9 août 1982 : une grenade explose rue des Rosiers Christine Taconnet Visionnez également des films d'époque sur notre site Interne
jeudi 09 août 2007 | Le Parisien
9 août 1982 : une grenade explose rue des Rosiers
(LP/CHRISTINE TACONNET.)ZOOM
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LA MOSAÏQUE jaune est toujours là, toujours surplombée du long ruban rouge, où le nom Jo Goldenberg se détache en lettres d'or. Les menus d'Europe de l'Est restent affichés derrière la vitrine poussiéreuse. Mais combien de temps encore le restaurant de ce traiteur juif, fermé depuis son dépôt de bilan l'an dernier, restera-t-il comme un témoin visible d'un des pires attentats antisémites perpétrés sur le sol français ?
Il était environ 13 h 10, ce 9 août 1982, quand une explosion retentit dans le restaurant juif le plus connu de la capitale.
Deux hommes à pied, mitraillettes au poing, s'engouffrent immédiatement et tirent sur les clients attablés. Puis ils couvrent leur fuite vers la rue des Blancs-Manteaux en tirant à l'aveuglette sur les passants. Bilan : six morts et 22 blessés, dont neuf graves. Cet attentat, plus meurtrier encore que celui de la rue Copernic, qui avait fait trois morts et neuf blessés dans une synagogue deux ans auparavant, marque à jamais les habitants et la communauté juive dans son ensemble.
Pas de commémoration
Pourtant, vingt-cinq ans plus tard, aucune commémoration n'est prévue. « Vous savez, les Juifs ont tant de dates tragiques à commémorer... Mais peut-être aurions-nous dû être plus attentifs », concède Richard Prasquier, président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France). Pour Sammy Ghozlan, président de l'Union des conseils des communautés juives d'Ile-de-France, l'absence de cérémonie n'est pas non plus une surprise : « Les juifs ont peur de lasser. Est-ce vraiment à eux de prendre cette initiative ? ». Inspecteur de police à l'époque, il avait été dépêché sur les lieux pour calmer les rapports tendus avec les forces de l'ordre et se souvient combien cette tuerie avait déstabilisé les habitants.
Aujourd'hui, certains commerçants s'agacent pourtant qu'on veuille remuer ces lourds souvenirs. « A quoi bon ? » Les années ont passé, rue des Rosiers comme ailleurs. Et presque tout a changé. Même le restaurant Jo Goldenberg risque de disparaître, remplacé par un nouvel établissement géré par les frères Costes. Les témoins de l'attentat aussi se font rares. Beaucoup sont décédés. D'autres sont partis. Même le coiffeur Yoram, qui tenait boutique en face de chez Goldenberg, a plié bagage il y a un mois. L'ancien Pletzl, petite place en yiddish, ce village de juifs ashkénazes qui s'étendait autour de Saint-Paul, a cédé la place à un quartier où la présence juive est chaque année moins forte. « De toute façon, dans dix ans, la rue de Rosiers ne sera plus juive », assure André Journo, galeriste, qui réside ici depuis son enfance. Afin de perpétuer quand même cette mémoire qui s'étiole, l'Union des conseils des communautés juives d'Ile-de-France a officiellement demandé hier soir à la mairie de Paris d'installer, en plus de la plaque à la mémoire des victimes, un monument pour « préserver ces lieux chargés d'histoire ».
RUE DES ROSIERS, 9 AOUT 1982. Après avoir jeté une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg, deux hommes tirent sur les clients. Bilan : 6 morts et 22 blessés. RUE DES ROSIERS, HIER. Le bistrot Jo Goldenberg est toujours là, mais il a mis la clé sou (LP/ARCHIVES.)
RUE DES ROSIERS, 9 AOUT 1982. Après avoir jeté une grenade dans le restaurant Jo Goldenberg, deux hommes tirent sur les clients. Bilan : 6 morts et 22 blessés. RUE DES ROSIERS, HIER. Le bistrot Jo Goldenberg est toujours là, mais il a mis la clé sou (LP/ARCHIVES)
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