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Blog : Carnets d'actualité

Au nom de la Shoah

 Au nom de la Shoah

J'approuve de toutes mes forces et de tout mon c'ur l'appel que Simone Veil et Hubert Falco ont publié en revenant d'un pèlerinage à Auschwitz (1). Cette initiative s'imposait à un moment où nos avons toutes les raisons de redouter l'indifférence, l'oubli, et surtout peut être la lassitude. D'autres génocides sollicitent tous les jours notre capacité de compassion. Le texte de Simone Veil et d'Hubert Falco contient ces fortes phrases : « La mémoire de la Shoah doit être sans cesse ravivée dans notre conscience nationale et dans la conscience universelle des hommes comme la marque indélébile du Mal absolu. [?]A travers ceux qui furent assassinés par les nazis pour la seule raison d'être nés [?], c'est l'humanité qui a failli disparaître à tout jamais. »

Oui, encore une fois, j'approuve et je m'engage, mais pour suivre cette ligne, je rappelle toujours l'exemple d'un intellectuel qui nous manque immensément, celui de l'historien Pierre Vidal-Naquet. Le grand helléniste s'est battu sur tous les fronts, sans jamais céder d'un pouce sur aucun : contre la pratique de la torture en Algérie mais aussi contre toutes les formes d'antisémitisme ; contre les assassins juifs d'Itzhak Rabin et l'extrême droite israélienne mais aussi, et peut être surtout, contre le négationnisme, qui a mobilisé une bonne partie de son énergie et de son temps.

Or ce dernier point m'invite à faire une observation douloureuse. Il faut aller à Auschwitz, bien sûr, pour ne pas laisser l'indifférence et l'oubli gagner la conscience européenne. Mais il ne s'agit pas seulement de conjurer une menace, mais aussi de lutter contre ce qui est déjà une réalité : le regain et la diffusion des idées négationnistes dans toute une partie du monde, en particulier en Islam. Récemment, des personnalités chargées d'entretenir le souvenir de la Shoah ont paru enfin s'en émouvoir. C'est pourtant un fait que des millions de musulmans estiment que la Shoah, au moins dans l'importance qu'on lui donne, n'est qu'un mythe, savamment exploité par les Israéliens et leurs alliés.

Les raisons sont multiples. D'abord, ils disent qu'ils ne voient pas pourquoi ils se sentiraient interpellés par une entreprise d'extermination à laquelle, contrairement aux Européens, ils n'ont aucunement participé. Ils ajoutent qu'ils sont loin d'avoir partagé la haine antisémite. Ce qui a été vrai la plupart du temps. Mais les nouveaux négationnistes ont été endoctrinés par les anathèmes diaboliquement tricotés par le président iranien Ahmadinejad, selon lesquels la Shoah n'ayant jamais servi qu'à déposséder les Palestiniens de leurs terres, il fallait qu'Israël soit « rayé de la carte ». Or les musulmans sont divisés sur tout, sauf sur la cause palestinienne.

Pour confirmer la réalité de la Shoah, il s'est trouvé un essayiste palestinien, Edouard Saïd, ami du chef d'orchestre Barenboïm, qui avait adjuré ses frères palestiniens d'étudier les problèmes nés de la monstrueuse tragédie. Faute de quoi, expliquait-il, on ne pouvait comprendre ni les adversaires israéliens, ni surtout les soutiens dont ils pouvaient bénéficier de la part de l'Occident. Il n'a guère été entendu que de quelques leaders, et surtout dans les périodes de négociations, au moment d'Oslo (1993) ou de Genève (2003).

Et puis, tout récemment, je le rappelle et je le ressasse, est arrivé un homme, et pas n'importe lequel : un Américain métis et de père musulman, devenu président de la plus puissante Nation du monde. Il a entrepris de réconcilier les Etats-Unis et le monde arabo-musulman. Il a choisi, pour ce faire, de s'adresser à ce dernier dans la ville la plus arabe qui soit : à l'université du Caire, après avoir sommé Israël de geler toute espèce de colonisation de territoires palestiniens, il a profité de sa notoriété et de ses origines pour condamner l'antisémitisme, décrire les persécutions subies par les juifs et stigmatiser de manière radicale le négationnisme. La cause palestinienne est sacrée, et les Américains s'engagent désormais à ne jamais l'oublier, mais elle ne saurait justifier que l'on mette en question la réalité de la Shoah.

Oui, Simone Veil et Hubert Falco, Barack Hussein Obama a livré, et avec quel éclat, le combat auquel vous nous appelez. Sans doute a-t-il su trouver les mots et les idées propres à toucher la sensibilité profonde de l'Islam, mais il s'est montré en même temps le plus déterminé à défendre la mémoire de la Shoah.

On aurait pu s'attendre à ce que montent vers lui des élans d'approbation et d'encouragement. Au lieu de quoi, ce fut le silence dans le monde occidental, qui entend garder le souvenir d'Auschwitz. Pis, on a vu se déployer une entreprise rampante, insidieuse, efficace, pour saboter l'appel de Barack Obama. Selon mon ami l'écrivain israélien Amos Oz, avec lequel je dialogue plus loin, il aurait fallu qu'Obama se rende à Jérusalem le lendemain du discours du Caire, pour prendre les saboteurs de court. Il reste que ces derniers ont accompli leur funeste besogne : ils ont réuni les institutions les plus puissantes pour s'opposer à un plan de paix qui impliquait deux Etats, palestinien et israélien. Car les auteurs de cette entreprise n'ont jamais souhaité qu'il y eût deux Etats, et le parti le mieux organisé dans cette lutte était le Likoud de M. Netanyahu, qui est au pouvoir aujourd'hui en Israël.

Ce qu'on a appelé la likoudisation d'une grande partie des institutions juives n'a cessé de faire des progrès et d'imposer ses projets. En France, le Crif vient de faire entrer dans sa direction les personnalités les plus engagées de l'extrême droite pro-israélienne. Ainsi, ce mercredi 3 février, à l'occasion du dîner annuel du Crif, c'est à une institution dominée par le Likoud que le chef du gouvernement français et une partie de ses ministres vont rendre des comptes. Dans la France de François Jacob, Claude Cohen-Tannoudji et Georges Charpak, tous trois Prix Nobel, dans la France de Simone Veil et de Robert Badinter, de Théo Klein, Ady Steg et Stéphane Hessel, c'est devant les représentants français du Likoud que le gouvernement va s'expliquer et se justifier.

J'écris avant que ce dîner n'ait lieu, mais je doute que l'un quelconque des invités du Crif ait l'audace de rappeler que le Likoud et ses alliés, qui ont saboté les projets de Barack Obama, sont les plus mal placés pour défendre la mémoire de la Shoah, et qu'ils ont assassiné un rêve - même si, contrairement à Martin Luther King et à Itzhak Rabin, l'auteur de ce rêve est toujours bien vivant.

J.D.

(1) Le Monde du 30 Janvier.

Membre Juif.org





Dernière mise à jour, il y a 36 minutes