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Blog : Léviathan

La République contre la Nation

Vive la République, et, par dessus tout, vive la France! - Nicolas Sarkozy lors de son discours au soir du premier tour

 

 

Ce vote de 2007 est le dernier vote d’espoir pour des millions de français. Car la plupart d’entre nous, et peut-être est-ce la dernière fois, d’ailleurs, n’ont pas encore succombé à la tentation de voter aux extrêmes ou pour des petits partis de dilettantes aux agendas particularistes. 

 

Ce n’est pas la République qu’il faut sauver contrairement à ce que l’on nous a asséné jusqu’à la nausée en 2002. Ce n’est pas la chasse aux sorcières qui mobilisera les français car devait-on, il y a cinq ans, vraiment craindre une prise de pouvoir par Jean-Marie Le Pen' Soyons sérieux, enfin!  Son potentiel électoral n’a jamais été de taille, même pas en 2002. Rappelons également que le taux de participation au deuxième tour de 2002 était inférieur à celui du premier tour de 2007.

 

Il faut donc croire que les discours anti-FN mobilisent moins qu’une campagne électorale rondement menée par la gauche et la droite; la rhétorique de la République menacée et des libertés en sursis, les discours des maccarthystes de gauche, opportunément appuyés par un Chirac assuré d’une réélection automatique grâce à leurs voix, ne mobilisent pas davantage nos compatriotes qu’une vraie campagne électorale où les uns et les autres font de la « politique autrement ».

 

Car justement, de la politique, autrement différente, voilà ce qui nous attendra en cas d’échec de Nicolas Sarkozy. Non pas ce choc de deux ou trois programmes, non plus ce choc entre plusieurs personnalités politiques  non plus cette démocratie revivifiée par une offre électorale claire et structurée mais le retour du système des partis combinards. Telle est bien l’essence et l’intérêt d’un François Bayrou qui tend désormais vers la gauche, au mépris de la tradition de sa famille politique.

 

L’UDF a compris que pour grandir, il lui faut changer la République. Nos descendants d’orléanistes souhaitent ni plus ni moins qu’un retour au régime parlementaire afin qu’en tant que parti minoritaire, ils puissent négocier à chaque élection leur ralliement à tel ou tel gouvernement dominé par l’un des deux grands partis de France, le fameux duo UMPS (le populisme de Bayrou n’a plus grand chose à envier à celui de Le Pen!). L’introduction de la proportionnelle devrait donc éliminer le risque encouru par l’UDF de voir le nombre de ses députés réduit par le choc à droite avec l’UMP tout en l’affaiblissant et favoriser en même temps l’essor des petits partis particularistes (les chasseurs et le FN entreraient alors à l’Assemblée Nationale). Ce que l’UDF de Bayrou nous promet, c’est une démocratie à l’italienne, non point une démocratie vigoureuse.

 

Estiment-ils souhaitable pour la France de faire de nouveau une norme de la pratique des gouvernements de coalition' Appellent-ils, UDF, FN et petits partis vaincus aux récentes élections, aux tractations et aux accords politiques entre États-majors, sur le dos des français' Certes, ils se pavanent d’être les plus démocrates d’entre les démocrates mais UDF et FN, c’est le même combat et la même démocratie!

 

La République survivra à ce changement de régime électoral et institutionnel. Mais la France, peut-être pas aussi bien. Il existe une solide tradition anti-plébiscitaire dans notre pays qui confond l’élection du président de la république au suffrage universel avec un vote passionnel, un vote d’acclamation, un vote de tous pour l’élection d’un seul donc, peut-être, l’élection d’un despote. Olivier Besancenot et d’autres parlent d’ailleurs de monarchie républicaine lorsqu’ils qualifient la Ve République. L’UDF et certains éléments du PS, en réalité, font miroiter aux français tout le bénéfice d’être mieux représentés pour mieux les ignorer. Car, en effet, ne se méfiait-on pas du Second Empire et de ce lien direct entre chef de l’État et peuple français' Quelles ne furent pas les résistances au Général de Gaulle lorsqu’en 1962, il rétablit enfin après quatre-vingt dix ans d’absence le suffrage universel direct'

 

En effet, ceux qui nous parlent d’une démocratie approfondie, hors extrême-gauche, évoquent en réalité la peur ancestrale de l’aristocratie républicaine. La peur des « partageux », des électeurs des couches populaires, car aujourd’hui ne votent-ils pas plus que les autres pour le FN' Hier ne votaient-ils pas mal également' Pour les rouges ou, autrement, ne chantaient-ils pas « Poléon, Poléon, Poléon! » ? La peur du peuple d’hier (celui de 1848 à 1870, vous l’aurez compris!) connaît, en ce XXIe siècle, des prolongements.

 

Rappelons un certain nombre de vérités historiques. La France ne s’est pas engagée sur la voie démocratique depuis la IIIe République (ni même sous la IIe ni sous la Iere). Mais elle avait déjà entamé sa mutation sous le Second Empire, car dès 1869 ne parle-t-on pas de l’Empire Parlementaire après une phase Libérale engagée déjà depuis le tournant des années 1860? N’est-ce pas le ministère Ollivier qui s’engagea à concrétiser le défi du politicien du même nom : démontrer que l’Empire pouvait être démocratique!

 

Ce n’est donc pas la République qui est menacée car en dehors d’elle la France peut être démocratique. Mais la République peut très bien devenir le sanctuaire des oligarques ou se transformer en dictature. La République n’est donc pas plus que l’Empire ou que la Monarchie un gage de liberté ni d’égalité. La République n’est pas consubstantielle à la France. Il y a quelque chose de scandaleux à entendre clamer « Vive la République » avant d’entendre ajouter « et vive la France », comme si l’on craignait de l’avoir oubliée.

 

Peut-être, d’ailleurs, que cet agencement des termes dans la clameur officielle dénote d’une arrière-pensée. L’apparente primauté de la République sur la France a des airs de propagande réussie. D’ailleurs,ne sommes-nous pas un des rares peuples en ce monde à être tenus de louer notre régime politique à chaque fois que nous exprimons notre amour de notre pays' En d’autres lieux, une formule analogue serait interprétée comme le signe de l’emprise de l’idéologie sur la Nation.

 

L’inquiétude première, d’ailleurs, dans les années 1870-80 n’était-elle pas de parer à tout retour possible de la Monarchie ou de l’Empire' N’est-ce pas la République qui, par l’Éducation Nationale, à l’époque une formidable réussite, a converti les français, en deux générations, au républicanisme' Grâce à de nombreux démocrates convaincus, notre république est demeurée libérale conformément à une tradition également honorée par l’Empire. Mais il n’est pas interdit de se demander ce que la République aurait pu être sans les Jules Ferry et autres démocrates convaincus' Un État policier, un État bolchevique avant l’heure'

 

Quoique le but du présent exposé n’est pas de dénoncer la République mais de clamer notre attachement à la Démocratie, nonobstant la forme de nos institutions, il nous aura paru utile de revenir davantage sur l’Histoire de France et de nous interroger sur cette chose publique que des politiques prennent en otage, désormais, pour servir leurs intérêts électoralistes. Mais aussi parce que ce leitmotiv prend parfois les allures d’un coup d’État.

 

En effet, n’est-il pas reproché à Nicolas Sarkozy de parler de la Nation, d’en réinsérer enfin le thème dans un discours politique respectable car profondément démocratique, au grand dam du Front National et du Mouvement Pour la France' Le plébiscite de la République, en 2002, prenait à entendre certains, l’allure d’un plébiscite contre la Nation. Or, rappelons que les champions de la Nation, hier, n’étaient pas à l’extrême-droite mais bien à gauche (les libéraux) et dans le sillage du bonapartisme!

 

Car hier, Monsieur (Louis XVIII) était restauré grâce à l’intervention des puissances étrangères et la noblesse comme le clergé ne se distinguaient pas tant pour leur zèle dans la défense de la Nation que de l’Ancien Régime ou de la France médiévale, donc « pré-nationale ». Dans la logique des Ultracistes (1815-30), c’était une tentative - quoique déjà passée de mode dès l’Ancien Régime - de retour à l’heure où Roi pouvait prendre épouse étrangère et léguer à ses héritiers des fiefs où l’on parlait une autre langue (et accessoirement, laisser les fiefs « nationaux » prendre par cour étrangère).

 

D’une manière semblable, la IIIe République s’installera dans la défaite et dans un patriotisme parfois défaillant. L’an mille huit cent soixante-et-onze est, notamment et avec la Commune, celui de ceux qui souhaitent la défaite de la France pour prévenir tout retour possible à l’Empire. La République est née, le soupçon perdure, d’une volonté de défaite et de l’empressement du gouvernement de Défense Nationale à signer un armistice par trop précoce quant à la sauvegarde des intérêts permanents de la France. Avons-nous cédé l’Alsace-Moselle pour consolider la République' Pour mieux réprimer le peuple de Paris'

 

Cet épisode fondateur fait partie de notre mémoire collective, il est passé à l’histoire et la République vit, a déjà changé par deux fois de constitution, et est aujourd’hui la seule forme envisageable de nos institutions. Néanmoins, cet épisode souligne une fois de plus le malaise éprouvé, manifestement, par nombre de républicains vis-à-vis des discours politiques qui rendent sa part à la Nation. Car rappelons nous de la polémique suscitée par le candidat UMP qui appelait à la création d’un ministère de l’immigration et de l’identité nationale. Certains opposèrent au second terme celui, plus neutre et plus fade, de citoyenneté. Faut-il donc toujours mettre la Nation en retrait pour mieux valoriser la République'

 

Était-il sain de laisser à la seule extrême-droite le discours de la Nation lorsqu’on se rappelle le puissant lien qui, hier, le liait à la liberté des peuples d’Europe' Faut-il d’ailleurs rappeler cet épisode peu glorieux de l’histoire des républicains du Second Empire qui prirent contre l’Empereur épris d’égalité, et voulant instaurer un vice-roi à Alger, la défense du ségrégationnisme colonial en Algérie' La République, certes, n’a pas le monopole de la tolérance. Et la Nation n’a pas le monopole du racisme.

 

En attendant, le malentendu perdure et pousse des millions de français désillusionnés à porter leur préférence sur un régime parlementaire. L’anti-système se nourrit d’une thématique républicaine qui se présente fallacieusement comme le meilleur garant de la démocratie. Or, le débat sur la revivification de notre démocratie mérite mieux que des slogans.

 

Pourtant, c’est bien la France l’objet de nos amours libéraux pris dans un sens épuré de la négativité artificielle dont le libéralisme a été chargé par des décennies de rhétorique marxisante et fascisante. Gauche et extrême-droite ont en effet été réunies dans un même combat contre la Nation française, les uns parce que l’étiolement du sentiment national rendait la France plus permissive quant à l’éventualité d’une expérience socialiste voire communiste - donc internationaliste! D’ailleurs cela ne s’accorde-t-il pas, d’un certain point de vue, avec le peu de cas que le féodalisme d’avant avant-hier faisait des peuples' - et les autres parce qu’ils n’ont jamais accepté la nation civique, émancipatrice et libérale promise par les Lumières - par opposition à la nation exclusiviste et ethnoculturelle, passionnelle et narcissique, raciste et patriarcale, « à l’allemande » .

 

Avant d’engager nos votes pour une éventuelle VIe République, arrêtons-nous donc un instant pour nous interroger sur la signification réelle d’un tel projet. Car cette VIe ressemble à la IVe! Et il n’est pas certain - on ne voit pas au nom de quoi ça serait si logique - que l’accroissement du poids des petits partis à la Chambre nous apporte mécaniquement un surplus de démocratie (car il ne s’agit pas ici d’un Parlementarisme discipliné à la mode britannique). Nous risquons au contraire de connaître l’amère expérience d’Israël (outre l’expérience italienne), celle d’un État pris dans les tourments de cabinets de coalition très hétérogènes qui handicapent les grands partis historiques (du fait, bien mécanique cette fois-ci, de leur affaiblissement) dans leurs velléités de signer la paix avec leurs voisins.

 

Handicapés par la nécessité de recueillir à la Knesset le soutien de formations politiques qui défendent des intérêts particularistes, c’est-à-dire de formations dont le discours repose essentiellement sur la base de la défense d’intérêts sectoriels (des lobbies au gouvernement!), et qui, pour les grandes questions nationales, doivent composer avec la surreprésentation parlementaire des seniors, des ultras, ou des russes (en cas de VIe République, nous pouvons nous attendre à voir un Parti Islamique siéger à l’Assemblée! - d’ailleurs, un tel parti existe déjà).

 

Le résultat pourrait en être une aggravation de cette tendance bien française à ne pas entreprendre à temps les réformes requises par la marche d’un monde avec lequel, pourtant, nous sommes interdépendants (le déclin de la France doit être compris en termes relatifs, en comparaison avec nos voisins et non en des termes absolus qui conduisent aux explications les plus farfelues). Par ailleurs, nous connaissons la fin tragique de la IIIe République où l’absence d’un président élu au suffrage universel direct peut se compter dans les causes qui ont mené tout droit à l’instauration par les parlementaires du régime de Vichy (bien que ce président pourrait tout aussi bien choisir de collaborer, sa dignité l’en aurait, en toute fidélité à la France, fortement dissuadé). Nous connaissons également la fin de la VIe qui a failli se produire au profit d’un coup d’État militaire.

 

Une autre issue pourrait en être l’affaiblissement de notre capacité à intégrer immigrés et enfants d’immigrés. Le communautarisme pourrait faire son lit, acquérir une représentation politique, prendre mairies et circonscriptions au nom de partis au nom évoquant explicitement une appartenance religieuse ou ethnique. En parallèle, les régionalismes en sortiraient renforcés. Enfin, si la question de l’intégration se pose en termes de valeurs et non pas uniquement en termes économiques et sociaux, il ne s’agit pas de « républicaniser » nos nouveaux concitoyens (Ne connaissent-ils pas déjà une république chez eux' Quelle différence cela leur fait-il, au fond') mais de les amener à prendre la Nation en partage. L’Histoire de la France, ses valeurs, la destinée commune des français, le pébliscite permanent de la France par chacun d’entre nous, sont autant d’éléments qui ont trait à la Nation, pas à une République qui, somme toute, n’est pas essentielle au caractère français.

 

Enfin relevons que dans la réforme de nos institutions d’autres propositions existent qui permettent de renforcer davantage le contrôle démocratique sur l’action de l’État. L’UMP propose de mettre fin à la prérogative présidentielle en matière de nominations, de politique étrangère et de défense. Le renforcement du pouvoir législatif peut très bien passer par une Ve République revigorée où le président se fera entendre à l’Assemblée Nationale et où les députés réunis dans de puissantes commissions scruteront, et rapporteront aux français, les provisions du budget de l’État.

 

Revivifier notre démocratie passe par le maintient du lien direct entre le Politique et les français. Ce dernier doit passer par l’affermissement du lien entre les élus et leurs électeurs et non entre les États-majors des parti c’est-à-dire entre l’aristocratie républicaine et les appareils de l’État.

 

 

 

Bibliographie (incomplète):

 

Sur l’histoire du Second Empire, je fais référence à l’ouvrage de Pierre Milza dans « Napoléon III » (notamment les chapitres sur « La politique extérieure de l’Empire (1861-69) » et le chapitre « Difficultés intérieures et libéralisation du régime (1862-68) ».

On se référera également avec beaucoup d’intérêt à l’article de Jean Tulard : « Napoléon III : un européen convaincu » (Historia n°37). En ligne.

Une opinion contrastée sur l’Empire et la démocratie peut se trouver sur le site Napoléon III, dernier souverain de France. « L’Empereur était-il démocrate' » de Jean Garrigues (L’Histoire n°211, juin 1997)

Sur l’Ultracisme et l’histoire des droits en général, on se référera à l’œuvre de René Rémond, « Les droites en France ».

Pour le reste, les cours d’histoire du lycée devraient avoir suffit!

 

 

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 59 minutes