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Blog : Carnets d'actualitéL'aveuglement
En cette veille du 1er mai, nos confrères soulignent que la révolte gronde. Dominique de Villepin ne redoute(ou ne souhaite) rien de moins qu'un « esprit révolutionnaire », Alain Juppé trouve cette expression à peine excessive, Jérôme Monod estime que, dans un avenir proche, un drame est inévitable(1). Les socialistes et les centristes jugent qu'il est de leur devoir et de leur intérêt de donner une sévère leçon au pouvoir. Quant à ceux que fédère l'extrême gauche, ils pensent qu'il faut décidemment en finir avec cet homme. Après tout, en mai 68, on avait conduit au départ un homme historique, une légende vivante. À cette époque, le mouvement était venu des étudiants. Ils se demandaient si la société de consommation avait un sens tandis que les tanks soviétiques écrasaient le Printemps de Prague et que les Américains négociaient à Paris avec le Vietminh. Aujourd'hui, ce mouvement vient des salariés qui sont, eux, en phase avec toutes les victimes, présentes et à venir, de la crise mondiale. Quant à ceux qui redoutent des situations imprévisibles ou des contagions émeutières, ils parient non sur la capacité du président à se faire entendre mais sur celle des syndicats à se faire respecter. En mai 68, les syndicats ont fini par négocier avec succès toutes leurs revendications. Puis, ils ont fait respecter l'ordre et l'ont imposé aux étudiants. Aujourd'hui, les syndicats sont à la fois faibles et désunis. Ils viennent sans doute de projeter des actions communes mais ils sont loin d'être toujours maîtres de leurs troupes. C'est une situation dangereuse parce que les manifestants rebelles aux organisations se livrent à des actions extrêmes qui ne sont pas entièrement rejetées et qui, parfois, sont même populaires. Après quelques petits couplets sur « la violence inacceptable » (lorsqu'il s'agit de la séquestration de patrons par exemple), c'est tout un cortège d'incitations à l'indulgence, à la compréhension et à la solidarité qui arrive de toutes les parties de la population. Quelles que soient les analyses, on en arrive à une conclusion qui domine toutes les autres : en dehors des effets d'une crise économique mondiale que personne ne songe à sous-estimer, Nicolas Sarkozy n'arrive pas à trouver le ton qui convient pour s'adresser à la nation. Il y a eu parfois des convergences entre le besoin de réforme des Français et le désir d'affirmation du président. On peut mettre à son crédit, notamment en politique étrangère, une bonne gestion de l'Europe, des rapports réalistes avec la Russie et la Chine et quelques actes d'indépendance à l'égard des Etats-Unis, malgré le retour de la France dans l'Otan. Mais l'impopularité du président, pour être depuis peu moins alarmante, demeure inquiétante. Depuis De Gaulle et la Vème République, le pouvoir a toujours été plus ou moins personnalisé. Mais depuis le quinquennat et sa gestion par Nicolas Sarkozy, on assiste au déploiement de la puissance et du caprice d'un homme omniprésent, impatient de surprendre chaque jour, et de mettre sa marque sur des reformes accumulées et sans cesse amendées. Cette fiévreuse et harcelante obstination aboutit à installer le président dans une épreuve de force quotidienne même avec les catégories de Français qui devaient lui être le plus proche. Mais il a décidé d'ignorer cette évidence car il ne croit ou affecte de ne croire qu'en lui-même et à la grâce qui l'a fait parvenir à l'Élysée. Ses interlocuteurs et ses collaborateurs comme ses thuriféraires le savent : quel que soit le langage qu'ils tiennent au président, ce dernier leur répond : « Avec vos arguments, je n'aurais jamais été élu ». C'est le sentiment que j'ai observé chez tous les hommes d'Etat. C'est d'ailleurs aussi celui de Ségolène Royal qui se réfère toujours aux dix-sept millions de Français qui ont voté pour elle. Mais Sarkozy a porté cet état d'esprit au paroxysme de l'obsession : en dépit de tous les signes de l'infortune et de l'adversité, il pense qu'il est seul à avoir raison. Sans doute peut-on dire qu'on l'a vu capable d'adaptation, c'est-à-dire, en clair, de reniement. Les mesures tardives et insuffisantes qu'il vient de prendre en faveur de jeunes sans emploi ou susceptibles de le devenir montrent qu'il a au moins pris conscience que la révolte la plus contagieuse vient de la jeunesse. Mais enfin, pour ma part, je me rallie à l'idée qu'il convient d'adresser à Nicolas Sarkozy grâce, par exemple, aux élections Européennes, un signal d'alarme. Ethique progressiste La liberté que procure l'âge, je vérifie tous les jours pourquoi Mauriac s'en enchantait. Je n'ai donc pas l'intention d'y renoncer. Et voici ce quelle me dicte, sur le rapport avec le pouvoir, notamment celui de M.Sarkozy. Lorsque le président ou même Henri Guaino ont cru devoir citer comme une référence de leur patrimoine spirituel des noms comme ceux de Jaurès, de Léon Blum et de Zola, au lieu de m'en indigner, je m'en suis félicité. Je ne me suis pas préoccupé de savoir s'ils étaient sincères ou pas. Je me suis dit que s'il fallait, pour être populaire, emprunter à la gauche ses héros, c'était une victoire qu'il convenait d'engranger. Je me suis dit aussi qu'en dépit de mon pessimisme, il fallait sans doute croire encore au progrès. L'histoire allait dans le bon sens. Il ne viendrait à l'idée de personne de citer comme faisant partie des gloires nationales Joseph de Maistre, Charles Maurras ou Léon Daudet. Lorsque nos mêmes dirigeants s'emploient à faire le procès du capitalisme financier, à réhabiliter l'intervention de l'Etat, à lutter contre les paradis fiscaux, à dénoncer les patrons abusifs et à faire l'éloge de la protection sociale, voire de l'Etat-Providence, je me soucie peu de savoir si les nouveaux justiciers sont parjures ou tartuffes. J'observe simplement que les luttes de notre jeunesse n'ont pas été tout à fait inutiles. Enfin, lorsque, dans ce discours fameux de Dakar, Nicolas Sarkozy proclame et dénonce le fait que les Européens, en envahissant l'Afrique, ont volé les biens de ses habitants et violé l'âme de ses peuples, je ne me demande pas s'il s'agit d'une « bonne conscience néo-colonialiste et assimilationniste », selon des analyses qui se réfèrent imprudemment à Aimé Césaire. Il m'importe peu de faire la psychanalyse de ces nouveaux pourfendeurs de l'injustice. J'observe, en revanche, avec un prodigieux intérêt, qu'il y a désormais, pour parler de l'Afrique un passage obligé et qu'il est autocritique. Je me dis alors que les combats que nous avons menés aux côtés des Africains n'ont pas été vains. On me fait remarquer qu'il s'agit de choses bien connues et qu'il n'y a aucun mérite à les répéter. Sans doute, mais c'est ce que l'on disait de l'antisémitisme tout en réclamant que l'Etat prenne ses responsabilités jusqu'à ce que Jacques Chirac ait pris la décision de le faire. Il ne s'agit pas de savoir pour revenir au destin de l'Afrique, ce qui était connu mais de saluer le fait qu'un président de la République consacre la reconnaissance du pêché colonial comme vérité nationale. Pour rester sur le même sujet, je pense que ce sont les colonialistes occidentaux qui ont exclu les Africains de l'Histoire et qui les ont rendus colonisables, comme le disait un penseur algérien, Malek Bennabi qui a fait une thèse sur la colonisabilité. Par ailleurs, pour citer Hubert Védrine : à la place des Africains, je dirais aux Occidentaux : quand on voit ce que vous avez fait de l'Histoire, on est heureux de n'y avoir pas participé. Autrement dit, je me place du côté du progrès, des idéaux de la gauche et non de l'intérêt politique que les hommes du pouvoir pourraient trouver à les instrumentaliser. C'est ce que l'on peut appeler une « éthique progressiste ». J.D. (1) Ancien directeur de Suez-Lyonnaise des eaux et collaborateur de Jacques Chirac, Jérôme Monod vient de publier « les Vagues du temps » chez Fayard.
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