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Blog : Carnets d'actualité

« Alors, José ? »

José Aboulker, qui vient de mourir à 89 ans, solitaire dans son petit mas austère des Alpes de Haute Provence, à Lurs, a fait partie de la seule aristocratie que ma génération a vraiment reconnue : celle des  Français Libres et de ceux qui, parmi les héros de la Résistance, ont mérité d'être distingué par de Gaulle pour être Compagnons de la Libération.  « Ne railliez pas, jeunes antimilitaristes ! Jamais honneurs militaires ne furent rendus à une telle cohorte de rebelles », disait José Aboulker .

C'est grâce à lui que j'ai connu très jeune l'univers de la Résistance. Dès 1941, José Aboulker a fondé un réseau qui obtint le soutien de Henri d'Astier de la Vigerie avec lequel il prépara l'assistance française au futur débarquement de 1942, en liaison avec le consul Robert Murphy, représentant du président Roosevelt à *Alger. Le centre de cette conspiration fut le domicile du père de José, le professeur Henri Aboulker, au 26 rue de la rue Michelet.

Dans la nuit du 8 Novembre 1942, José Aboulker eut l'occasion d'appliquer un plan très élaboré : l'occupation d'Alger par quatre cents Résistants .Les responsables militaires et civils vichystes, à commencer par le général Juin , Commandant en chef, et l'amiral François Darlan, furent arrêtés par des jeunes gens entre 18 et 22 ans !Je n'ai pas eu le mérite de participer à ces arrestations mais j'ai eu l'immense joie ,sur ordre de José Aboulker d'attendre le fameux message radiophonique  «  Franklin arrive » pour annoncer le débarquement américainµ. C'est-à-dire qu'à l'aube du 8 Novembre, j'ai pu apprendre à José que notre petit réseau avait accueilli entre Staoueli et Zeralda le premier commando anglo-américain.

J'avais été mis dans le secret de ces groupes de résistants six mois plus tôt au cours d'une réunion consacrée aux réactions que pourraient avoir les jeunes gens victimes du numerus clausus appliqué à l'Université par les lois de Vichy. Un grand jeune homme froid, dont l'ascendant était certain, gardait ostensiblement le silence .C'était l'un des héritiers de la dynastie Aboulker. Une famille de juifs algériens où tout le monde était médecin depuis des générations et qui concentrait l'aisance, le savoir , le courage et toujours la dignité.

A la fin de la réunion, José était vers moi et m'avait demandé de faire quelques pas avec lui. Il me dit qu'au moment où l'on retirait leur citoyenneté à tant de francs-maçons, de communistes et de résistants, il ne convenait pas de faire du « judéo-centrisme » ;Il me demanda s'il pouvait compter sur moi pour quelque chose «  de très important ». Par dignité, je ne lui dis qu'un « je crois » .En me serrant la main, il me conseilla d'une voix à la fois ferme et hautaine de ne jamais laisser à l'adversaire le soin de déterminer mon combat ou ma mort : « Ce n'est pas aux antisémites que je laisserais le soin de sculpter mon destin ».

J'avais évidemment été séduit par ce garçon de 21 ans, sans prévoir tout de même qu'il allait bientôt être à l'origine de la paralysie de la ville d'Alger, de l'arrestation de général Juin, avant de partir pour Londres en uniforme de capitaine de la France Libre et d'être reçu par de Gaulle (« Alors, José ?»), d'être plusieurs fois parachuté en France, de devenir Compagnon de la Libération, puis l'un des patrons de la chirurgie crânienne à Paris.

Le tabou de l'identité

Notre confrère « Libération » a sa manière de jouer le jeu .En gros, il est plutôt hostile au principe du débat qu'il organise pourtant avec éclat sur l'opportunité de définir l'identité nationale. Les meilleurs esprits ont accepté de se prononcer dans ses colonnes sans crainte de faire le jeu du pouvoir et je trouve, pour ma part, qu'ils ont eu raison.

Mais s'il m'est permis de simplifier à outrance leur position moyenne, universitaires et écrivains répugnent à s'interroger sur la nature de leur appartenance à la France .Et si je les comprends bien, il faut surtout ne pas se demander qui l'on est, si l'on est Français ou pas et en quoi cela consiste car on s'exposerait au risque d'inciter ceux qui veulent nous rejoindre à nous imiter .Nous ne sommes personne  et fiers de l'être! Vous êtes vous-mêmes et nous ne voulons même pas savoir qui vous êtes, de peur de paraître vous contraindre à vous renier en nous imitant. Vous êtes citoyens du monde, venus de nulle part, et vous résidez parmi nous en vous affirmant comme bon vous semble.

Avec une touche d'impertinence caricaturale, j'affirmerai qu'aucun des textes publiés dans « Libé » ne permet à un lecteur non pas moyen mais normal de comprendre ce qui s'est passé après la victoire des Algériens sur l'Egypte dans le dernier match comptant pour la qualification à la Coupe du Monde. Nous avons vu, en France, des citoyens français, algériens ou franco-algériens exploser de joie dans les villes de leur patrie de refuge et d'adoption. Rien n'est plus beau que le spectacle de la joie. Mais enfin, ceux qui brandissaient le drapeau algérien avaient, eux, le sentiment d'une fierté nationale et celui de l'appartenance à une identité précise. A-t-on le droit de s'interroger sur cette identité ? Et si oui, faut-il s'interdire de s'interroger sur la nôtre ?

A un moment où la démographie planétaire explose, où les flux migratoires ne sont plus contrôlables, où certains émigrés forment des communautés homogènes qui affirment une « identité de fidélité aux racines » (Lévi-Strauss), il est plutôt singulier de réentendre le même discours individualiste, érudit et rituel sur les tabous de l'identité. Le respect de la diversité, loin de consister en une négation des identités, doit constamment veiller à vérifier avec vigilance qu'aucune d'entre elles ne devienne meurtrière ou simplement dominatrice.

Camus chez lui

Décidemment, ces gens-là, ceux du pouvoir , ne nous laisseront jamais en paix .Je ne voudrais pas être à la place de mon amie Catherine Camus ni d'ailleurs à celle de Jean, son frère. Mais enfin, il est si bien, notre cher Camus (il n'y avait que Guilloux pour l'appeler Albert), si bien, chez lui, dans ce petit cimetière, où nous allions le voir pour l'évoquer avec plus de joie, d'ailleurs, que de regrets. Le déplacer, le déloger, en somme ? Ce serait, fut-ce pour les meilleures raisons, un viol de domicile. Cela dit, ma réaction la plus viscérale, c'est de dire que cette histoire est tout simplement merveilleuse. Camus, notre Camus, si longtemps stigmatisé, excommunié, ridiculisé, qui est allé jusqu'à penser au suicide après avoir eu le prix Nobel, que l'on pense aujourd'hui à lui et de cette manière, je trouve cela formidable !

J.D.

N.B. : La publication du dernier éditorial de Jean Daniel a subi les effets d'une contrainte et d'une erreur. La contrainte est que nous avons été obligés d'avancer le jour de fabrication et l'erreur concerne le sommaire. Il est annoncé en page 56 alors qu'il apparaît en page 43.Nous nous en excusons auprès de nos lecteurs.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 47 minutes