire. Cliquez-ici pour devenir membre !
Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 22 minutes