Après les politiques, les religieux sont dans le collimateur de la Syrie
Pour la reconquête du Liban, la Syrie déploie tous ses moyens : la force militaire dédiée à combattre l'ennemi sioniste avait été déversée sur le Liban entre 1976 et 1990. Puis une annexion
qui ne disait pas son nom, entre 1990 et 2005. Vint ensuite l'usage du terrorisme avec les multiples attentats commis entre 2005 et 2008, sans oublier la subversion avec le Fatah Al-Islam...
Aujourd'hui, la Syrie innove et frappe les piliers de la société à travers l'Eglise maronite et Dar Al-Fatwa sunnite.
Après avoir tenté, en vain, d'affaiblir le Patriarche maronite Nasrallah Sfeïr, à travers les attaques systématiques menées contre l'Eglise par les agents de Damas au Liban (Michel Aoun, Sleimane
Frangieh et quelques arrivistes y compris parmi les prélats...) pour soumettre Bkerké au diktat syrien et lui enlever son statut de principal pilier de l'indépendance et de la souveraineté du
pays, le moment semble venu pour s'attaquer à un autre pilier du Liban, Dar Al-Fatwa, représenté par le mufti Mohammed Rachid Kabbani. Ce dernier constitue en effet un levier et une garantie pour
le Premier ministre Saad Hariri. Son prédécesseur, Hassan Khaled, avait, lui, été assassiné par une voiture piégée (le même procédé syrien) à la fin des années 1990 pour avoir refusé l'occupation
syrienne.
Damas estime que sans soumettre ces deux « citadelles » alliées politiquement dans le cadre de l'Alliance du 14 mars, il aura du mal à reconquérir le Liban. Le troisième pilier, chiite,
étant, lui, aux ordres à travers le Hezbollah et le mouvement Amal. Ainsi, la télévision « New TV », foncièrement hostile à la famille Hariri, a récemment diffusé une émission consacrée
à la corruption au sein de Dar al-Fatwa, mettant en cause le mufti, sa famille et son entourage.
La télévision s'est appuyée sur des documents embarrassants, mais dont l'authenticité reste à prouver, pour créer la polémique. Pourtant, au Liban, il est notoirement connu que le propriétaire de
la « New TV », Tahsin Khayyat, était un concurrent direct de Rafic Hariri dans les affaires, en Arabie saoudite. De retour au pays, il se serait promis de le « détruire », et
s'est systématiquement allié aux adversaires politiques de l'ancien Premier ministre, comme les Syriens et Emile Lahoud. Aujourd'hui, il semble récidiver avec l'héritier Saad Hariri, en s'en
prenant à son soutien infaillible, le mufti.
A peine l'émission terminée, un malaise s'est emparé de la communauté sunnite, qui s'est mise à douter de ses dignitaires. Et ce, à moins de deux semaines de la célébration du cinquième
anniversaire de l'assassinat de Rafic Hariri, le 14 février. Le doute étant ainsi installé, l'objectif serait de l'exploiter pour démobiliser la communauté et de vider le symbole du 14 février de
son contenu. Plusieurs anciens Premier ministres pro-syriens, comme Salim Hoss et Omar Karamé, pourtant membres d'office du Conseil de surveillance de Dar Al-Fatwa et qui n'ont rien relevé de
scandaleux dans la gestion de l'institution, ont appelé Kabbani à « démissionner dans la dignité, pour épargner la communauté les scandales liés à sa gouvernance ».
Quelles que soient la nature, l'ampleur et l'authenticité de ces scandales, la mise en scène et l'orchestration des pro-syriens, relayés par la presse de l'opposition, laissent transparaitre une
machination politique visant à remplacer Kabbani et à affaiblir Hariri. Parallèlement, au sein du gouvernement, son action sera paralysée par le tiers de blocage détenu par l'opposition.
Pour succéder au mufti, la Syrie pourrait opter pour cheïkh Abdel Nasser Al-Jabari qu'elle prépare et entretient depuis de longues années. Mais dans la communauté sunnite de Beyrouth, Jabari ne
jouit d'aucun respect notamment pour ses m'urs peu recommandables. « MediArabe.info » avait révélé l'intensité des relations qui lient Jabari à la Syrie et à ses Services, ainsi qu'aux radicaux de Fatah Al-Islam et au Hezbollah. En effet, le parti de Hassan Nasrallah lui verse, ainsi qu'à
plusieurs oulémas sunnites qu'il a recrutés, un salaire mensuel depuis février 2005, puisqu'ils constituent une sorte de caution sunnite du parti et de sa « résistance ».
Cependant, les Sunnites libanais, adeptes d'indépendance et de souveraineté, et qui ont déjà perdu un mufti et un Premier ministre, pulvérisés par des tonnes d'explosifs, peuvent et doivent
inverser la tendance. Ils peuvent notamment le faire en participant massivement aux manifestations du 14 février, aux côtés de tous les souverainistes, notamment chrétiens et druzes, lesquels
digèrent mal les tentatives de rapprochement opportuniste oppéré par leur leader Walid Joumblatt en direction du régime syrien. Cette mobilisation est d'autant plus nécessaire que le Hezbollah a
choisi la même date pour commémorer Imad Maghnieh, son chef militaire assassiné le 12 février 2008 à Damas.
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Liban : Michel Aoun tente un "coup d'Etat" contre le Patriarche. Une vidéo d'archives pour rafraîchir les mémoires, du 27 novembre 2007
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Khaled Asmar
« MediArabe.info »