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Blog : Sandrine Ben DavidDouble entretien avec Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz pour "Prendre femme"
Très souvent, les réalisateurs abordent des thèmes personnels à la fin de leur carrière. Prendre femme (Ve'Lakhta Lehe Isha) (2004) est le premier film que vous réalisez. Comment expliquez-vous ce choix ?
Ronit, vous avez décidez de co-écrire cette histoire avec votre frère, Shlomi. Cette coopération comptait beaucoup ? Comment avez-vous travaillé ensemble ?
Ronit : Raconter cette histoire, c'était réveiller nos énergies et nos souvenirs les plus intimes. Réveiller les images et les symboles les plus enfouis et les plus sensibles. J'ai vécu l'écriture comme une longue catharsis. Je ne pouvais vivre cette expérience qu'avec une seule personne, mon frère Shlomi. La première scène du film est extrêmement surprenante, elle est très forte. Je pense à la longue scène pendant laquelle les frères se disputent au sujet de Viviane. Pourquoi avez-vous décidé de commencer le film par cette scène-là ? Shlomi : D'après nous, cette scène représente le monde contre lequel Viviane se bat. La voix des frères est en fait l'écho des conflits internes de Viviane. Cette scène présente le monde dans lequel Viviane et Eliahou ont grandi, un monde patriarcal traditionnel, à l'ancienne. Dans ce monde-là, une femme n'a personne sur qui s'appuyer. L'homme est la figure dominante. Et bien que la société juive d'Afrique du Nord dans laquelle les personnages ont grandi soit confrontée aux valeurs de la vie moderne en Israël, ce sont les valeurs traditionnelles qui l'emportent. Le film s'articule presque entièrement autour des dialogues. Cependant, les personnages semblent incapables de communiquer réellement...
Shlomi : Les conversations de Viviane et Eliahou ne mènent pas à la réflexion, ce ne sont que des moyens d'obtenir quelque chose. C'est une négociation constante. Ils n'entendent et n'écoutent l'autre que dans le but de trouver un nouvel argument. Jamais pour aboutir à un compromis. Leurs mots sont leurs moyens de survie, ils protègent les personnages du gouffre qui les sépare. Ils sont préférables au silence qui pourrait les rendre fous. Mais il n'y a aucune vraie communication. Le personnage d'Eliahou semble porter sur ses épaules le poids de sa culture et de ses traditions. C'est un rôle difficile. Comment la rencontre avec Simon Abkarian s'est-elle passée ? Pouvez-vous expliquer le rôle d'Albert dans le film, interprété par Gilbert Melki? Jouer un rôle dans votre propre film n'est pas chose facile. Pourquoi avez-vous décidé d'interpréter le rôle de Viviane ?
Ronit : J'étais la seule à pouvoir rentrer dans les chaussures de ma mère. Mais il est vrai que travailler avec tout ce stress et cette pression n'est pas idéal. Un petit budget, un planning de tournage court, un rôle principal, un premier film comme réalisatrice, une énorme responsabilité. Cependant, je suis certaine que c'est exactement cela qui m'a aidé à y arriver. Travailler sur ce rôle a effectivement mobilisé toute ma force et tout mon esprit, mais cela ne m'a jamais inquiétée. Je suis devenue Viviane et Viviane est devenue mon port d'attache et ma bénédiction. Parmi tous les personnages du film, celui de Gabrielle est assez intriguant. Tout au long de l'histoire, submergée par des dialogues constants, la petite fille reste silencieuse. Pourquoi cela ?
Ronit : La seule façon pour Gabrielle de survivre au chaos de cette maison et de continuer à vivre est de se réfugier dans un comportement autistique, qui lui permet d'être présente et absente à la fois. Face aux cris de la maison, elle perd la parole. Elle ne peut se permettre de perdre l'un de ses parents, alors elle se sacrifie complètement pour garder la paix dans sa famille. Pour cela, elle réduit sa présence au strict minimum. Ce film dégage par moment un sentiment de claustrophobie, étant presque entièrement tourné dans un petit appartement, dans des espaces confinés qui ont à l'évidence imposé les angles de vue.
Ronit : Ce qui est étrange, parce que nous n'avons pas tourné dans un véritable appartement, mais en studio. Quand nous sommes arrivés, on nous a dit que l'on pouvait faire tout ce que l'on voulait, pousser les murs, enlever les plafonds, tout. Mais une fois que le décor était installé, rien n'a bougé d'un pouce pendant tout le tournage.
Shlomi : Le choix de la cuisine est tout à fait réaliste. Les préparations du Shabbat commençaient le mercredi et avaient lieu dans la cuisine. La cuisine est la pièce centrale dans la vie d'une famille juive. Dans la représentation traditionnelle juive, la table est comparée à un autel. C'est un lieu de rassemblement. Presque toutes les scènes du film tournent autour de la nourriture. La famille se sert de la nourriture comme d'une arme. Les grèves de la faim d'Eliahou et des enfants sont leur façon de punir Viviane et de déclarer la guerre. En hébreu, le mot « cuisine » est un dérivé du mot « abattoir ». Il semble que le personnage de Viviane comporte une part d'autobiographie mais cette femme n'incarne-telle pas aussi toutes les femmes ?
Ronit : A la différence des hommes, les femmes doivent faire leur chemin progressivement dans le monde. Les femmes ont dû se défaire de liens que les hommes n'ont jamais eus. La femme était destinée à une vie glorifiée qui tournait autour du foyer, des enfants, de la famille, de la tolérance, de l'obéissance, de la beauté et de la grâce. Mais si, par malheur, la femme osait briser les limites traditionnelles, vivre selon ses désirs et vouloir plus que ce que la nature lui avait réservé, elle était considérée comme folle, bizarre. Une marginale. Viviane n'est pas folle. Elle veut vivre, mais sa vie est ancrée dans une réalité âpre qui ne tolère ni questionnement ni réflexion. Alors, elle doit choisir entre couper tous les ponts ou continuer de porter son fardeau. Le cri de Viviane reflète celui des femmes de par le monde, qui aspirent à la liberté, à la réalisation de soi, à l'égalité et à l'amour. Entretien avec Ronit Elkabetz et Shlomi Elkabetz Ronit : J'avais besoin d'exprimer des émotions personnelles très fortes et je voulais sortir de cette solitude, renouer avec nos expériences et nos souvenirs communs. Mon besoin de créer dans un langage entier et personnel n'était pas seulement un choix. C'était plus fort que moi. Cela dit, il m'a quand même fallu presque dix ans pour être prête à regarder cette histoire à travers l'?il de la caméra. | Membre Juif.org
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