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Blog : Léviathan

L'esprit de Munich, l'esprit de Dantzig

2003. L’administration Bush, et les néoconservateurs en tête, mènent tambour battant la campagne diplomatique en faveur d’une campagne militaire pour un changement de régime à Bagdad.

Cette guéguerre diplomatique a été l’occasion d’invoquer nombre d’anathèmes jetés à la face des partisans de la « paix » : l’esprit de Munich les animait, semble-t-il.

L’Iraq envahie, Saddam destitué puis exécuté, la traque aux baathistes engagée implacablement puis finalement adoucie dans l’espoir de faire diminuer les actes de terrorisme, il semble bien que l’« esprit de Munich » soit plus vivant que jamais.

Certes, enfin, l’armée américaine tire sur les agents iraniens en Iraq. Mais l’Amérique s’engage dans des pourparlers avec la République Islamique pour « stabiliser » la Mésopotamie.

Des déclarations de l’ancien MAE français Philippe Douste-Blazy au Liban sur l’Iran facteur de stabilité au Moyen-Orient, des conclusions de l’Iraq Study Group emmené par Baker et Hamilton en faveur d’un dialogue avec l’Iran, de la faconde d’un Alexandre Adler en faveur d’une entente américane-sioniste-chiite au Moyen-Orient, d’aucuns participent à faire revivre sur l’héritage de l’opération Iraqi Freedom, l’« esprit de Munich ».

L’ironie ne manque pas de prendre une saveur particulière, douce pour les uns, car satisfaits, aigre, acide pour d’autres, qui se sentiront trahis. Mais il y a une saveur que peu retiennent et qui, pourtant, témoigne que l’invasion de l’Iraq n’était pas un pied de nez à l’esprit de Munich mais un hymne à celui de Dantzig.

Dantzig, c’est en effet le moment où les Alliés se sont ralliés à l’idée que rien n’arrêterait Hitler (à défaut de manifester par les armes leur dégoût pour le régime nazi – si tant est qu’ils l’aient ressenti ainsi) et qu’à défaut de sauver la Tchécoslovaquie, il fallait sauver la Pologne.

Or, la Pologne de Pilsudski, cet « ami » pour qui nous dépêchions, sans trop de hâte il est vrai, nos « pioupious », avait, en mars 1939, participé au partage des dépouilles de la Bohême Moravie en accord avec le régime nazi et d’autres États voisins (La Bohême Moravie correspond à la partie de la Tchécoslovaquie demeurée formellement indépendante après les accords de Munich d’octobre 1938 où l’Allemagne n’avait, en réalité, été « qu’ » autorisée à prendre la région des Sudètes germanophones).

L’esprit de Dantzig, c’est donc la mauvaise guerre, engagée pour d’apparentes bonnes raisons qui, en réalité, masquent le fait que toutes les raisons de la faire existaient bien avant et auraient évité une guerre aussi longue et aussi meurtrière.

L’invasion de l’Iraq et la destitution de Saddam Hussein cadre bien avec l’esprit de Dantzig. Le changement de régime, en réalité, les iraquiens l’attendaient en 1991-3, lorsque les baathistes exterminaient de 200 000 à 300 000 chiites entrés en rébellion parce qu’ils avaient crû aux promesses de Bush père.

Le mal étant fait, l’Amérique ne s’étant pas hâtée pour prévenir un génocide, les bénéfices attendus d’un succès en Iraq n’en sont que diminués, devenus tout à fait marginaux, de même que le soutien populaire iraquien aux GIs qui, sans être inexistant, en particulier chez les Kurdes et, dans une moindre mesure, chez les chiites, n’atteint certainement les niveaux requis pour un succès rapide.

Par ailleurs, les évènements récents tendent à démontrer qu’ils se déroulent selon une chronologie inverse de celle des années 1930. En effet, après l’esprit de Dantzig, c’est l’esprit de Munich qui gagne des supporters dans la confrontation du Monde libre face à l’Iran des mollahs.

« Tout le monde [i.e. les néoconservateurs] veut aller à Bagdad, les vrais hommes veulent aller à Téhéran ». C’est ainsi que s’exprimait un membre de l’administration Bush peu de temps après la chute de la capitale iraquienne. Désormais, tout le monde veut trouver une solution pacifique à un programme nucléaire qui ne l’est pas.

Bien sûr, nombre de néoconservateurs veulent aussi aller à Téhéran mais ils n’ont guère le sens des réalités : l’expérience de ces dernières décennies montre plutôt qu’il n’est pas possible de justifier plus d’une guerre majeure par décennie devant l’opinion publique américaine. Par ailleurs, celle d’Iraq dure depuis maintenant quatre ans et elle promet de laisser une impression durable sur le peuple Américain.

C’est même probablement parce que c’est si difficile que les États-Unis veulent dialoguer avec les iraniens. Les récentes mesures prises par l’armée américaine ressemblent davantage à des pressions exercées sur le régime des mollahs afin de l’amener à plus de souplesse dans la négociation qu’à de véritables bruits de bottes menaçant Téhéran d’un changement de régime.

En outre, il y a quelques raisons supplémentaires de considérer que l’invasion de l’Iraq, au jeu des dominos démocratiques, n’était la première pièce à bouger :

D’abord, l’Amérique doit se décider entre faire la guerre au terrorisme et à tous les terrorismes ou la faire au totalitarisme islamiste.Si elle veut la faire au totalitarisme islamiste et si, de surcroît, elle entend la faire également sur le terrain des valeurs, elle se doit de frapper la seule véritable théocratie du Moyen-Orient : l’Iran.Elle doit engager cette guerre là où le soutien populaire des « indigènes » sera substantiel.Une fois la victoire militaire obtenue, ce qui ne fait pas l’ombre d’un doute contre l’Iran, elle doit s’appuyer non pas sur les oligarques toujours prompts a rallier la perspective d’un régime fédéral mais sur les partisans d’un État unitaire, centralisé.La construction d’une démocratie pérenne ne doit se faire qu’en dernière étape, après la reconstruction de l’État et après que ce dernier soit en mesure de remplir ses fonctions régaliennes (défense, justice, police).

Le premier point aborde la question des terrorismes car ils ne sont pas tous semblables. Pour s’en convaincre, entre Al Qaïda et l’IRA, entre le Hamas et l’Irgoun, un monde sépare deux types de terrorismes parmi d’autres.

Le second point précise le véritable enjeu de la guerre de ce début de XXIe siècle : si la guerre au terrorisme est la guerre à un concept, c’est parce que l’administration Bush a ficelé un slogan politique dont la principale propriété n’est pas la clarté mais la force de persuasion. La guerre des valeurs ne peut que s’adresser à une idéologie concurrente, en l’espèce, le péril posé par le troisième totalitarisme généré dans et par le monde moderne : l’islamisme.

D’aucuns estiment que la guerre doit être menée contre l’Arabie Saoudite. Mais ce pays là n’est pas une authentique théocratie (le pouvoir n’est pas entre les mains des religieux mais des « laïcs » Al Saoud – au sens de personnel non religieux). D’un autre coté, s’il y a un lien évident entre le wahhabisme et son enseignement et l’idéologie d’Al Qaïda, l’Arabie Saoudite ne répond pas au préalable du point trois : la contestation du régime en Arabie Saoudite est presque entièrement captée par les islamistes (i.e. par plus islamiste encore que le régime!).De plus, l’Arabie Saoudite n’est peut-être pas le meilleur des alliés mais c’est un État dont la politique étrangère reste modérée et qui est en guerre contre Al Qaïda. Enfin il est possible de faire pression sur l’Arabie Saoudite qui dépend des É-U pour sa sécurité, ce qui rend une guerre inutile.

Le troisième point s’appuie sur nombre d’indices suggérant que les iraniens sont le seul peuple du Moyen-Orient à considérer que leur émancipation passe par l’établissement d’un régime laïque, national et constitutionnel. Nombre de ces indices ont été révélés dans nombre de documentaires et d’enquêtes réalisés en Iran même où la situation est prérévolutionnaire et où quantité d’étudiants et de jeunes ont explicitement affirmé préférer une bonne guerre pour se débarrasser du régime que de subir, dans la « paix » (mais quel sens cela peut-il avoir pour eux' Certainement pas le même que pour nous!) la tyrannie religieuse du clergé chiite.

N’oublions pas qu’en 2001, au plus fort de la protestation étudiante (du temps du gouvernement du très « modéré » Khatami!), les manifestants scandaient : « À bas les Talibans, à Kaboul comme à Téhéran ». D’autres éléments attestent que les iraniens ne partagent pas l’antisémitisme affiché de leur régime ni même sa prose antiaméricaine. Enfin, d’autres éclaircissements et un résumé des enquêtes d’opinion, des entrevues et autres phénomènes sociaux comme politiques suggérant l’existence d’une opinion résolument anti-mollahs en Iran peuvent être trouvés dans « Eternal Iran » de Patrick Clawson et Michael Rubin.

Il me faut néanmoins corriger une fausse perception de l’Iran devenue populaire depuis l’élection d’Ahmadinejad : non les mollahs sont bien incapables d’en appeler à la farouche fierté nationale des iraniens pour la simple raison qu’ils sont opposés au principe même de nation et qu’ils combattent les traditions perses antéislamiques conservées par le peuple (comme la fête de l’an, Nowrooz, à l’équinoxe de printemps) tout comme les symboles de la grandeur passée, non islamique, de la Perse.

Le quatrième point se réfère à une habitude prise par les puissances coloniales européennes et reprise depuis par les États-Unis et leurs alliés lorsqu’ils investissent un pays : chercher en territoire conquis à rallier des représentants communautaire plutôt que des représentants nationaux.

Ce n’est pas vouloir dire que les Américains se comportent en Iraq comme des colonisateurs mais que la seule expertise disponible en matière d’administration de territoires occupés demeure l’expérience coloniale des britanniques et des français. L’intérêt de jouer les communautés contre les forces centripètes réside dans la nécessité de combattre l’insurrection. Cette dernière trouve généralement ses appuis dans un groupe religieux et/ou ethnique. En Iraq, par exemple, ce sont les arabes sunnites.

Dans la mesure où Washington peut pas justifier l’éviction d’un dictateur pour le remplacer par un autre, il lui faut alors choisir la voie démocratique qui offre les plus grandes chances de succès. Or, les oligarques permettent de faire vivre des régimes parlementaires particulièrement animés, les différentes communautés se retrouvant désormais représentées au Parlement s’engagent dans des tractations politiques sans fin pour former et défaire les gouvernements successifs.

Ce spectacle réchauffe sans doute le cœur d’un occidental qui estime que le bazar de la IVe République, après tout, c’est beau à voir chez les autres. Mais, d’une part, une démocratie saine ne se construit sur des lignes de clivage ethniques et religieuses mais sur des lignes de clivage économiques et sociales afin d’avoir une vraie droite et une vraie gauche. Car il y a, en réalité, un lien consubstantiel entre la nation et la démocratie : la nation, c’est l’intégration des diverses composantes de la population en une communauté de destin, la démocratie a besoin que cette intégration se fasse pour permettre l’éclosion d’un débat politique non violent et respectueux de la règle de droit.

Le cinquième et dernier point est une question de bon sens : sans un État assez fort pour faire respecter son autorité, il n’y a pas de sécurité, et sans sécurité, les citoyens ne sont pas égaux face à la politique : il y a ceux qui ont une arme et il y a ceux qui paient l’ « impôt révolutionnaire ».

En revanche, l’affirmation de cet État « fort » ne peut se faire sans déroger aux règles fondamentales de toute démocratie qui se respecte : en effet, c’est un nouvel État, qu’il émerge d’une révolution ou d’une défaite militaire. En État de semi-belligérance, l’application d’une règle de droit démocratique est à exclure (et nous remarquerons que même une démocratie suspend le cours normal de son processus politique en cas de menace imminente).

Néanmoins, cela n’exclut pas au personnel dirigeant de proposer un choix clair au peuple quant à la forme du gouvernement et à l’approbation du personnel politique en place, jusqu’au retour à un processus politique normal. Dans le cas de l’Iran, le choix serait, par référendum, entre une république parlementaire ou une monarchie constitutionnelle (la différence entre les deux, dans le cas de l’Iran, n’est pas de pure forme mais c’est un autre sujet).

L’analyse qui m’a amené à cette réflexion est la suivante : à chaque fois qu’une nation a traversé une période de crise profonde, révolutionnaire, produite par les effets d’une guerre ou d’une révolution, elle a ressenti le besoin de se rassembler derrière un homme ou un groupe d’individus commis à la restauration de l’ordre et à l’idéal patriotique tout en acceptant les changements économiques et sociaux produits par les évènements du passé proche.

Cet homme peut tout aussi bien être un Louis XVIII qu’un Napoléon Bonaparte. Une contre-révolution ou une synthèse entre les acquis révolutionnaires qui font consensus et la nécessité de rétablir l’ordre. La puissance qui renverse une tyrannie ne peut s’allier aux contre-révolutionnaires ou, même, à un type d’orléanistes passablement démocratiques mais qui pèchent par un programme social insuffisamment ambitieux et un patriotisme chancelant (ou perçu comme tel).

À l’inverse, si la voie qui mène à la démocratie telle qu’incarnée par un « bonapartisme » est indirecte, elle porte en elle les meilleures chances de parvenir à un régime stable car anti-oligarchique donc populaire, et parce qu’elle combat le factionnalisme ethnique qui perpétue les féodalités au détriment de l’émancipation individuelle, du développement économique, de l’adoption d’une législation sociale avancée et de l’avènement de partis politiques de droite comme de gauche, au sens propre (plutôt que de ligues et autres phalanges représentant une faction, un leader charismatique pour telle ou telle communauté).

L’expérience empirique appuie cette conclusion. Les Philippines, mises sous protectorat américain de 1898 à 1946 étaient censées mettre en lumière le colonialisme émancipateur de l’Oncle Sam. Les Américains ont effectivement construit dans ce pays les institutions d’une démocratie véritable à ceci près que le pouvoir parlementaire en fût confié aux propriétaires terriens. En Iran, les États-Unis (sous administration Truman, démocrate) faillirent faire de même en soutenant Mossadegh à ses débuts (encore un opposant à la réforme agraire, i.e. à la redistribution des terres à la paysannerie, étape nécessaire du développement industriel et financier d’une nation) contre le Chah lorsqu’ils ne s’allièrent pas aux forces de la conservation sociale dans de nombreux autres pays (dans la roue des britanniques, il est vrai et souvent sans avoir le choix de leurs alliés contre les Soviétiques).

***

Voilà donc quelques raisons de douter des choix opérés par l’administration Bush durant son premier comme dans son second mandat. Le tout en refusant et l’esprit de Dantzig et celui de Munich. D’aucuns furent particulièrement ulcérés, du moins après coup, par la manière qu’a eue Jacques Chirac de gérer l’après guerre en réclamant, de manière irresponsable, le désengagement américain d’Iraq aussi tôt qu’en 2004.

Certes, la dernière guerre du Golfe n’était pas la bonne, entendre, la plus topique. En ce sens où, si l’on prend au sérieux la menace islamiste, c’est bien au cœur du dispositif qu’il faut frapper. C’est aussi à l’endroit où la force de l’exemple d’une démocratisation en bonne voie de réussir peut avoir la plus grande répercussion (évaluons de dix à vingt ans le temps d’une démocratisation menée à son terme). Entre un peuple qui souffre d’une dictature laïque et qui se laisse séduire par l’islamisme et un peuple qui souffre de la tyrannie religieuse et qui en appelle à un régime laïc, le choix devrait être limpide. Ce dernier régime est, dans le monde islamique actuel, eu égard à la configuration des forces politiques, plus favorable aux intérêts démocratiques (seul le monde arabe déroge à cette règle « islamique »).

Bien sûr, nous pourrions souhaiter la paix à tout prix. Outre que dans cette configuration particulière, l’apaisement n’est pas indiqué (il existe bien des cas de politiques d’apaisement menées avec discernement, par exemple, la politique de Détente de l’administration Nixon), il n’est pas certain que la paix ait la même signification pour les citoyens des démocraties que pour ceux qui vivent l’oppression au quotidien. C’est un fait que le pacifisme est un « occidentalo-centrisme » habilement exploité par les tyrans de là bas.

Enfin, il faudrait vomir la tyrannie et ne tolérer qu’à grand peine et très temporairement le despotisme éclairé pour avoir foi en la démocratie et en ses bienfaits. Mais aucun peuple, pas même le peuple français, n’est prêt à sacrifier son unité nationale à la démocratie faite dogme. J’entends par là le parlementarisme oligarchique vendu par les anglo-saxons comme démocratie fonctionnelle.

Les régimes de représentation se muent bien trop souvent en régimes de réseaux, de copinages, de clientélisme, en particulier et d’autant plus dans des pays sans expérience démocratique préalable. L’on ne prétend jamais mieux représenter le peuple que pour avoir d’autant moins à l’entendre. L’absence ou l’insuffisance de mécanismes de démocratie directe (élections du président au suffrage universel, disposition référendaire dans la constitution; ou monarque et régime primo ministériel) en sus des institutions représentatives, dans ce cadre particulier d’États nouvellement démocratiques risque de produire des démocraties d’opérette, vidées de substance même si elles acceptent le jeu électoral, irrespectueuses des standards démocratiques et des Droits de l’Homme même si le pouvoir des uns paraît limité par celui des autres.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 52 minutes