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Blog : Carnets d'actualité

La lucidité d'abord

 

La lucidité d'abord

 Camusienne, cette nouvelle année ? La question se pose puisque j'écris le jour du cinquantième anniversaire de la mort de l'auteur du « Premier homme ». La réponse est oui. Non parce que les prodigieux hommages qui lui sont rendus laissent pantois ceux qui ont connu le purgatoire et même l'enfer qui lui ont été longtemps réservés par la majorité des intellectuels français. Mais parce que l'homme qui a réfléchi au suicide, au meurtre, à la révolution et à la révolte avec pour discipline une exigence de lucidité poussée à l'extrême, le penseur qui a eu horreur de l'absolu, cultivé le doute, introduit de l'héroïsme dans la mesure et prévu qu'il allait nous falloir désormais conserver le monde plutôt que le changer, cet homme là a défini une attitude et un comportement plutôt qu'un credo. Et c'est exactement  ce dont notre époque a besoin.

      Il y a d'ailleurs belle lurette que l'on n'entend plus évoquer les lendemains qui chantent, les pays qui vont vers le soleil levant saluer « les premiers matins du monde ». Il n'est plus question non plus des illusions qui ont eu lieu après  la chute du Mur de Berlin, de la mort des idéologies, de la fin de l'histoire, du règne universel de la démocratie et de l'économie de marché. Et nous voilà désormais frustrés de rêves et privés d'avenir. Passons aux réalités.

        La première, c'est que, d'après les conclusions du sommet de la FAO à Rome, il y aurait plus d'un milliard d'hommes victimes de la malnutrition. Un milliard ! Chiffre étrange et désarmant. Et si je m'impose de le citer en premier, c'est parce que la tentation est grande, hélas, pour ceux qui mangent à leur faim, de considérer l'effrayant constat de la FAO comme une abstraction qui relèverait d'une insurmontable fatalité. Et de se dire que puisque le remède est hors de portée, on peut remettre à plus tard le soin d'y penser.

C'est ce que je vais faire, cependant, en évoquant maintenant l'affrontement qui domine la situation mondiale en ce début du XXIème siècle. Nous avons lutté contre les idéologies marxistes et nazies qui se sont transformées en religions. Aujourd'hui, dans une partie du monde, c'est l'inverse. Nous avons à affronter des religions qui se transforment en idéologie : l'islamisme, surtout qu'il se déchaîne  encore en Irak et toujours en Afghanistan et dans une partie du Pakistan, mais aussi une forme messianique du sionisme judéo-américain, et une mystique, celle des évangéliques américains, qui a poussé Georges Bush à déclencher la guerre en Irak. Et ce retour à l'impérialisme religieux a pris une importance plus grande encore depuis la révolution iranienne et le leadership que les autorités de Téhéran se sont assuré sur les bases avancées du Hezbollah libanais, du Hamas palestinien, et désormais sur celle des rebelles du Yémen qui menacent l'Arabie Saoudite. Plusieurs Etats musulmans redoutent l'Iran au point de souhaiter une intervention militaire même israélienne contre le régime des mollahs.

Il s'agit là des rapports que l'Occident entretient

 avec l'islam et que Barak Obama s'est attaché, en particulier par son discours du Caire, à transformer. Mais un fait ne doit jamais être oublié, cependant : 85 à 90% des victimes des islamistes sont des musulmans. À coté de la menace « d'un choc des civilisations », il y a l'immense réalité d'une vraie guerre civile et religieuse.

      Il y a sans doute dans l'observance des cinq commandements de Dieu des facteurs unitaires qui peuvent donner l'illusion d'une puissance musulmane forte d'un milliard de croyants. Mais si l'islam est Un, les musulmans sont et n'ont jamais été aussi multiples et divisés. En fait deux grands courants de pensée séparent les partisans d'une interprétation radicale et même violente du message coranique de ceux qui, au contraire, entendent moderniser l'Islam plutôt qu'islamiser la modernité. Un nombre de plus en plus grand de musulmans estiment en effet que l'Islam n'a rien à perdre dans l'adoption de valeurs universelles que l'on a tort d'appeler « occidentales » puisque ce sont souvent des Orientaux qui ont contribué à les établir.

    Cette dernière constatation incite à revenir sur l'incroyable gâchis causé par la manière dont l'Etat sarkoziste a lancé un débat sur l'identité nationale. On ne pouvait pas faire pire. Expliquons-nous. Personnellement, j'ai désiré que la France définisse et propose la forme républicaine de notre nation comme un exemple de réussite, comme un recours positif aux yeux des millions de musulmans qui luttent contre la régression islamiste. Il ne s'agissait nullement, dans mon esprit, d'une exclusion quelconque mais d'une incitation à transformer les citoyens musulmans en partenaires de la fidélité à une tradition et à un projet. Ces citoyens comprennent de mieux en mieux que, pour offrir de l'islam l'image la plus moderne, la plus ouverte et la plus fraternelle, il convient d'éviter tous les signes d'isolement, de séparation et de repli sur soi. Autrement dit, tout ce qui peut justifier les réactions les plus aberrantes qui sont passées de la dénonciation d'un nouveau fascisme (Emmanuel Todd) à des enquêtes sur le disfonctionnement des lois sur l'octroi de la nationalité française.

Il est temps de revenir à des choses simples et fortes. La France n'est pas un pays raciste, sinon des millions de jeunes Maghrébins ne rêveraient pas d'y venir. Elle n'est pas un pays fasciste, sinon nul n'aurait la liberté de l'accuser de l'être. Les « best of » de l'année écoulée que l'on a pu voir sur les écrans de télévision pendant les fêtes montrent que rarement un chef d'Etat et un gouvernement auront été aussi brocardés, stigmatisés et ridiculisés.

      Une fois tout cela dit, on ne voit pas pourquoi il serait interdit de se poser en France, sur l'islam, les questions que se posent des millions de musulmans dans le monde. Pour ma part, j'observe que si, de crainte de passer pour islamophobes, des Français non musulmans s'indignent à l'idée même qu'un débat soit ouvert, nombre de musulmans, eux, l'acceptent sous la forme que j'ai tenu à préconiser. J'ai eu dans ma vie, parmi les grands écrivains francophones et musulmans, trois amis proches : Kateb Yacine, Mohammed Dib, et Rachid Mimouni. Pour tous les trois, l'une des questions prioritaires était d'endiguer la vague de régression islamiste qui pourrait atteindre un jour l'islam européen (*).

J.D.

 

(*)Sur ce dernier point il faut lire et relire le dernier livre de Kateb Yacine, « le Poète comme un boxeur », publié à titre posthume en 1994 aux éditions du Seuil.

 

 

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 46 minutes