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Blog : Léviathan

Arno Klarsfeld, Israël et ses ennemis

Arno Klarsfeld, Israël et ses ennemis - © Léviathan

Arno Klarsfeld est un paradoxe. Il est à la fois un brillant avocat et un drôle de « crétin ». Je dis cela sans prendre en compte le sens péjoratif - et bien plutôt affectueux* - de ce dernier terme mis entre guillemets car je pense précisément, et comme beaucoup, au verre d’eau lancé à la figure de Robert Ménard sur le plateau de « Tout le monde en parle ».

Bien sûr, cette prise de position de ma part ne préjuge absolument pas d’une opinion négative à propos de maître Arno Klarsfeld car je lui voue une grande estime. Et cela d’autant plus que je voudrais explorer une facette des raisons pour lesquelles il s’est engagé dans les Magav, les gardes frontières israéliens, dans un contexte d’Intifada et de « démonisation » d’Israël par les médias et l’ensemble de l’intelligentsia « bien pensante ». Peut-être est-il temps de m’associer à ceux qui veulent rompre avec ce consensus moraliste qui flirte dangereusement avec un anti-sionisme qui est fondamentalement d’inspiration antisémite - même si je continue de croire que parmi ceux qui s’en réclament, certains ne sont pas foncèrement antisémites mais simplement mal outillés pour comprendre ce conflit.

Arno Klarsfeld est parfois excentrique et il y a dans sa personnalité bien des aspects qui peuvent choquer et susciter le rejet mais je voudrais au contraire montrer qu’on ne doit pas s’arrêter à quelques gestes ou propos regrettables tenus par maître Klarsfeld et tout au contraire creuser. Creuser en ce sens i.e. vers un aspect, essentiel, de sa pensée telle qu’il l’exprime dans le Grand Journal de Michel Denisot - ndla: la vidéo est disponible à la fin de ce texte. Maître Arno est pour une solution à deux États dans le conflit israélo-palestinien et pour le partage de Jérusalem. Cette position, il la retient alors qu’il a été confronté à la réalité de la situation sur le terrain, à la frontière israélo-palestinienne, pas loin d’Hébron.

C’est là que gît le paradoxe - apparent - entre cet homme qui cite Spinoza pour qui la vertu doit être poursuivie pour l,’amour du bien et non pour la récompense d’un au-delà plein de félicité et qui s’engage dans un des conflits les plus hideux qui soient. Non pas, devrais-je préciser, que le conflit israélo-palestinien est le plus meurtrier, loin s’en faut d’ailleurs, mais il suscite des passions qui chez l’être humain comptent parmi les plus abominables qui soient et maître Arno en est sorti indemne, ou plutôt grandit comme l’atteste son témoignagne chez Denisot.

Toutefois, je voudrais ici quitter l’inspirateur et l’origine de mon impulsion à écrire ce texte pour amener mes lecteurs vers d’autres cieux où je tenterai d’expliquer pourquoi un maître Klarsfeld a été poussé à s’éloigner, un tant soit peu, de la France pour nouer avec Israël une relation de citoyenneté.

Par passions abominables, j’entends, certes, dénoncer le racisme anti-arabe d’une partie de la société israélienne - racisme ordinaire et comparable à celui qui sévit dans d’autres sociétés démocratiques le temps d’une longue guerre - qui est confrontée à une guerre d’usure menée par un ennemi implacable, retors et immoral. Les idéaux humanistes du sionisme des pionniers et des fondateurs de l’État d’Israël ont souffert de la longue croisade négationniste menée par ses ennemis. L’éthique du combattant qui épargne les civils autant que faire se peut n’est décidément pas dans l’esprit des terroristes (Fedayins des années 1950/70, terroristes islamistes depuis les années 1980) qui assaillent Israël et tuent des juifs essentiellement pour ce qu’ils sont.

Ce n’est pas pour excuser le racisme lorsqu’il est le fait de juifs (ni même pour faire oublier un antisémitisme incomparablement plus répandu chez les ennemis d’Israël) mais de pointer ici une réalité vécue par la population d’Israël que le reste du monde s’échine à ignorer. Car, dès le départ, pour les élites Arabes et Musulmanes de la province Ottomane du Cham, le Juif ne pouvait pas, en raison de son infériorité théologique (transfigurée depuis en infériorité raciale), disposer de la souveraineté sur un morceau de territoire conquis par les armées islamiques au début de l’expansion de l’État médinois (lequel État allait s’installer à Damas puis à Bagdad, etc.).

Ce rejet d’Israël par ses voisins comme principale cause du conflit est occultée parce qu’Israël est aujourd’hui puissant et victorieux de nombreuses guerres d’anéantissement. Et les « forts » ont toujours tort sauf que … Sauf que cela n’enlève rien au fait qu’avant de soutenir inconditionnellement les « faibles », mieux vaut s’interroger sur ce qu’ils feraient s’ils étaient en position de force et, à défaut de jouer les devins, immergeons-nous dans leur monde, le temps de lire ce texte ( et relevons également que la situation au Proche-Orient permet à certains, pour qui le souvenir de la Shoah qui pèse tant, de s’en délivrer pour reprendre leurs bonnes vieilles habitudes antisémites).

Les ennemis d’Israël, en effet, ne s’embarrassent ni d’une Cour Suprême pour juger les crimes de guerre de leurs militants ni de préventions concernant l’impact de leurs actes de guerre (tuer un juif, c’est toujours bien). Le Hezbollah pilonne le nord d’Israël sans se demander où atterriront ses roquettes et le ni le Hamas ni le Djihad Islamique ne cherchent à attenter aux symboles de l’oppression qu’ils dénoncent avec véhémence. Jusqu’à aujourd’hui, aucun attentat-suicide n’a visé les parfois nombreux check points israéliens en territoire palestinien. Les terroristes, par ailleurs, se sont arrogés l’avant-scène médiatique en étouffant les germes d’un mouvement de guérilla palestinien localisé dans les montagnes de la Cisjordanie.

Ce mouvement de guérilla palestinien mutilé, mais finalement reconnu par le ministre des affaires étrangères d’Israël, Tzipi Livni, souffre non pas de la conduite d’Israël mais de l’immense popularité des « martyrs », c’est-à-dire de la très nette préférence qui est accordée aux actions spectaculaires de ces derniers à la fois par les médias du monde entier mais aussi par l’ensemble des faiseurs de l’opinion Arabo-musulmane (clercs, intellectuels, médias arabes, hommes politiques, etc.).

L’icône du « martyr » est une arme de guerre idéologique qui sert bien des intérêts autres que celui de la lutte contre Israël. Il accorde aux mouvements islamistes du monde entier une prime de visibilité et la palme des plus intransigeants des défenseurs du monde islamique. Il participe à la lente mais sûre montée de l’esprit fasciste dans les sociétés qui sont encore fortement influencées par les valeurs religieuses et il participe à la propagation d’une culture de mort, i.e. de la reddition totale de l’individu aux desiderata absolus de chefs religieux charismatiques dont les motivations sont politiques.

Les conventions internationales ne considèrent pas le terrorisme comme une méthode légitime de lutte. Il y a dans cette conception un problème moral difficilement soluble ou encore le signe d’une carence de la morale ordinaire des citoyens du monde entier. En effet, au sens strict, même la résistance française contre l’occupation nazie peut-être qualifiée de terrorisme (et donc paraître illégitime) et de nombreux supporters du Hezbollah, du Hamas et d’autres mouvements terroristes islamistes utilisent l’argument sans parcimonie pour les faire passer pour d’authentiques mouvements de résistance.

Or, peut-être faut-il introduire ici une distinction entre faits et valeurs, c’est-à-dire entre le terrorisme comme moyen et le terrorisme comme fin. On comprendra aisément que le terrorisme comme moyen est parfois, comme la trahison, la dernière ressource des justes. Mais, tout au contraire, jamais on ne comprendra que le terrorisme comme fin puisse être légitime car il constitue l’essence même de la tyrannie. Le terrorisme comme moyen est retenu parce que c’est la seule ressource disponible pour atteindre un objectif politique raisonnable, limité et objectivement réalisable. Le terrorisme comme fin en soi sert une ambition démesurée, illimitée et objectivement irréalisable sauf à contraindre son adversaire, s’il est un jour vaincu, à renoncer définitivement à sa sécurité, à sa dignité humaine ou à la vie .

Ces deux terrorismes ne peuvent pas être traités sur un même pied d’égalité. Et pour illustrer mon propos, je vais prendre l’exemple de l’action menée par deux terroristes du groupe Stern dans l’Égypte alors sous tutelle britannique en 1944. Michael Walzer, philosophe américain et auteur de « Guerres justes et injustes » nous livre sa réflexion:

3) En novembre 1944, Lord Moyne, Secrétaire d’État britannique au Moyen-Orient, fut assassiné par deux membres du groupe Stern, un groupe sioniste d’extrême-droite. Les assassins furent arrêtés quelques minutes après le meurtre par un policier égyptien. voici comment l’un des deux décrit son arrestation: « Nous étions suivis par un policier à motocyclette. Mon camarade était derrière moi. Je vis le policier le rejoindre (…) J’aurais pu facilement le tuer, mais je me contentai de (…) tirer plusieurs fois en l’air. Je vis mon camarade tomber de sa bicyclette. Le policier était déjà presque sur lui. Cette fois encore, j’aurais pu le tuer d’une seule balle, mais je ne l’ai pas fait. C’est ainsi que je fus arrêté ».

Ces trois cas ont un point commun: les « terroristes » font une distinction, qui a une signification morale, entre les gens que l’on peut tuer et ceux que l’on ne peut pas tuer. La première catégorie n’est pas composée d’hommes ou de femmes en possession d’armes, qui constituent une menace immédiate en raison de leur formation militaire et de leur engagement. Il s’agit de personnages officiels, d’agents politiques de régimes jugés oppresseurs. Ceux-ci bien sûr sont protégés par les conventions internationales (…). Mais une telle classification ne rend compte que partiellement de nos jugements moraux ordinaires. Car nous jugeons l’assassin par rapport à sa victime et, quand la victime ressembler à Hitler, par exemple, nous avons tendance à louer l’acte de l’assassin, même si nous ne lui donnons pas le nom de soldat. La seconde catégorie est moins problématique: les citoyens ordinaires, qui ne sont pas engagés dans une cause politique malfaisante - c’est-à-dire qui ne sont ni les responsables ni les exécutants de lois considérées comme injustes - se trouvent à l’abri d’une attaque, qu’ils soutiennent ou non ces lois. C’est ainsi que les enfants de l’aristocratie, les passants de Coventry ou même les policiers égyptiens (qui n’avaient rien à voir avec l’impérialisme britannique en Palestine) sont considérés comme les civils le sont militairement.  (Walzer 1977, 278)

Le morceau de phrase clé ici est « distinction, qui a une signification morale ». Il est essentiel que le terroriste opère comme les militaires une distinction entre ceux qui peuvent être tués et ceux qui ne doivent pas être tués. Parce que la morale conventionnelle exige d’épargner les vies innocentes - dans la mesure du maximum possible - alors le terroriste, qui a choisit un mode opératoire qui s’en écarte, doit s’efforcer de rétablir dans sa situation si particulière les critères impératifs de cette morale. C’est-à-dire que le terroriste, s’il sait qu’il rompt avec les principes énoncés dans les conventions internationales, n’en est pas moins astreint à manifester que cette posture n’est pas voulue mais qu’elle lui est imposée par les circonstances. Pour ce faire, il doit, même dans l’illégalité, rétablir l’essentiel des règles morales que toute action qui se veut légitime entraîne nécessairement dans son sillage.

Cet honneur du combattant - dont les origines sont immémoriales et dont l’exemple qui revient le plus souvent est celui du « code de la chevalerie » au Moyen-Âge - est totalement absent des considérations des terroristes manipulés par les leaders islamistes. Sur ce point, d’ailleurs, il faut revenir à l’histoire du terrorisme. En effet, il est souvent dit que les premiers terroristes étaient les Hashshâshîn du nom de la secte fondée par l’ismaélien Hassan-i-Sabbah. Le qualificatif de terroristes dans un contexte historique très différent du notre est à prendre avec des pincettes mais nous observerons, néanmoins, que si ces « premiers » terroristes étaient imprégnés d’une ferveur religieuse sans pareille, ils n’attentaient pourtant qu’à la vie des adversaires politiques de leurs maîtres.

Les populistes russes, à leur tour, ne tenteront de tuer que des hommes de pouvoir, en particulier « le grand-duc Serge, un homme personnellement impliqué dans la répression des mouvements extrémistes. » (Walzer 1977, p277). Or, les terroristes qui aujourd’hui frappent Israël, les Iraquiens, les Indiens et bien d’autres visent explicitement les civils. Ni les fonctionnaires de l’État jugé oppresseur ni ses militaires ne tombent dans des embuscades mais les écoliers dans les bus scolaires et les marchés qui accueillent leurs parents.

Ici je voudrais revenir sur certaines thèses émises, de-ci de là, par des citoyens ordinaires et des intellectuels bien en vue. Ces derniers estiment que l’oppression exercée par Israël sur les Palestiniens est telle qu’elle justifie parfaitement le recours à l’attentat-suicide. En effet, ils retiennent le suffixe « -suicide » pour étayer le point de vue selon lequel l’acte du terroriste suicidaire est altruiste. C’est manquer, il est vrai, de psychologie que de ne voir dans le suicide qu’un acte purement altruiste. Ici, je me permettrait d’aller contre Émile Durkheim car il reste des morts leur oeuvre sur terre et celle-ci prend un sens dès avant le sacrifice ultime tout autant qu’elle laisse une empreinte indélébile dans la mémoire des vivants.

Inutile de revenir aux guerriers Grecs Anciens pour savoir que l’être humain conscient de sa charnelle mortalité est en quête d’une certaine forme d’immortalité par l’accomplissement d’une oeuvre qui le distinguera à jamais des vivants qui n’eurent pas l’honneur de mourir au champ d’honneur. Par ailleurs, il est important de recadrer le conflit israélo-palestinien dans l’espace alloué aux représentations car si pour le terroriste et celui qui le soutien moralement tuer des juifs est un acte héroïque c’est que toute une éducation a été faite pour que cela soit considéré comme tel. En effet, l’Histoire nous enseigne, par contre, qu’il n’existe pas de peuples qui aient considéré comme valorisant de cibler des enfants.

Comment est-on parvenu à considérer héroïque ce qui relève de la lâcheté? C’est une curieuse inversion des valeurs qui s’est produite chez un certain nombre de musulmans - ce que Abdelwahhab Meddeb qualifierait de « Maladie de l’Islam » - et je crois que c’est tout à fait étranger au comportement d’Israël. Ce qui est insupportable n’est pas ce que Israël fait mais qu’Israël soit. Il faut pour effacer l’existence entière d’une communauté nationale un terrorisme des fins et non des moyens. J’explique cette insupportable émancipation juive en terre d’Israël pour la psyché islamiste dans un autre article publié sur ce blog aussi je ne m’étendrai pas sur ce point dans celui-ci. Mais je voudrais aborder un certain nombre de représentations erronées qui servent de caution morale au crime contre l’humanité perpétré par les islamistes Palestiniens.

D’abord Israël n’extermine pas les Palestiniens. C’est un comble qu’un peuple soumis à génocide par l’une des armées les plus puissantes du monde croisse aussi rapidement - accessoirement, peut-être que les juifs auraient-ils préféré subir ce genre de génocide de la part de nazis qui en réduisirent près de six millions. On se souvient qu’au Rwanda, il a suffit de machettes, d’armes légères et de deux mois pour exterminer 800 000 personnes. Par ailleurs, si les Palestiniens ont le droit à un État dans lequel ils seraient collectivement maîtres de leur destin, il n’en demeure pas moins que les plus grands tortionnaires des Palestiniens ne sont ni Juifs ni Israéliens mais Arabes et souvent musulmans, parfois chrétiens (les massacres de « Septembre noir »  en Jordanie en 1970 et les différents massacres commis à leur encontre au Liban soit par des miliciens chrétiens soit chiites par Amal à Sabra et Chatila en 1985 soit… palestiniens pro-syriens comme la Saïka à Tripoli en 1983) (Encel 2004 p).

D’autres peuples qui n’ont toujours pas réussi à obtenir satisfaction de leurs revendications nationales ne s’adonnent pas à ce type de terrorisme sans pour autant renoncer à d’autres manières de faire la guerre. Par exemple les Kurdes: ils sont morts par centaines de milliers dans des massacres perpétrés par les Turcs, les Iraquiens et les Syriens. Et si de nombreux africains meurent de faim et dans l’absence totale de reconnaissance de leurs malheurs (contrairement aux Palestiniens), aucun n’a jusque là tenté de commettre un attentat-suicide contre les oppresseurs blancs.

Certains esprits chagrins et par trop empressés de se porter systématiquement au secours de la réputation de la « sublime religion » objecteront que les Kurdes sont musulmans et donc que la logique du terrorisme n’est pas inhérente à l’islam. Et c’est tout à fait exact puisque les Kurdes n’ont pas été, à de rares exceptions près, éduqués à l’idéologie des islamistes. Et c’est en partie parce que ces derniers favorisent, très souvent dans cette région, la prépondérance de l’élément ethnique arabe. Quant aux africains noirs, pour leur « malheur », ils ne peut pas être dit qu’ils sont victimes des Juifs, ce qui, du même coup, ne provoque pas la surprise quant à leur manque de « réactivité terroriste » devant leur misère parfois extrême.

L’idée ici n’est pas faire un procès pour antisémitisme à tous ceux qui « comprennent » le terrorisme des islamistes Palestiniens - car beaucoup ne haïssent pas les Juifs - mais de pointer du doigt une carence dans leur raisonnement. En effet, il faut à l’évidence se rendre compte que le terrorisme n’est jamais l’arme de l’extrême dénuement que se complaisent parfois à nous dépeindre les thuriféraires de la cause palestinienne. Le terrorisme, c’est l’arme de ceux qui peuvent se permettre d’avoir une idéologie et pour avoir quelques idées politiques, il ne faut pas être occupé à déterrer des racines à manger pour survivre.

Or, il faut relever que tout un système cohérent mais néanmoins parfaitement fallacieux de représentations s’est mis en place progressivement autour du conflit qui oppose Israël au peuple Palestinien. Le fond de ce raisonnement spécieux a été construit sur une injustice historique dont les Palestiniens auraient été les victimes. C’est la thèse de la Nakba, cette catastrophe qui aurait été la déportation de centaines de milliers de Palestiniens afin que l’État d’Israël prenne place dans une partie de l’ancien mandat britannique sur la Palestine. Par ailleurs, cette thèse est reprise sous le nom de « péché originel d’Israël » par les nouveaux historiens israéliens.

L’idée même d’une déportation planifiée par les organisations sionistes combattantes est issue d’une exagération. Le procédé consiste à amplifier les massacres perpétrés par des groupuscules sionistes radicaux - et par ailleurs combattus par la Haganah - pour faire croire que les exemples abondent d’évènements qui furent de tragiques actes isolés. Ces actes isolés furent repris à leur tour par la propagande de guerre des radios arabes en ondes à ce moment là et ils furent délibérément amplifiés pour condamner aux yeux du monde la cause sioniste et mobiliser également le plus d’arabes possible au service de la cause - pas encore palestinienne - de la destruction d’Israël. Bien entendu, il ne s’agit pas d’excuser les criminels qui perpétrèrent ces massacres au nom d’un idéal sioniste dévoyé mais de resituer dans son contexte la naissance de l’État moderne d’Israël.

En effet, dans les années 1947-9, au moins trois grands mouvements de populations eurent lieu dans le sillage de l’apparition d’États-nations modernes. D’abord, le déplacement vers la RFA de près de dix millions d’Allemands fuyant la Silésie et la Prusse Orientale sur laquelle allait désormais d’établir la Pologne (il existe d’ailleurs un mouvement allemand - politiquement très embarrassant pour Berlin - qui réclame des compensations à la Pologne). Ensuite, le déplacement de millions d’Hindous et d’Indiens musulmans de part et d’autre de la frontière entre l’Inde et le Pakistan Occidental et entre l’Inde et le Pakistan Oriental. Dans dans le dernier cas, ces déplacements de population provoquèrent une hécatombe parmi les personnes concernées par la relocalisation de leur habitat. Enfin, le troisième cas nous est bien connu, c’est celui qui amena les populations juives et arabes de Palestine à partiellement se séparer. Le mobile derrière tous ces déplacements/échanges de population (car des juifs établis en Judée-Samarie/Cisjordanie se déplacèrent également vers l’ouest, vers Israël) est de conformer la géopolitique d’une région donnée et habituée aux grands empires à l’exigence d’un nouveau partage fondé sur l’État-nation.

Dans le même ordre d’idées, l’éclatement de la Yougoslavie est également du au fait que les peuples qui constituaient cet État multinational ne souhaitaient plus vivre ensemble et lorsqu’ils ne se sont pas séparés géographiquement pour se retrouver dans l’État d’un autre, des massacres ont été perpétrés. Enfin, si la Nakba demeurera chez les Palestiniens, les Arabes et leurs sympathisants un évènement tragique de mémoire historique, il n’en demeure pas moins que c’est assez largement un mythe fabriqué pour servir un dessein politique anti-israélien. À partir de ce mythe qui refuse d’appliquer à l’histoire d’Israël les comparaisons adéquates dans le but évident d’incriminer le projet sioniste tout entier va être édifiée tout un ensemble d’approches retorses envers Israël.

Désormais, et même depuis le début de son indépendance, Israël ne sera jamais jugé à l’aune des critères qui valent pour les autres nations et ainsi l’on se permettra de décrier un génocide à Jénine en dépit du nombre par trop « infime » des victimes pour une tragédie de cette catégorie (génocide qui, dans des combats qui se déroulaient en milieu urbain « n » ‘a vu la mort d’environ 25 soldats israéliens, 25 combattants palestiniens et 25 civils palestiniens). On retiendra aussi le seul massacre de Sabra et Chatila de 1982 parce que l’armée israélienne était a proximité et qu’elle n’a pas remplit ses obligations conformément à la IVe convention de Genève mais on oubliera tous les autres Sabra et Chatila qui n’étaient pourtant pas moins cruels mais n’offrent pas l’opportunité de faire porter le blâme par Israël. Et puis, d’une manière générale et répétitive, l’on fustigera les erreurs de tir de Tsahal ou encore les réponses « disproportionnées » de la Heyl Ha’Avir sans prendre la peine de comparer la fréquence de ces erreurs ou l’ampleur de ces ripostes avec celles commises ou engagées par d’autres armées modernes du même calibre ou d’autres États confrontés à des situations comparables. La comparaison entre Israël et les autres États ne sera pas raison et les Juifs Israéliens dont le projet sioniste était foncièrement celui d’une sortie de l’ « errance » et du statut d’exception si dénigrant qui l’accompagnait sera contrecarrée par nombre de ces goyim qui un ou deux millénaires durant ne cessaient de leur en faire le reproche.

Curieuse ironie historique du Juif toujours mouton noir de la famille humaine - je ne veux pas exagérer: il existe de nombreux non-juifs et je crois une majorité qui ne croient pas que les Juifs sont un peuple tellement à l’écart mais qu’ils ont, comme tous ceux qui ont la conscience de faire partie d’un peuple, une personnalité particulière parfaitement légitime - au sujet de qui toute pondération dans l’appréciation est impossible.

* « Crétin! »  J’ai toujours aimé cette invective - à peine une insulte- définitive et affectueuse. Oui, affectueuse. Le crétin, c’était autrefois l’idiot du village, l’innocent. Les écrivains en ont fait un type : le dos voûté, le regard fuyant, un chien en maraude. » (Bernard Lecherbonnier, « Préface », dans Jean-Paul Brighelli, La fabrique du crétin. La mort programmée de l’école (Paris: Gallimard, 2005), pp9-15.

 

NB : Les sources et les références seront complétées demain. Elles comprennent déjà Michael Walzer « Guerres justes et injustes », Frédéric Encel « Géopolitique d’Israël » et Abdelwahhab Meddeb « La maladie de l’islam ».

 

 


Arno Klarsfeld chez Denisot
envoyé par Ben-Yehuda
Membre Juif.org





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