par Actu.co.il
Ce 4 février, en milieu de matinée, le Ministre des Affaires Etrangères Lieberman a mis en garde le Président Syrien Assad contre une nouvelle guerre qui risque de lui faire perdre le pouvoir.
Il est vrai que le ton choisi, s'il devait être mis en image, avait quelque chose de sérieusement orageux :
La Syrie « perdra la prochaine guerre » et Bashar El Assad « perdra le pouvoir ».
Plusieurs fois de suite dans la journée, les réactions ont fusé, réclamant modération.
Pour sûr, Israël fait figure de cavalier solitaire dans la région et cela a de quoi inquiéter quant à tout risque de « mauvais effet ».
?Mais cette solitude a-t-elle jamais été choisie ?
Elle fut imposée de fait à Israël dès 1947, avec le refus continue des Juifs par la région.
Et alors même qu'elle a suivie la Shoa (mais que ses racines s'ancrent par l'antique présence juive en le lieu originel de sa foi), la renaissance d'Israël n'a-t-elle donc d'autre vocation
que toujours nous épuiser d'alertes et de survie ?
La réponse est bien évidemment non.
En fait, si la déclaration de Lieberman semble « sortie de nulle part » (malgré qu'elle soit en partie liée au récent propos syrien menaçant les villes d'Israël), c'est parce qu'au delà
des déclarations, le contexte politique régional est lui-même devenu « illisible » pour les uns, « inabordable » pour d'autres de par la sensibilité des sujets en jeu.
Qui donc peut prétendre résoudre une problématique de reconnaissance de l'Autre ? qui plus est, du Juif soudain sorti de son rôle historique de bouc émissaire -, impliquant elle-même une
problématique de dette spirituelle envers l'originelle des trois grandes religions abrahamiques, convoquant celles-ci mêmes, leurs destins et leurs métaphysiques en un même lieu qui, de
plus, attire à lui fantasmes, rêves, passions et haines depuis les quatre coins du monde ?
A ceci, s'ajoute, dans un autre domaine, un point toujours plus important dans l'actuelle géopolitique du Proche et Moyen-Orient :
Les services secrets luttant contre le terrorisme ? lequel ne possède aucune « éthique de guerre » et n'opère aucune distinction entre civils et combattants, pas plus qu'entre femmes et
hommes ou adultes et enfants ? n'ont jamais eu autant de travail à travers toute l'histoire du renseignement.
C'est pourquoi les informations les plus fiables sont aussi devenues, pour d'évidentes raisons de sécurité, les mieux protégées, et que seule « la vue depuis les sommets », possible
grâce à ces informations, donnent la carte la plus réaliste que l'on puisse espérer pour s'orienter dans les réalités géopolitiques d'aujourd'hui.
Et ceci, à condition encore de ne pas être sur un sommet coupé de sa base (cas d'une certaine élite ultra-cosmopolite et surmédiatisée) ni de refuser de voir certaines évidences en face (cas de
nombreux mouvements de gauches en politique internationale).
Or, c'est très certainement par une information confidentielle sur la préparation de la Syrie au lancement d'une prochaine guerre ? avec le soutien que nous savons de l'Iran ? que Lieberman a
réagi et a choisi de le faire publiquement, brisant tout soudain la symétrie a-priori « sacro-sainte » dans l'émission des signaux diplomatiques, laquelle veut que les problèmes
officieux reçoivent des réponses officieuses, discrètes ou « par petits phrases », et que les problèmes officiels / publics reçoivent des réponses officielles / publiques.
Mais Lieberman est littéralement un « outsider », et en tant que tel, il opère un renversement qui convoque à la lumière la question des désirs intimes des Chefs d'états. La chose est
d'autant plus intéressante que les déclarations d'intentions sans fins des leaders Arabes sur la paix font en fait partie, en plus du jeu médiatique, d'une tradition de ruse islamique trop peu
connue des Occidentaux ; la Takia.
Celle-ci, dans sa formule la plus tolérable, est une forme de socialité plus ou moins perverse, qui jouie secrètement de faire languir le débattant, l'adversaire ou l'ennemi sur les intentions
réelles de paix ou de guerre. Dans la pire de ses tournures, elle est (comme dans la hudna ou supposée « trêve » du Hamas), la ruse la plus radicale qui permet de réarmer et de prendre
le temps d'analyser les points faibles de l'ennemi en même temps qu'on le distrait par déclarations, négociations ou promesses.
En dehors du fait qu'il faut reconnaître la sortie de Lieberman comme étant assez risquée, il est plus vrai encore qu' en diplomatie, on pardonne rarement ce genre de courage-là.
Car même en estimant la forme de son intervention discutable, chacun peut ressentir au fond de soi combien la défiance de Lieberman est avant tout un courage et force l'admiration face à la
permanence de l'hostilité du monde arabe à l'égard d'Israël.
Et surtout, si l'on est de ceux qui ont eu la chance d'une vraie Rencontre avec l'ennemi Arabe, on se rappelle qu'à un moment ou un autre, et dans ce qu'il y a de plus étonnant en ces instants
là, il nous a toujours fait comprendre qu'il attendait du Juif qu'il se respecte enfin lui-même pour gagner « le respect Arabe ».
Car au jour où l'Arabe (et tout particulièrement le Musulman, Arabe ou non) reconnaîtra le droit au Juif de vivre sa liberté (politique et religieuse), il le remerciera de l'avoir, par là
et à son tour, sorti du « mektoub » (destin) et de l'antique fatalité supposée selon laquelle il aurait toujours fallu qu'il y ait un sacrifié, Juif, Arabe ou Autre.
En ceci ? et cela peut autant étonner ses adversaires que certains de ses amis ? Lieberman, qu'il en soit conscient ou non, est paradoxalement l'un des meilleurs amis du monde arabe ; il ne lui
ment pas.
par Daniel Gandus